La CNAC n’est pas dessaisie de sa compétence par l’intervention d’un avis implicite à l’issue du délai d’un mois imparti par les dispositions de l’article L. 752-4 du code de commerce

Catégorie

Aménagement commercial

Date

September 2015

Temps de lecture

6 minutes

CE 21 septembre 2015 Société Lidl, req. n° 376359 : publié au Rec. CE

Cette décision vient préciser le régime des avis implicites rendus par la CNAC saisie sur le fondement de l’article L. 752-4 du code de commerce.

L’article L. 752-4 du code de commerce 1) Art. L. 752-4 C. com. en vigueur : « Dans les communes de moins de 20 000 habitants, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme peut, lorsqu’il est saisi d’une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, proposer au conseil municipal ou à l’organe délibérant de cet établissement de saisir la commission départementale d’aménagement commercial afin qu’elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l’article L. 752-6.
Dans ces communes, lorsque le maire ou le président de l’établissement public compétent en matière d’urbanisme est saisi d’une demande de permis de construire un équipement commercial visé à l’alinéa précédent, il notifie cette demande dans les huit jours au président de l’établissement public prévu à l’article L. 122-4 du code de l’urbanisme sur le territoire duquel est projetée l’implantation. Celui-ci peut proposer à l’organe délibérant de saisir la commission départementale d’aménagement commercial afin qu’elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l’article L. 752-6.
La délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale est motivée. Elle est transmise au pétitionnaire sous un délai de trois jours [et affichée pendant un mois à la porte de la mairie de la commune d’implantation] (ajout issu de l’article 47 de la loi ACTPE).
En cas d’avis défavorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial, le permis de construire ne peut être délivré.
La commission départementale d’aménagement commercial se prononce dans un délai d’un mois.
En cas d’avis négatif, le promoteur peut saisir la Commission nationale d’aménagement commercial qui se prononce dans un délai d’un mois. Le silence de la commission nationale vaut confirmation de l’avis de la commission départementale ».
– dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce comme dans sa version actuelle légèrement modifiée par la loi du 18 juin 2014 dite « ACTPE » 3) Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises. – prévoit une procédure consultative facultative pour les projets non soumis de manière obligatoire à autorisation d’exploitation commerciale 4) Les projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale sont énumérés aux articles L. 752-1 et L. 752-2 du code de commerce. Il s’agit des projets de création, d’extension, de réouverture au public de magasins de commerce de détail ou d’ensemble commercial ou encore de regroupements de magasins voisins dont la surface de vente est supérieure à 1 000 m²..

Ainsi, lorsque le maire d’une commune de moins de 20 000 habitants est saisi d’une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface de vente est comprise entre 300 et 1 000 m², il peut proposer au conseil municipal de soumettre pour avis ce projet à la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC).

Toutefois, dès lors que l’avis de la commission a été sollicité dans le cadre de la procédure prévue par l’article L. 752-4, le maire est tenu de suivre celui-ci. Plus exactement, si la commission a rendu un avis défavorable sur le projet, le maire a compétence liée pour refuser de délivrer le permis de construire (en revanche, l’avis favorable rendu par la commission n’impose pas au maire de délivrer le permis, d’autres motifs pouvant le conduire à rejeter la demande).

En l’espèce, le maire de Montmélian, commune de moins de 4 000 habitants située dans les environs de Chambéry, a été saisi par la société Lidl d’une demande portant sur la construction d’un supermarché de 901 m² de surface de vente.

Avant de se prononcer sur cette demande, il a sollicité l’avis de la CDAC de Savoie, qui a rendu un avis défavorable le 8 février 2010.

Comme les dispositions de l’article L. 752-4 du code de commerce le permettent, cet avis a été contesté par la société Lidl devant la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) le 2 mars 2010.

En l’absence de réponse de cette dernière à l’issue du délai d’un mois lui étant imparti pour statuer, un avis implicite confirmant l’avis rendu par la CDAC est intervenu, conformément au dernier alinéa de l’article L. 752-4.

Toutefois, le 12 mai 2010, la CNAC a rendu un avis exprès favorable sur le projet.

Mais, n’ayant pas encore eu connaissance de cet avis, le maire de Montmélian a, par un arrêté du 9 juin 2010, refusé la demande présentée par Lidl au motif qu’il était tenu par l’avis défavorable implicite de la CNAC.

La société pétitionnaire a formé, le 2 juillet 2010, un recours gracieux pour demander l’abrogation de cette décision, implicitement rejeté par le maire au terme d’un délai de deux mois.

Elle a donc demandé l’annulation de l’arrêté du 9 juin 2010 ainsi que de la décision implicite de rejet devant le tribunal administratif (TA) de Grenoble.

Par un jugement du 21 mars 2013, le TA de Grenoble a annulé le rejet du recours gracieux en se fondant sur les motifs suivants :

    « Considérant qu’il n’est pas contesté que la commune de Montmélian a reçu, postérieurement à la date de la décision attaquée, communication de l’avis en date du 22 juillet 2010, par lequel la commission nationale d’aménagement commercial a admis de manière expresse le recours de la société Lidl et a émis un avis favorable à la réalisation de son projet ; que, comme le soutient la requérante, l’autorité administrative est tenue d’abroger une décision administrative non règlementaire devenue illégale à la suite d’un changement de circonstances de droit ou de fait lorsque cette décision n’a pas créé de droits au profit de son titulaire et n’est pas devenue définitive ; qu’il ressort de ce qui précède qu’en refusant d’abroger l’arrêté du 9 juin 2010 à la suite de la demande de recours gracieux déposée par la requérante en date du 2 juillet 2010 ou à réception de l’avis rectifié de la commission nationale d’aménagement commercial en date du 22 juillet 2010, le maire de la commune de Montmélian a ainsi illégalement maintenu une décision de refus de permis de construire devenue illégale ; que par voie de conséquence, la décision implicite de refus de recours gracieux née le 2 septembre 2010 doit être annulée ». 2) TA Grenoble 21 mars 2013 Société Lidl, req. n° 1003895.

Mais, sur l’appel de la commune, la cour administrative d’appel (CAA) de Lyon a annulé ce jugement en estimant que la survenance de l’avis implicite de la CNAC avait dessaisi la commission, laquelle n’était plus compétente pour statuer sur le projet de la société Lidl 5) CAA Lyon 14 janvier 2014 Commune de Montmélian, req. n° 13LY01282..

Il incombait donc au Conseil d’Etat, saisi du pourvoi de la pétitionnaire, de juger si, dans le cadre de la procédure d’avis rendu sur le fondement de l’article L. 752-4 du code de commerce, la CNAC était compétente pour retirer par un avis exprès l’avis implicite né du silence gardé par cette dernière à l’expiration du délai d’un mois lui étant imparti pour se prononcer.

La Haute juridiction a répondu par l’affirmative dans la décision commentée :

    « Considérant que si, en application des dispositions citées ci-dessus de l’article L. 752-4 du code de commerce, le silence gardé par la Commission nationale d’aménagement commercial sur sa saisine par la société Lidl le 2 mars 2010 a fait naître, le 2 avril 2010, un avis tacite confirmant l’avis négatif rendu le 8 février précédent par la commission départementale d’aménagement commercial, l’intervention de cet avis tacite ne faisait pas obstacle à ce que, se prononçant expressément sur ce projet le 12 mai 2010, la commission nationale émette un avis favorable se substituant à l’avis tacite précédemment rendu ».

La solution retenue ici en matière d’avis est similaire à celle qui prévaut en matière d’autorisation.

En effet, d’après une jurisprudence bien établie 6) Voir CE 4 juillet 2012 Association de défense des consommateurs du centre-ville de Reims, req. n° 352933 : publié au Rec. CE – plus récemment : CE 23 décembre 2013 SCI Elomidel, req. n° 353821 – CE 7 novembre 2014 CSF France, req. n° 370764., « le délai de quatre mois dans lequel la Commission nationale d’aménagement commercial doit statuer en application de l’article L. 752-17 du code de commerce n’est pas imparti à peine de dessaisissement ». Cette dernière peut donc retirer la décision implicite née de son silence à l’issue du délai de quatre mois – à condition que cette dernière soit illégale et se prononcer sur le projet, en rendant une décision dans le même sens ou en sens contraire de celle rendue par la CDAC.

Dans le cas de la procédure suivie en application des dispositions de l’article L. 752-4 du code de commerce analysée ici, la commission nationale est donc compétente pour rendre un avis exprès qui se substitue à l’avis implicite intervenu au terme du délai d’un mois imparti à cette dernière pour se prononcer.

Le Conseil d’Etat en a déduit que la cour avait commis une erreur de droit en jugeant que la CNAC avait été dessaisie de sa compétence du fait de la survenance de l’avis tacite et que l’avis exprès du 12 mai 2010 ne pouvait que confirmer l’avis défavorable, de sorte que le maire était tenu de refuser le permis de construire sollicité.

L’arrêt du 14 janvier 2014 a donc été annulé et l’affaire renvoyée devant la CAA de Lyon.

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1. Art. L. 752-4 C. com. en vigueur : « Dans les communes de moins de 20 000 habitants, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme peut, lorsqu’il est saisi d’une demande de permis de construire un équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés, proposer au conseil municipal ou à l’organe délibérant de cet établissement de saisir la commission départementale d’aménagement commercial afin qu’elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l’article L. 752-6.
Dans ces communes, lorsque le maire ou le président de l’établissement public compétent en matière d’urbanisme est saisi d’une demande de permis de construire un équipement commercial visé à l’alinéa précédent, il notifie cette demande dans les huit jours au président de l’établissement public prévu à l’article L. 122-4 du code de l’urbanisme sur le territoire duquel est projetée l’implantation. Celui-ci peut proposer à l’organe délibérant de saisir la commission départementale d’aménagement commercial afin qu’elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l’article L. 752-6.
La délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale est motivée. Elle est transmise au pétitionnaire sous un délai de trois jours [et affichée pendant un mois à la porte de la mairie de la commune d’implantation] (ajout issu de l’article 47 de la loi ACTPE).
En cas d’avis défavorable de la commission départementale d’aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d’aménagement commercial, le permis de construire ne peut être délivré.
La commission départementale d’aménagement commercial se prononce dans un délai d’un mois.
En cas d’avis négatif, le promoteur peut saisir la Commission nationale d’aménagement commercial qui se prononce dans un délai d’un mois. Le silence de la commission nationale vaut confirmation de l’avis de la commission départementale ».
2. TA Grenoble 21 mars 2013 Société Lidl, req. n° 1003895.
3. Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.
4. Les projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale sont énumérés aux articles L. 752-1 et L. 752-2 du code de commerce. Il s’agit des projets de création, d’extension, de réouverture au public de magasins de commerce de détail ou d’ensemble commercial ou encore de regroupements de magasins voisins dont la surface de vente est supérieure à 1 000 m².
5. CAA Lyon 14 janvier 2014 Commune de Montmélian, req. n° 13LY01282.
6. Voir CE 4 juillet 2012 Association de défense des consommateurs du centre-ville de Reims, req. n° 352933 : publié au Rec. CE – plus récemment : CE 23 décembre 2013 SCI Elomidel, req. n° 353821 – CE 7 novembre 2014 CSF France, req. n° 370764.

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