Exemple de clause exorbitante du droit commun : les prérogatives d’une commune sur l’utilisation d’un bien mis à disposition

Catégorie

Contrats publics

Date

March 2018

Temps de lecture

3 minutes

TC 12 février 2018 SCP Ravisse, mandataire liquidateur judiciaire de la SARL The Congres House c/ Commune de Saint-Esprit, req. n° 4109

Par un contrat conclu le 15 juin 2001, la commune de Saint-Esprit a mis à la disposition de la SARL The Congres House la salle de spectacle communale pour lui permettre de programmer et d’organiser des manifestations culturelles.

La commune ayant décidé de ne pas renouveler le contrat, le mandataire liquidateur de la société a contesté la validité de ce non-renouvellement devant les juridictions judiciaires. La cour d’appel de Fort de France, puis la Cour de cassation ont successivement décliné la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de ce litige. Le mandataire a donc saisi le tribunal administratif de Basse-Terre d’une demande de condamnation de la commune de Saint-Esprit à lui verser une indemnité de 1 507 730 euros en réparation du préjudice subi. Le tribunal administratif ayant rejeté sa demande, le mandataire a interjeté appel de ce jugement. La cour administrative de Bordeaux a estimé que le contrat conclu ne revêtait pas un caractère administratif. Face à un conflit négatif de compétence, aucun des deux ordres de juridiction ne s’étant déclaré compétent, la cour a saisi le Tribunal des conflits sur le fondement de l’article 32 du décret du 27 février 2015 1)Article 32 : « Lorsqu’une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif a, par une décision qui n’est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l’ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l’autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l’ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu’à la décision du tribunal. ».

A défaut pour la salle de spectacles d’appartenir au domaine public de la commune, l’analyse de la nature administrative du contrat dépendait des critères jurisprudentiels fixés à cet effet. Le tribunal des conflits applique ainsi la nouvelle définition de la clause exorbitante de droit commun formulée par sa décision du 13 octobre 2014 : constitue une clause exorbitante du droit commun celle « qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs » 2)TC 13 octobre 2014 SA AXA France IARD, req. n° C3963. – voir, pour un exemple de mise en œuvre de cette définition pour qualifier un contrat de cession de biens du domaine privé, notre commentaire en ce sens « Nature administrative d’un contrat de cession de biens du domaine privé d’une personne publique en raison de clauses exorbitantes du droit commun »..

Le tribunal constate que le contrat prévoit que la commune peut intervenir de façon significative dans l’activité de la société « d’une part, en imposant à celle-ci la communication préalable de ses programmes à la commune et, d’autre part, en lui imposant de laisser la commune organiser douze manifestations pendant l’année ainsi que, avec de très courts préavis, deux manifestations mensuelles à sa convenance ».
Dans ces conditions, « compte tenu des prérogatives ainsi reconnues à la personne publique, le contrat litigieux devait être regardé comme comportant des clauses qui impliquaient, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratif », par conséquent la juridiction administrative est compétente pour connaître du litige opposant le mandataire liquidateur judiciaire de la société à la commune de Saint-Esprit.

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1. Article 32 : « Lorsqu’une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif a, par une décision qui n’est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l’ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l’autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l’ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n’est susceptible d’aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu’à la décision du tribunal. »
2. TC 13 octobre 2014 SA AXA France IARD, req. n° C3963. – voir, pour un exemple de mise en œuvre de cette définition pour qualifier un contrat de cession de biens du domaine privé, notre commentaire en ce sens « Nature administrative d’un contrat de cession de biens du domaine privé d’une personne publique en raison de clauses exorbitantes du droit commun ».

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