Communes nouvelles et urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2015

Temps de lecture

6 minutes

Loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes

Encore une modification du code de l’urbanisme !

Et, cette fois-ci, nichée dans une loi parue au Journal officiel du 17 mars 2015 et dont l’objectif – la fusion de communes existantes en une commune nouvelle – ne le laissait pas augurer.

    1 – La création des communes nouvelles

La France comptant 36 850 communes, la volonté de les regrouper en procédant à des fusions de communes contigües est ancienne. Après une première tentative avec la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971, dite « loi Marcellin », la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est revenue à la charge en permettant la création d’une commune nouvelle « en lieu et place de communes contiguës » 1) Article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales , selon différentes hypothèses (volonté de tous les conseils municipaux, de deux tiers d’entre eux si les communes font déjà partie d’un établissement public de coopération intercommunale, du préfet…) 2) Cf. les articles L. 2113-1 à L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales..

Lorsque la commune nouvelle est issue de communes appartenant toute à un établissement public de coopération intercommunale, elle peut ainsi se substituer à celui-ci, concrétisant l’approfondissement du rapprochement des anciennes communes. La commune nouvelle est par ailleurs soumise aux règles applicables aux communes classiques, sous réserve de certaines spécificités, telles que la possibilité de recréer, en son sein, et à la place des anciennes communes, des « communes déléguées » conservant un « maire délégué ».

Le constat d’une création limitée à 13 communes nouvelles, regroupant 35 communes, en quatre ans ayant été fait 3) Christine Pires Beaune, Rapport n° 2310 fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, enregistré le 22 octobre 2014., des propositions de loi ont été déposées par des parlementaires pour en faciliter tant le processus que l’attrait, en agissant sur trois leviers : institutionnel (place des élus locaux, articulation avec l’intercommunalité…), identitaire (prise en compte des spécificités communales en matière d’urbanisme et d’architecture) et financier (garantie temporaire du maintien des dotations budgétaires…) 4) Proposition de loi de M. Jacques Pélissard relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle (n° 1778) déposée le 13 février 2014 ; proposition de loi de M. Jacques Pélissard relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes au sein d’intercommunalités de projet (n° 2215) déposée le 17 septembre 2014 ; proposition de loi de Mme Christine Pires Beaune relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes (n° 2223) déposée le 17 septembre 2014..

Le résultat en est la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015.

    2 – Le volet urbanisme de la loi du 16 mars 2015

La section 2 de la loi du 16 mars 2015 est intitulée « Mieux prendre en compte les spécificités de la commune nouvelle dans les documents d’urbanisme » et comporte trois articles.

    2.1 Le cas des communes littorales

Son article 7 complète d’abord l’article L. 321-2 du code de l’environnement par un alinéa disposant que :

    « En cas de création d’une commune nouvelle en application de l’article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales, les règles relatives aux communes littorales s’appliquent au seul territoire des anciennes communes la composant précédemment considérées comme communes littorales. Le conseil municipal peut cependant demander à ce que l’ensemble du territoire de la commune nouvelle soit soumis aux règles relatives aux communes littorales ».

L’article L. 321-1 du code de l’environnement affirme en effet que « Le littoral est une entité géographique qui appelle une politique spécifique d’aménagement, de protection et de mise en valeur » ; et les articles suivants, comme les dispositions d’autres codes, viennent décliner ce principe en prévoyant un régime spécifique pour les communes considérées comme littorales en application de l’article L. 321-2. Notamment, l’article L. 321-7 du code de l’environnement renvoie aux articles L. 146-1 et suivants du code de l’urbanisme, qui encadrent l’urbanisation des communes littorales.

Lors des débats parlementaires, les contraintes induites par la protection du littoral ont pu apparaître comme un frein à l’adoption du régime de la commune nouvelle, et un amendement est venu permettre de limiter l’application des règles y afférentes aux anciennes communes littorales, pour éviter de dissuader les communes de l’arrière-pays de se regrouper avec elles.

    2.2 La prise en compte des spécificités des anciennes communes dans le PADD

Son article 8 vient ensuite compléter l’article L. 123-1-3 du code de l’urbanisme par un alinéa énonçant que le projet d’aménagement et de développement durables (PADD) du plan local d’urbanisme : « peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes, notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu’il existe une ou plusieurs communes nouvelles ».

Le PADD a un triple objet :

    – Il définit les orientations générales des politiques d’aménagement, d’équipement, d’urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ;
    – Il arrête les orientations générales concernant l’habitat, les transports et les déplacements, le développement des communications numériques, l’équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l’ensemble de l’établissement public de coopération intercommunale ou de la commune ;
    – Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain

Lors de la discussion du texte devant l’Assemblée nationale, il a été considéré que le PADD « peut actuellement comporter des éléments textuels ou graphiques mettant en évidence les particularités urbanistiques de certaines communes ou de zones définies. Aussi l’introduction du principe de reconnaissance des spécificités des anciennes communes n’apporte pas d’évolution notable au droit en vigueur » 5) Rapport n° 2310, précité.. Il a été décidé en conséquence de remplacer le mécanisme initialement prévu de prise en compte des spécificités des anciennes communes par l’institution, lors de la mise en place du PLU, de secteurs correspondant à une ou plusieurs anciennes communes aux fins d’y appliquer des règles particulières afin de prendre en compte leurs spécificités urbanistiques. Concrètement, il s’agissait d’ouvrir à la commune nouvelle le bénéfice de l’article L. 123-1-1-1 du code de l’urbanisme relatif aux plans de secteur 6) Prévoyant que : « Lorsqu’il est élaboré par un établissement public de coopération intercommunale compétent, le plan local d’urbanisme peut comporter des plans de secteur qui couvrent chacun l’intégralité du territoire d’une ou plusieurs communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale et qui précisent les orientations d’aménagement et de programmation ainsi que le règlement spécifiques à ce secteur […] »..

Finalement, le Sénat est revenu au mécanisme initial de simple prise en compte des spécificités des anciennes communes dans le PADD, le mécanisme des secteurs ayant paru ne pas devoir être retenu « en raison de la complexité que ces derniers pourraient entraîner en termes de hiérarchie des normes d’urbanisme » 7) Michel Mercier, Rapport n° 144 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 3 décembre 2014..

    2.3 Le maintien temporaire des anciens documents d’urbanisme

L’article 9 de la loi, enfin, introduit des dispositions transitoires permettant le maintien des documents d’urbanisme élaborés par les communes fusionnées avant leur regroupement au sein de la commune nouvelle. A cet effet, en matière de plans locaux d’urbanisme, il complète l’article L. 123-1-1 du code de l’urbanisme par un alinéa prévoyant que :

    « En cas de création d’une commune nouvelle, les dispositions des plans locaux d’urbanisme applicables aux anciennes communes restent applicables. Elles peuvent être modifiées, selon les procédures prévues aux articles L. 123-13-1 à L. 123-13-3, ainsi qu’aux articles L. 123-14 et L. 123-14-2, jusqu’à l’approbation ou la révision d’un plan local d’urbanisme couvrant l’intégralité du territoire de la commune nouvelle. La procédure d’élaboration ou de révision de ce dernier plan est engagée au plus tard lorsqu’un des plans locaux d’urbanisme applicables sur le territoire de la commune nouvelle doit être révisé ».

Et, en matière de cartes communales, il modifie pareillement l’article L. 124-2 du même code :

    « En cas de création d’une commune nouvelle, les dispositions des cartes communales applicables aux anciennes communes restent applicables. Elles peuvent être révisées ou modifiées jusqu’à l’approbation d’une carte communale ou d’un plan local d’urbanisme couvrant l’intégralité du territoire de la commune nouvelle ».

La proposition de loi initiale proposait de compléter l’article 19 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite « Grenelle II »), pour maintenir l’application des documents d’urbanisme approuvés ou révisés par les conseils municipaux des anciennes communes avant la date de la création de la commune nouvelle, le temps que soit approuvé le document d’urbanisme de cette dernière.

Constatant qu’il existait déjà, aux articles L. 123-1-1 et L. 124-2 du code de l’urbanisme, des mécanismes d’évolution des documents d’urbanisme en cas de modification du périmètre de la commune ou de l’EPCI à fiscalité propre qui les a élaborés (par exemple lorsque deux EPIC fusionnent), l’Assemblée nationale a jugé plus pertinent de les compléter pour y insérer des dispositions propres aux communes nouvelles, en permettant le maintien temporaire des anciens documents d’urbanisme (et leur modification selon les règles de droit commun) jusqu’à l’approbation ou la révision d’un PLU (ou d’une carte communale) couvrant tout le territoire de la nouvelle collectivité.

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References   [ + ]

1. Article L. 2113-2 du code général des collectivités territoriales
2. Cf. les articles L. 2113-1 à L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales.
3. Christine Pires Beaune, Rapport n° 2310 fait au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, enregistré le 22 octobre 2014.
4. Proposition de loi de M. Jacques Pélissard relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle (n° 1778) déposée le 13 février 2014 ; proposition de loi de M. Jacques Pélissard relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes au sein d’intercommunalités de projet (n° 2215) déposée le 17 septembre 2014 ; proposition de loi de Mme Christine Pires Beaune relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes (n° 2223) déposée le 17 septembre 2014.
5. Rapport n° 2310, précité.
6. Prévoyant que : « Lorsqu’il est élaboré par un établissement public de coopération intercommunale compétent, le plan local d’urbanisme peut comporter des plans de secteur qui couvrent chacun l’intégralité du territoire d’une ou plusieurs communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale et qui précisent les orientations d’aménagement et de programmation ainsi que le règlement spécifiques à ce secteur […] ».
7. Michel Mercier, Rapport n° 144 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 3 décembre 2014.

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