Un certificat d’urbanisme, y compris négatif, confère à son bénéficiaire un droit à voir sa demande de permis de construire déposée dans les dix-huit mois examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date dudit certificat, sous réserve du sursis à statuer opposable lorsque le plan local d’urbanisme est en cours d’évolution

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

January 2018

Temps de lecture

6 minutes

CE 18 décembre 2017 M. A. B .et Mme C .D., épouse B., req. n° 380438 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

1 Le contexte du pourvoi

M. et Mme B., propriétaires d’un terrain sur le territoire de la commune de Lambres lez Douai, avaient demandé à la commune un certificat d’urbanisme en vue de la construction d’une habitation. Le maire leur a alors délivré le 29 novembre 2009 un certificat d’urbanisme précisant qu’un sursis à statuer pourrait être opposé à une demande de permis de construire qui viendrait remettre en cause l’économie générale du plan local d’urbanisme (PLU) alors en cours de modification. Par une décision du 9 juillet 2010, le maire a refusé de leur délivrer un permis de construire sur le terrain en cause, sur le fondement du PLU modifié le 16 décembre 2009.
Par un jugement n° 1006810 du 20 septembre 2012, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande des intéressés tendant à l’annulation du refus de permis de construire, ensemble le rejet de leur recours gracieux.
Par un arrêt n° 12DA01691 du 25 mars 2014, la cour administrative d’appel de Douai a rejeté leur appel formé contre ce jugement.
Par une décision n° 380438 du 18 décembre 2017, le Conseil d’Etat a, d’une part, annulé l’arrêt attaqué et, d’autre part, réglant l’affaire au fond, rejeté la requête présentée par M. et Mme B. devant la cour administrative d’appel de Douai.
Ce faisant, il consacre le droit du bénéficiaire d’un certificat d’urbanisme, même négatif, à voir sa demande de permis de construire déposée dans les dix-huit mois être examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date dudit certificat (2.1) sous réserve de la possibilité pour l’administration d’opposer un sursis à statuer lorsque l’une des conditions énumérées à l’article L. 424-1 du code de l’urbanisme est remplie (2.2) en cas de modification du PLU (2.3).

2 La décision du Conseil d’Etat

2.1 En premier lieu, le Conseil d’Etat a censuré les juges d’appel pour erreur de droit en ce qu’ils ont retenu que les certificats d’urbanisme négatifs ne confèrent aucun droit à leur titulaire :
« Considérant que les dispositions de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d’urbanisme, quel que soit son contenu, un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ; que, par suite, en jugeant que ” les certificats d’urbanisme négatifs ne confèrent aucun droit à leur titulaire “, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit ; qu’ainsi, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, M. et Mme B… sont fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ; (…) ».
La jurisprudence faisait de l’ancienne rédaction de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme 1)Tel qu’issu de la loi n° 71-581 du 16 juillet 1971 portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’action foncière une lecture restrictive dès lors que ses dispositions n’avaient pour seuls objets que de créer des droits au profit du détenteur d’un certificat affirmant la constructibilité du terrain concerné, donc « positif » 2)CE 24 mars 1978, Ministre de l’équipement c/ Société l’Economie Bretonne, req. n° 05327 : mentionné aux tables du Rec. CE – CE 10 juin 1981 M. Jacquet, req. n° 25700 : publié au Rec. CE., refusant de conférer de tels droits pour le destinataire d’un certificat « négatif » 3)CE 9 octobre 1989 Mme Steiner, req. n° 83958 : inédit au Rec. CE – CE 14 avril 1995 Commune de la Guérinière, req. n° 132657 : inédit au Rec. CE – CE Avis 1er avril 2010 Mme Roques et Hirigoyen, req. n° 334113..
Avec la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la garantie de non-remise en cause des dispositions mentionnées dans le certificat a été étendue au certificat purement informatif, dit « neutre », conférant au titulaire le droit de voir toute demande d’autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d’urbanisme applicables à la date de délivrance du certificat 4) CE 3 avril 2014 Commune de Langolen, req. n° 362735 : mentionné aux tables du Rec. CE, à propos d’une déclaration préalable tendant à la division d’un terrain..
Le Conseil d’Etat considère dès lors, sur ce point, que les dispositions du nouvel article L. 410-1 du code de l’urbanisme ont pour effet de garantir à la personne à laquelle a été délivré un certificat d’urbanisme, « quel que soit son contenu », un droit à voir sa demande de permis de construire déposée durant les dix-huit mois qui suivent, examinée au regard des dispositions d’urbanisme légalement applicables à la date de ce certificat – à la seule exception de celles qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.

2.2 En deuxième lieu, la Haute juridiction administrative retient toutefois que, lorsqu’est remplie, à la date de délivrance du certificat, l’une des conditions énumérées à l’article L. 111 7 – désormais L. 424-1 – du code de l’urbanisme, un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis peut être opposé au pétitionnaire :
« Considérant (…) que figure cependant parmi ces règles la possibilité de se voir opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis, lorsqu’est remplie, à la date de délivrance du certificat, l’une des conditions énumérées à l’article L. 111-7 du code de l’urbanisme ; qu’une telle possibilité vise à permettre à l’autorité administrative de ne pas délivrer des autorisations pour des travaux, constructions ou installations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme (…) ».
Le sursis à statuer constitue une mesure de sauvegarde des dispositions du PLU en cours d’étude, si une occupation ou utilisation des sols est susceptible de se révéler incompatible avec ces dernières, permettant dès lors de différer la décision définitive de l’autorité compétente sur la demande du pétitionnaire, et d’interdire provisoirement à celui-ci le droit de réaliser son projet.
Le Conseil d’Etat distingue, pour déterminer le point de départ du délai de confirmation, selon que le PLU dont l’élaboration ou la révision avait justifié la décision de sursis à statuer a été adopté ou non avant l’expiration du délai de validité du sursis 5) CE 11 février 2015 SCI Naq Gamma, req. n° 361433 : mentionné aux tables du Rec. CE, concernant un permis de construire en vue de l’édification d’une maison d’habitation. ; ayant récemment précisé à cet égard que l’autorité compétente pour statuer sur la demande est fondée à faire application du nouveau PLU si, à l’expiration du délai de sursis à statuer, ce nouveau plan est entré en vigueur 6)CE 11 octobre 2017 M. et Mme Rousseau, req. n° 401878 : mentionné aux tables du Rec. CE..

2.3 En troisième lieu, la Haute juridiction semble ouvrir la possibilité d’opposer un sursis à statuer à l’hypothèse de la modification du PLU.
Jusqu’à présent, en application de l’ancien article L. 123-6 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a déjà précisé qu’il pouvait être sursis à statuer dès la publication de la délibération prescrivant l’élaboration ou la révision du PLU 7) CE 11 février 2015 SCI Naq Gamma, req. n° 361433 : mentionné aux tables du Rec. CE, où le projet de zonage du nouveau PLU en cours d’élaboration classait la parcelle concernée en zone naturelle – CAA Marseille 21 février 2007 M. Maurice X., req. n° 05MA00617 : inédit au Rec. CE, où le conseil municipal avait mis en révision le PLU..
Par ailleurs, il convient de relever qu’en énonçant que l’autorité compétente peut décider de surseoir à statuer « dès lors qu’a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable », l’actuel article L. 153-11 du code de l’urbanisme précise, en creux, que la faculté de sursoir à statuer ne peut être exercée au cours de la procédure de modification du PLU puisque la mise en œuvre d’une telle procédure n’implique pas de recourir à un débat sur les orientations du PADD 8)Article L. 153-36 C. urb : « Sous réserve des cas où une révision s’impose en application de l’article L. 153-31, le plan local d’urbanisme est modifié lorsque l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d’aménagement et de programmation ou le programme d’orientations et d’actions. »..
Toutefois, alors que le juge du fond a pu conclure à l’impossibilité de recourir au sursis à statuer au cours de la procédure de modification du PLU au sens de l’article L. 153-36 du même code 9) CAA Marseille 11 mai 2015 Commune de Rognac, req. n° 13MA02550 : inédit au Rec. CE, à propos de la modification en cours du plan d’occupation des sols mais transposable à la modification d’un PLU., le Conseil d’Etat semble en l’espèce admettre que l’autorité compétente puisse valablement opposer un sursis à statuer en raison de l’état d’avancement suffisant d’une telle procédure :
« que, lorsque le plan en cours d’élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d’urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable ; ».
Ceci au visa de l’article L. 123-6, qui ne vise expressément que le sursis à statuer « à compter de la délibération prescrivant élaboration d’un plan local d’urbanisme », alors qu’il s’agissait au cas particulier d’une procédure de modification, point sur lequel les conclusions de la rapporteur public ne prennent pas clairement position.
Il en déduit par suite que, eu égard au degré d’avancement, à la date de délivrance du certificat d’urbanisme délivré du projet de modification du PLU qui faisait état de la création, sur le terrain d’assiette du projet, d’un emplacement réservé, le maire pouvait légalement leur opposer, dès cette date, un sursis à statuer pour une demande de permis de construire portant sur la parcelle en cause.

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References   [ + ]

1. Tel qu’issu de la loi n° 71-581 du 16 juillet 1971 portant dispositions diverses en matière d’urbanisme et d’action foncière
2. CE 24 mars 1978, Ministre de l’équipement c/ Société l’Economie Bretonne, req. n° 05327 : mentionné aux tables du Rec. CE – CE 10 juin 1981 M. Jacquet, req. n° 25700 : publié au Rec. CE.
3. CE 9 octobre 1989 Mme Steiner, req. n° 83958 : inédit au Rec. CE – CE 14 avril 1995 Commune de la Guérinière, req. n° 132657 : inédit au Rec. CE – CE Avis 1er avril 2010 Mme Roques et Hirigoyen, req. n° 334113.
4. CE 3 avril 2014 Commune de Langolen, req. n° 362735 : mentionné aux tables du Rec. CE, à propos d’une déclaration préalable tendant à la division d’un terrain.
5. CE 11 février 2015 SCI Naq Gamma, req. n° 361433 : mentionné aux tables du Rec. CE, concernant un permis de construire en vue de l’édification d’une maison d’habitation.
6. CE 11 octobre 2017 M. et Mme Rousseau, req. n° 401878 : mentionné aux tables du Rec. CE.
7. CE 11 février 2015 SCI Naq Gamma, req. n° 361433 : mentionné aux tables du Rec. CE, où le projet de zonage du nouveau PLU en cours d’élaboration classait la parcelle concernée en zone naturelle – CAA Marseille 21 février 2007 M. Maurice X., req. n° 05MA00617 : inédit au Rec. CE, où le conseil municipal avait mis en révision le PLU.
8. Article L. 153-36 C. urb : « Sous réserve des cas où une révision s’impose en application de l’article L. 153-31, le plan local d’urbanisme est modifié lorsque l’établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d’aménagement et de programmation ou le programme d’orientations et d’actions. ».
9. CAA Marseille 11 mai 2015 Commune de Rognac, req. n° 13MA02550 : inédit au Rec. CE, à propos de la modification en cours du plan d’occupation des sols mais transposable à la modification d’un PLU.

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