La substitution des motifs de refus d’autorisation d’exploitation commerciale devant le Conseil d’Etat ne peut être sollicitée que par la CNAC

Catégorie

Aménagement commercial, Droit administratif général

Date

February 2014

Temps de lecture

5 minutes

CE 5 février 2014 société Pludis, req. n° 367815, à mentionner aux T. du Rec. CE

Dans un arrêt Mme Hallal, le Conseil d’Etat a défini le régime de la substitution des motifs d’une décision administrative permettant de faire obstacle à son annulation par le juge :

« Considérant que l’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu’il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif ; que dans l’affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué » 1) CE 6 février 2004 Madame Hallal, req. n° 240560 : Publié au Rec. CE .

Par un arrêt du 5 février 2014 rendu dans le cadre du contentieux des autorisations d’exploitation commerciale, le Conseil d’Etat vient de préciser le cadre dans lequel cette règle générale peut s’appliquer en considérant qu’une « substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l’excès de pouvoir que par l’administration auteur de la décision attaquée ».

En l’espèce, la Commission nationale d’aménagement commerciale (CNAC), saisie par un concurrent, avait refusé à la société Pludis l’autorisation d’exploiter un hypermarché “E. Leclerc” d’une surface de vente de 2 500 m² au motif que « le projet favorisera l’étalement urbain et nuira ainsi à l’animation de la vie locale [et] que son site ne sera accessible que par véhicule automobile ».

Saisie par la société Pludis d’un recours contre ce refus, le Conseil d’Etat, exerçant un contrôle normal sur la décision de refus, annule la décision de la CNAC en considérant qu’elle avait commis une erreur d’appréciation aux motifs « que le projet en cause contribuera à renforcer et à diversifier l’offre commerciale à proximité de la commune de Pluduno, permettant ainsi de limiter l’évasion commerciale ; que si le terrain d’assiette du projet se trouve à 1,7 km du centre de Pluduno, ce terrain, qui se situe le long d’un axe routier et à proximité immédiate de plusieurs entreprises déjà installées, ne présente aucune caractéristique naturelle remarquable et a d’ailleurs vocation, en vertu du plan local d’urbanisme de la commune, à être urbanisé à court et moyen terme pour y installer des activités industrielles et commerciales ; que les flux de transport supplémentaires occasionnés par le projet pourront être absorbés par les infrastructures routières existantes et que le fait que le projet n’est pas inséré dans les réseaux de transport collectif, ne saurait, à lui seul, en l’espèce, justifier le refus d’accorder l’autorisation sollicitée ; que le projet, par sa faible importance et par son emplacement, complète le maillage du territoire concerné ; qu’enfin, le projet comporte une série de mesures destinées à assurer l’isolation des bâtiments et leur mise aux normes Haute Qualité Environnementale, la récupération et la réutilisation des eaux pluviales ».

En défense, la société concurrente qui avait saisi la CNAC a demandé au Conseil d’Etat de valider le refus d’autorisation pour un autre motif non visé par la CNAC, à savoir l’illégalité de la dérogation délivrée à la société Pludis par le syndicat mixte du Pays de Dinan, au titre de l’article L. 122-2 du code de l’urbanisme 2) Article L. 122-2 du code de l’urbanisme : « Dans les conditions précisées au présent article, dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d’urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d’ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle.
Jusqu’au 31 décembre 2012, le premier alinéa s’applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population. A compter du 1er janvier 2013 et jusqu’au 31 décembre 2016, il s’applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 15 000 habitants au sens du recensement général de la population. A compter du 1er janvier 2017, il s’applique dans toutes les communes.
Dans les communes où s’applique le premier alinéa et à l’intérieur des zones à urbaniser ouvertes à l’urbanisation après l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat, il ne peut être délivré d’autorisation d’exploitation commerciale en application de l’article L. 752-1 du code de commerce ou l’autorisation prévue aux articles L. 212-7 et L. 212-8 du code du cinéma et de l’image animée.
Il peut être dérogé aux dispositions des trois alinéas précédents soit avec l’accord du préfet donné après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et de la chambre d’agriculture, soit, jusqu’au 31 décembre 2016, lorsque le périmètre d’un schéma de cohérence territoriale incluant la commune a été arrêté, avec l’accord de l’établissement public prévu à l’article L. 122-4. La dérogation ne peut être refusée que si les inconvénients éventuels de l’urbanisation envisagée pour les communes voisines, pour l’environnement ou pour les activités agricoles sont excessifs au regard de l’intérêt que représente pour la commune la modification ou la révision du plan. Lorsque le préfet statue sur une demande de dérogation aux dispositions du deuxième (1) alinéa du présent article, il vérifie en particulier que le projet d’équipement commercial envisagé ne risque pas de porter atteinte aux équilibres d’un schéma de cohérence territoriale dont le périmètre est limitrophe de la commune d’implantation du fait des flux de déplacements de personnes et de marchandises qu’il suscite.
Le préfet peut, par arrêté motivé pris après avis de la commission de conciliation, constater l’existence d’une rupture géographique due à des circonstances naturelles, notamment au relief, et, en conséquence, exclure du champ d’application du présent article une ou plusieurs communes situées à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants jusqu’au 31 décembre 2012, ou de plus de 15 000 habitants du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016.
Pour l’application du présent article, les schémas d’aménagement régionaux des régions d’outre-mer mentionnés à l’article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, le schéma directeur de la région d’Ile-de-France prévu par l’article L. 141-1 et le plan d’aménagement et de développement durable de Corse prévu à l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales et, jusqu’à l’approbation de celui-ci, le schéma d’aménagement de la Corse maintenu en vigueur par l’article 13 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse ont valeur de schéma de cohérence territoriale
».
.

Le Conseil d’Etat a alors refusé de faire droit à cette demande en considérant que seule la CNAC, qui n’avait produit aucun mémoire en défense, pouvait demander une telle substitution de motifs.

Enfin, saisi de conclusions en ce sens, le Conseil d’Etat a enjoint à la CNAC de réexaminer à la demande de la société Pludis dans un délai de 4 mois 3) Dans un arrêt Société Fréno Dis, le Conseil d’Etat avait précisé que sa décision « n’impliqu[ait] pas nécessairement l’octroi de cette autorisation, [de sorte qu’] il n’y a[vait] pas lieu d’enjoindre à la commission nationale de statuer favorablement sur cette demande » (CE 25 mars 2013 société Fréno Dis, req. n° 354810) – voir pour un autre arrêt enjoignant à la CNAC de réexaminer la demande dans un délai de 4 mois : CE 27 novembre 2013 Société Les Boucles de la Seine, req. n° 360653..

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1. CE 6 février 2004 Madame Hallal, req. n° 240560 : Publié au Rec. CE
2. Article L. 122-2 du code de l’urbanisme : « Dans les conditions précisées au présent article, dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, le plan local d’urbanisme ne peut être modifié ou révisé en vue d’ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser délimitée après le 1er juillet 2002 ou une zone naturelle.
Jusqu’au 31 décembre 2012, le premier alinéa s’applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants au sens du recensement général de la population. A compter du 1er janvier 2013 et jusqu’au 31 décembre 2016, il s’applique dans les communes situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 15 000 habitants au sens du recensement général de la population. A compter du 1er janvier 2017, il s’applique dans toutes les communes.
Dans les communes où s’applique le premier alinéa et à l’intérieur des zones à urbaniser ouvertes à l’urbanisation après l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat, il ne peut être délivré d’autorisation d’exploitation commerciale en application de l’article L. 752-1 du code de commerce ou l’autorisation prévue aux articles L. 212-7 et L. 212-8 du code du cinéma et de l’image animée.
Il peut être dérogé aux dispositions des trois alinéas précédents soit avec l’accord du préfet donné après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et de la chambre d’agriculture, soit, jusqu’au 31 décembre 2016, lorsque le périmètre d’un schéma de cohérence territoriale incluant la commune a été arrêté, avec l’accord de l’établissement public prévu à l’article L. 122-4. La dérogation ne peut être refusée que si les inconvénients éventuels de l’urbanisation envisagée pour les communes voisines, pour l’environnement ou pour les activités agricoles sont excessifs au regard de l’intérêt que représente pour la commune la modification ou la révision du plan. Lorsque le préfet statue sur une demande de dérogation aux dispositions du deuxième (1) alinéa du présent article, il vérifie en particulier que le projet d’équipement commercial envisagé ne risque pas de porter atteinte aux équilibres d’un schéma de cohérence territoriale dont le périmètre est limitrophe de la commune d’implantation du fait des flux de déplacements de personnes et de marchandises qu’il suscite.
Le préfet peut, par arrêté motivé pris après avis de la commission de conciliation, constater l’existence d’une rupture géographique due à des circonstances naturelles, notamment au relief, et, en conséquence, exclure du champ d’application du présent article une ou plusieurs communes situées à moins de quinze kilomètres de la périphérie d’une agglomération de plus de 50 000 habitants jusqu’au 31 décembre 2012, ou de plus de 15 000 habitants du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016.
Pour l’application du présent article, les schémas d’aménagement régionaux des régions d’outre-mer mentionnés à l’article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, le schéma directeur de la région d’Ile-de-France prévu par l’article L. 141-1 et le plan d’aménagement et de développement durable de Corse prévu à l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales et, jusqu’à l’approbation de celui-ci, le schéma d’aménagement de la Corse maintenu en vigueur par l’article 13 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse ont valeur de schéma de cohérence territoriale
».
3. Dans un arrêt Société Fréno Dis, le Conseil d’Etat avait précisé que sa décision « n’impliqu[ait] pas nécessairement l’octroi de cette autorisation, [de sorte qu’] il n’y a[vait] pas lieu d’enjoindre à la commission nationale de statuer favorablement sur cette demande » (CE 25 mars 2013 société Fréno Dis, req. n° 354810) – voir pour un autre arrêt enjoignant à la CNAC de réexaminer la demande dans un délai de 4 mois : CE 27 novembre 2013 Société Les Boucles de la Seine, req. n° 360653.

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