Le formulaire DC 2 peut suffire à justifier des capacités financières d’un candidat à un marché public.

Catégorie

Contrats publics

Date

March 2014

Temps de lecture

4 minutes

CE 21 février 2014 les sociétés AD3 et Les Lavandières, req. n° 373096

Par un arrêt rendu dans le cadre d’un pourvoi contre une ordonnance du juge des référés précontractuels, le Conseil d’Etat est venu préciser sa jurisprudence en matière de document attestant des capacités financières des candidats.

Le centre départemental gériatrique de l’Indre avait publié un avis d’appel public à la concurrence en vue de la passation d’un marché public relatif à des prestations de blanchisserie, dont un lot n° 2 concernant la location et l’entretien du linge des résidents.

Saisi, par l’un des concurrents évincés, d’un référé précontractuel exercé en application de l’article L.551-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a annulé la procédure de passation de ce lot n° 2, au motif que le règlement de la consultation ne requérait aucun des documents visés par l’article 1 de l’arrêté du 28 août 2006 1) Arrêté du ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs, JORF du 29 août 2006, p.12766. et ne permettait donc pas de contrôler les capacités financières du candidat retenu au sens de l’article 45 du code des marchés publics.

Rappelons qu’aux termes du I de cet article,

« Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. Le pouvoir adjudicateur peut également exiger, si l’objet ou les conditions du marché le justifient, des renseignements relatifs à leur habilitation préalable, ou à leur demande d’habilitation préalable, en application des articles R. 2311-1 et suivants du code de la défense relatifs à la protection du secret de la défense nationale.

La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie

Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l’objet du marché. Les documents, renseignements et les niveaux minimaux de capacité demandés sont précisés dans l’avis d’appel public à concurrence ou, en l’absence d’un tel avis, dans les documents de la consultation ».

Ces renseignements et documents sont pour leur part listés à l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2006, qui dispose, concernant plus spécifiquement les documents ayant trait aux capacités financières :

« A l’appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l’appréciation des capacités des candidats, le pouvoir adjudicateur ne peut demander, en application de l’article 45 du code des marchés publics ou de l’article 17 du décret du 30 décembre 2005 susvisé, que le ou les renseignements et le ou les documents suivants :

– déclaration concernant le chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles ;
– déclaration appropriée de banques ou preuve d’une assurance pour les risques professionnels ;
– bilans ou extraits de bilans, concernant les trois dernières années, des opérateurs économiques pour lesquels l’établissement des bilans est obligatoire en vertu de la loi
».

Les sociétés attributaires du marché, ainsi que le centre départemental gériatrique de l’Indre, se sont alors pourvus en cassation contre cette ordonnance.

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat commence par rappeler que ces dispositions n’ouvrent pas simplement une possibilité au pouvoir adjudicateur, mais lui imposent une véritable obligation de contrôler les capacités financières, professionnelles et techniques des candidats, en reprenant un considérant de principe constant depuis un arrêt Communauté urbaine de Lyon du 26 mars 2008 2) CE 26 mars 2008 Communauté Urbaine de Lyon, req. n° 303779 : mentionné au Rec. CE. :

« Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public et que cette vérification s’effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus à l’article 1er précité de l’arrêté du 28 août 2006 ; que si les documents ou renseignements exigés à l’appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser, les avis d’appel public à concurrence, ou le règlement de consultation dans les cas de procédures dispensées de l’envoi de tels avis, doivent nécessairement prévoir un de ces documents ou renseignements afin précisément de permettre au pouvoir adjudicateur de procéder au contrôle des garanties requises des candidats ».

Ceci étant rappelé, le Conseil d’Etat précise néanmoins les contours de cette obligation : si le pouvoir adjudicateur se doit de demander, dans son avis d’appel public à la concurrence, des documents lui permettant de contrôler les capacités, notamment financières, du candidat, il n’est pas nécessaire pour cela d’exiger formellement l’une des pièces listées par l’arrêté du 28 août 2006 dès lors que le contenu du document demandé correspond à l’un de ces renseignements et lui permet donc de la même manière de contrôler sa capacité.

Surtout, et il s’agit là de l’apport majeur de cet arrêt, le Conseil d’Etat considère en l’espèce que cette obligation est remplie par l’exigence faite dans le règlement de la consultation de produire le formulaire « DC 2 : déclaration du candidat individuel ou du membre du groupement » à l’appui des candidatures.

Rappelons que, au même titre que les formulaires « DC 1 : lettre de candidature » ou « DC 3 : Acte d’engagement », le DC 2 est un formulaire-type réalisé par la Direction des Affaires Juridiques du ministère de l’Economie et des Finances afin d’être utilisé par les candidats à l’attribution d’un marché, en principe facultativement même si son emploi peut être imposé par le pouvoir adjudicateur.

Or, ce formulaire demande, notamment, au candidat d’indiquer son chiffre d’affaire global hors taxe sur les trois dernières années, ainsi que la part de celui-ci concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché.

Dès lors, constatant que ces informations correspondent parfaitement au premier des renseignements listés par l’article 1er précité de l’arrêté du 28 août 2006, le Conseil d’Etat en tire donc la conclusion que le pouvoir adjudicateur a pu, en l’espèce, être mis en mesure de s’assurer de la capacité financière des candidats conformément aux exigences de l’article 45 du code des marchés publics, et valide en conséquence la procédure de passation contestée.

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References   [ + ]

1. Arrêté du ministre de l’Economie, des finances et de l’industrie du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs, JORF du 29 août 2006, p.12766.
2. CE 26 mars 2008 Communauté Urbaine de Lyon, req. n° 303779 : mentionné au Rec. CE.

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