Contenu de l’avis d’enquête publique : la jurisprudence Danthony a encore frappé !

Catégorie

Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

September 2013

Temps de lecture

4 minutes

CE 25 septembre 2013 société Carrière de Bayssan, req. n° 359756 : à mentionner aux tables du Rec. CE

Dans une décision commune de Noisy-le-Grand du 3 juin 2013 commentée sur ce blog, le Conseil d’Etat – faisant application de sa désormais célèbre jurisprudence Danthony 1) CE 23 décembre 2011 Danthony, req. n° 335033 : Publié au Rec. CE. Pour mémoire cette décision énonce le principe selon lequel « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ». – a jugé dans un considérant de principe sibyllin que les irrégularités affectant les modalités de publication d’un avis d’enquête publique ne vicient la procédure et n’entraînent donc l’annulation de la décision prise à l’issue de celle-ci que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information du public ou d’exercer une influence sur les résultats de l’enquête.

La Haute juridiction avait considéré dans cette espèce que le fait que l’avis d’enquête n’ait été publié dans un seul journal local au lieu de deux n’était pas une irrégularité de nature à entraîner l’annulation de la décision prise à la suite de l’enquête.

Le Conseil d’Etat réaffirme ici sa position en reprenant mot pour mot le considérant de principe de l’arrêt commune de Noisy-le-Grand pour l’appliquer cette fois non pas aux modalités de publication de l’avis d’enquête mais à son contenu.

Les faits de l’affaire concernaient ici une enquête publique réalisée à l’occasion de l’installation et l’extension d’une ICPE. Selon l’article R. 512-15 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’avis litigieux, l’avis d’enquête concernant ce projet devait notamment préciser la nature de l’installation projetée.

Or en l’espèce, l’avis précisait seulement que l’enquête portait sur le projet de la société Carrière de Bayssan de reprise de l’exploitation et d’extension de la carrière de Vendres et Béziers aux lieux-dits Bayssan-Brisefer et mentionnait les rubriques 2510-1, 2515-1, 2517-2, 2920-2 de la nomenclature des ICPE.

Saisie d’un moyen tiré de l’insuffisance de cet avis, la cour administrative d’appel de Marseille avait jugé que « la seule référence à la rubrique 2515.1 ne permettait pas d’assurer une information suffisante du public sur la nature exacte des installations projetées et de la seconde autorisation sollicitée, tendant à l’exploitation d’une installation de broyage, concassage et criblage du calcaire ; que les deux seules observations recueillies par le commissaire enquêteur concernant spécifiquement l’installation de traitement des matériaux extraits émanent de conseillers municipaux de Vendres qui étaient nécessairement informés par ailleurs du détail des installations projetées ; que, dans les circonstances de l’espèce, le caractère incomplet de l’avis au public doit être regardé comme ayant pu faire obstacle à ce que l’ensemble des personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations ; que cette irrégularité de la procédure d’enquête publique est de nature à entacher l’arrêté contesté d’illégalité » 2) CAA Marseille 27 mars 2012 département de l’Hérault, req. n° 10MA00934   .

Après avoir rappelé que la méconnaissance des dispositions relatives à la publicité de l’ouverture d’enquête n’est de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l’illégalité de la décision prise à l’issue de l’enquête publique que si elle n’a pas permis une bonne information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’enquête et, par suite, sur la décision de l’autorité administrative, le Conseil d’Etat censure le raisonnement de la cour en jugeant que :

« si les dispositions de l’article R. 512-25 du code de l’environnement exigent que l’avis au public précise la nature de l’installation projetée, elles n’imposent pas que l’ensemble des activités prévues sur le site fassent l’objet d’une description détaillée ; que, par suite, en se fondant, pour juger que l’avis litigieux ne permettait pas une bonne information du public, sur la seule circonstance que, pour l’une des activités prévues sur le site, il se bornait à faire référence, sans l’expliciter, à la rubrique 2511-1 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, la cour a méconnu la portée des obligations prévues par l’article R. 512-15 du code de l’environnement ».

Au surplus, le Conseil d’Etat ajoute que :

« pour juger que, dans les circonstances de l’espèce qui lui était soumise, le caractère incomplet de l’avis au public devait être regardé comme ayant pu faire obstacle à ce que l’ensemble des personnes intéressées puissent faire valoir leurs observations, la cour s’est fondée sur la circonstance que le commissaire enquêteur n’avait reçu que deux observations portant spécifiquement sur l’installation de traitement des matériaux ; qu’en se fondant sur cette seule circonstance pour en déduire que la procédure d’enquête publique avait été irrégulière, la cour a commis une erreur de droit ».

Une nouvelle fois 3)Pour mémoire, après avoir appliqué la jurisprudence Danthony aux modalités de l’enquête publique dans l’arrêt commune de Noisy-le-Grand précité en juin 2013, le Conseil d’Etat a dans un arrêt d’assemblée commenté sur ce blog en date du 17 juillet dernier fait application de cette jurisprudence à la procédure de révision d’un PLU. le Conseil d’Etat censure donc les juges du fond pour n’avoir pas correctement appliqué la jurisprudence Danthony et assure à sa décision une certaine publicité 4)Rappelons que la décision sera mentionnée aux tables du Recueil Lebon..

Cette jurisprudence pragmatique permet de « sauver » les décisions administratives en faisant prévaloir le principe de sécurité juridique au détriment du principe de légalité et ce dans la droite ligne des jurisprudences  récentes du Conseil d’Etat 5)Voir par exemple dans le domaine des contrats : CE 3 octobre 2008 Smirgeomes, req. n° 305420 : Rec. CE..

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References   [ + ]

1. CE 23 décembre 2011 Danthony, req. n° 335033 : Publié au Rec. CE. Pour mémoire cette décision énonce le principe selon lequel « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ».
2. CAA Marseille 27 mars 2012 département de l’Hérault, req. n° 10MA00934   
3. Pour mémoire, après avoir appliqué la jurisprudence Danthony aux modalités de l’enquête publique dans l’arrêt commune de Noisy-le-Grand précité en juin 2013, le Conseil d’Etat a dans un arrêt d’assemblée commenté sur ce blog en date du 17 juillet dernier fait application de cette jurisprudence à la procédure de révision d’un PLU.
4. Rappelons que la décision sera mentionnée aux tables du Recueil Lebon.
5. Voir par exemple dans le domaine des contrats : CE 3 octobre 2008 Smirgeomes, req. n° 305420 : Rec. CE.

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