Protection du patrimoine culturel : modification du régime des biens culturels

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

September 2017

Temps de lecture

4 minutes

Ordonnance n° 2017-1134 du 5 juillet 2017 portant diverses dispositions communes à l’ensemble du patrimoine culturel

Après l’ordonnance du 27 avril 2017 relative aux immeubles et objets mobiliers classés ou inscrits au titre des monuments historiques et l’ordonnance du 29 juin 2017 relative aux règles de conservation, de sélection et d’étude du patrimoine archéologique mobilier, cette nouvelle ordonnance du 5 juillet 2017 intervient elle aussi dans le cadre de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (« LCAP ») qui habilite le gouvernement à prendre certaines dispositions par ordonnance.

Cette ordonnance vise à encadrer la circulation des biens culturels, à renforcer leur protection (en particulier, concernant les trésors nationaux) et à faciliter le transfert de ces biens entre personnes publiques dans un objectif de conservation et d’accessibilité du public.

Par cohérence avec l’entrée en vigueur prévue pour l’ordonnance du 27 avril 2017 précitée 1) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-1134 du 5 juillet 2017 portant diverses dispositions communes à l’ensemble du patrimoine culturel., la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance ici commentée est différée à une date qui sera ultérieurement fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2018.

1 Des précisions sur le régime des certificats d’exportation

L’ordonnance prévoit les hypothèses dans lesquelles l’instruction des demandes de certificat d’exportation pourra être suspendue, à savoir « s’il existe des présomptions graves et concordantes que le bien appartient au domaine public, a été illicitement importé, constitue une contrefaçon ou provient d’un autre crime ou délit » 2) Article L. 111-3-1 du code du patrimoine (effet différé)..

Le demandeur sera alors informé de cette suspension et devra apporter les preuves du « déclassement du domaine public, de l’authenticité du bien ou de la licéité de sa provenance ou de son importation ». Le cas échéant, sa demande ne pourra être déclarée qu’irrecevable.

Les biens faisant l’objet d’un refus de certificat, seront soumis à un régime particulier :

► Les propriétaires de trésors nationaux devront déclarer à l’autorité administrative le lieu de conservation desdits biens et les avertir de tout changement de ce lieu 3) Article L. 111-7-1 du code du patrimoine (effet différé). ;
► En outre, « pendant la durée d’effet du refus de délivrance du certificat, les trésors nationaux ne [pourront] être modifiés ou restaurés sans autorisation de l’autorité administrative » 4) Article L. 111-7-2 du code du patrimoine (effet différé)..

Concernant en particulier les refus de délivrance de certificat d’exportation concernant les archives, l’ordonnance précise que ces biens « ne [pourront] être aliénés par lot ou pièce pendant la durée d’effet du refus de délivrance du certificat » 5) Article L. 111-7-3 du code du patrimoine (effet différé)..

En outre, ces biens seront d’autant plus protégés que l’ordonnance prévoit :

► D’une part, un mécanisme de sanction concernant « le fait, pour une personne détentrice sans droit ni titre d’archives publiques ou d’un autre bien culturel appartenant au domaine public, de ne pas les restituer sans délai au propriétaire ou à l’autorité qui en fait la demande en application des dispositions des articles L. 112-22 et L. 212-1 » 6) Aux termes de l’article L. 114-2-1 du code du patrimoine (effet différé), ces faits seront susceptibles d’être punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 EUR d’amende. , et
► D’autre part, deux actions ouvertes aux propriétaires ou affectataires d’un bien culturel et, pour les archives publiques, aux « propriétaire[s] du document, l’administration des archives ou tout service public d’archives » 7) Personnes visées par l’article L. 212-1 du code du patrimoine. : une action en revendication à l’encontre du détenteur du bien concerné et une action en nullité contre tout acte d’aliénation du bien 8) Tout en protégeant les acquéreurs de bonne foi par la possibilité d’agir sur le fondement de l’article 1626 du code civil (action en garantie d’éviction)..

2 L’élargissement des possibilités de transfert de propriété

2.1 L’ordonnance étend, en outre, les dispositions applicables à la préemption des œuvres d’art à tous les biens culturels.

Ainsi, le nouvel article L. 123-1 du code du patrimoine prévoit que « l’Etat [pourra] exercer, sur toute vente publique ou vente de gré à gré de biens culturels réalisée dans les conditions prévues par l’article L. 321-9 du code de commerce, un droit de préemption par l’effet duquel il se trouve subrogé à l’adjudicataire ou à l’acheteur ».

Le droit de préemption précité pourra également être exercé par l’Etat au nom et pour le compte « d’une collectivité territoriale, d’un groupement de collectivités territoriales, d’un établissement public local, d’une personne morale de droit privé sans but lucratif propriétaire d’une collection affectée à un musée de France ou d’une fondation reconnue d’utilité publique propriétaire d’un fonds d’archives » 9) Article L. 123-3 du code du patrimoine..

2.2 L’ordonnance facilite également le transfert des biens culturels entre personnes publiques :

« Une personne publique, après approbation de l’autorité administrative compétente, [pourra] transférer à titre gratuit à une autre personne publique, sans déclassement préalable, la propriété d’un bien culturel mobilier ou d’un ensemble de biens culturels appartenant à son domaine public au sens de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, pour la meilleure conservation des biens ou pour un autre motif d’intérêt général.
Ce transfert ne [pourra] porter sur les archives publiques, les biens donnés ou légués à la personne publique lorsque le donateur ou le testateur [se sera] opposé dans l’acte de donation ou le testament à une substitution de gratifié ou les biens remis à l’Etat en application des articles 1131 et 1716 bis du code général des impôts.
Lorsque le projet de transfert [portera] sur tout ou partie de collections affectées à un musée de France, il [suivra] la procédure prévue à l’article L. 451-8.
Le cessionnaire [s’engagera] préalablement à affecter le bien ou l’ensemble de biens transférés dans son domaine public à un musée de France ou à un autre service public culturel accessible au public qu’il administre ou contrôle et à en assurer la conservation et la mise en valeur sous le contrôle scientifique et technique des services compétents de l’Etat.
La procédure de transfert, l’autorité administrative compétente ainsi que les modalités du contrôle scientifique et technique [seront] définies par décret en Conseil d’Etat
» 10) Article L. 125-1 du code du patrimoine (effet différé)..

En conclusion, cette ordonnance s’inscrit dans la lignée des deux ordonnances précédentes et renforcera, une fois entrée en vigueur, le mécanisme de protection du patrimoine culturel national.

Partager cet article

References   [ + ]

1. Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-1134 du 5 juillet 2017 portant diverses dispositions communes à l’ensemble du patrimoine culturel.
2. Article L. 111-3-1 du code du patrimoine (effet différé).
3. Article L. 111-7-1 du code du patrimoine (effet différé).
4. Article L. 111-7-2 du code du patrimoine (effet différé).
5. Article L. 111-7-3 du code du patrimoine (effet différé).
6. Aux termes de l’article L. 114-2-1 du code du patrimoine (effet différé), ces faits seront susceptibles d’être punis d’un an d’emprisonnement et de 15 000 EUR d’amende.
7. Personnes visées par l’article L. 212-1 du code du patrimoine.
8. Tout en protégeant les acquéreurs de bonne foi par la possibilité d’agir sur le fondement de l’article 1626 du code civil (action en garantie d’éviction).
9. Article L. 123-3 du code du patrimoine.
10. Article L. 125-1 du code du patrimoine (effet différé).

3 articles susceptibles de vous intéresser