L’allotissement : principe et modalités soumis au seul contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2018

Temps de lecture

4 minutes

CE 25 mai 2018 Groupement MPPEA, req. n° 417428 : publié au Rec. CE

La passation d’un marché d’entretien courant et de remise en état des logements d’un organisme d’HLM va être l’occasion pour le Conseil d’Etat de réaffirmer que les conditions dans lesquelles l’acheteur renonce à l’allotissement ou dans lesquelles il l’organise ne sont soumises qu’au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation. Il manie également les principes applicables aux méthodes de notation des offres et les mécanismes d’identification des offres anormalement basses à propos de

L’allotissement : un contrôle réservé à l’erreur manifeste d’appréciation

On le sait depuis déjà quelques années, le juge administratif ne doit exercer qu’un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation sur les modalités d’allotissement que retient un acheteur 1) CE 21 mai 2010 commune d’Ajaccio, req. n° 333737 : mentionné aux tables du Rec. CE : « s’il appartient au juge des référés précontractuels de relever un manquement aux obligations de mise en concurrence résultant d’une méconnaissance de ces dispositions, s’agissant de la définition du nombre et de la consistance des lots, un tel manquement ne peut résulter que d’une erreur manifeste du pouvoir adjudicateur, compte tenu de la liberté de choix qui lui est reconnue à ce titre ; que le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, en relevant l’existence d’une méconnaissance de l’article 10 du code des marchés publics au motif que les deux lots retenus par la COMMUNE D’AJACCIO, comprenant des prestations dans les domaines du droit public, du droit privé ou du droit pénal, par l’ampleur et l’hétérogénéité des matières qu’ils regroupent présentent en réalité les caractéristiques d’un marché global, sans limiter son contrôle à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du nombre et de la consistance des lots eu égard à la nature des prestations et à l’objet du marché, a commis une erreur de droit ».

En l’espèce, la question se posait d’une superposition des allotissements techniques et géographiques du marché.

On a pu constater des approches pour le moins différentes entre les juges du fond sur ce sujet, certains retenant qu’un allotissement technique sans division géographique est suffisant 3) CAA Nantes 22 déc. 2015 sociétés Titok distribution et production, req. n° 13NT03272 : « 12. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que les lots n° 8, n° 10 et n° 11 concernaient chacun un segment très précis des produits industriels d’épicerie ; que six candidats ont présenté une offre pour le lot n° 8, trois pour le lot n° 10 et sept pour le lot n° 11 ; que le grand nombre d’établissements constituant le groupement de commande justifie le montant important de chacun des marchés conclus pour ces lots ; qu’enfin, eu égard, à la nature industrielle des produits concernés, un allotissement de chacun de ces lots selon un critère géographique, outre qu’il aurait conduit à l’identification d’une soixantaine de lots, rendant ainsi excessivement complexe la procédure, n’aurait présenté aucun avantage, tant économique que pour la qualité des produits en cause ; que, par suite, l’allotissement retenu par le CHRU de Tours pour les lots n° 8, 10 et 11 n’est pas entaché d’erreur d’appréciation »., d’autres censurant au contraire une absence d’allotissement géographique pour des prestations techniques identiques 2) CAA Marseille 18 avril 2016 société Twin Audiolive, req. n° 15MA03482 : « 12. Considérant qu’il n’est pas contesté que le lot n° 1 portait sur la sonorisation et l’équipement de trois scènes distinctes, disposant chacune de ses équipements propres, dans trois zones de diffusion différentes, dont deux destinées à accueillir de 1 000 à 3 000 spectateurs et la dernière destinée à accueillir de 3 000 à 10 000 spectateurs ; que ce lot doit ainsi être regardé comme portant, en réalité, sur la réalisation de trois prestations autonomes et donc distinctes, alors même que ces dernières seraient, dans les trois cas, techniquement identiques ».

Le Conseil d’Etat offre un exemple d’analyse, qui se fera manifestement en fonction des caractéristiques de chaque marché.

Il retient ainsi que pour le marché en cause, la division par lots géographiques, en fonction des sites concernés, suffisait, dans la mesure où une division supplémentaire par prestations techniques aurait créé d’importantes difficultés de coordination et d’exécution du marché (le précédent marché alloti de la sorte par l’organisme ayant abouti à 97 lots dont l’exécution s’était avérée malaisée). Aucune erreur manifeste d’appréciation dans les conditions d’allotissement du marché ne peut donc être relevée.

Sur la méthode de notation

Une méthode de notation ne doit pas priver de leur portée les critères de sélection ou neutraliser leur pondération, de telle sorte que la meilleure note ne soit finalement pas attribuée à la meilleure offre ou que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

Mais pour autant, la méthode de notation consistant à attribuer automatiquement la note maximale à la meilleure offre, ce qui conduit ainsi à une différenciation plus grande des candidats sur certains critères, ne prive pas pour autant les critères de leur portée, pas plus qu’elle ne les neutralise.

La question se pose souvent pour les critères techniques : cette décision permet d’attribuer la note maximale au candidat ayant remis la meilleure offre technique, sans s’inquiéter d’une dénaturation de la pondération des critères. Les autres notes allouées doivent cependant respecter les écarts initiaux séparant les notes techniques.

Sur les offres anormalement basses

Enfin, le juge rappelle qu’un seul écart de l’ordre de 24 % entre des offres ne suffit pas à caractériser une offre anormalement basse, c’est-à-dire une offre dont le montant est de nature à compromettre la bonne exécution du marché. Par suite, l’acheteur n’était pas tenu de mettre en œuvre la procédure prévue par l’article 53 de l’ordonnance n° 2015-899 (demande de justification sur le niveau de prix).

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References   [ + ]

1.  CE 21 mai 2010 commune d’Ajaccio, req. n° 333737 : mentionné aux tables du Rec. CE : « s’il appartient au juge des référés précontractuels de relever un manquement aux obligations de mise en concurrence résultant d’une méconnaissance de ces dispositions, s’agissant de la définition du nombre et de la consistance des lots, un tel manquement ne peut résulter que d’une erreur manifeste du pouvoir adjudicateur, compte tenu de la liberté de choix qui lui est reconnue à ce titre ; que le juge des référés du tribunal administratif de Bastia, en relevant l’existence d’une méconnaissance de l’article 10 du code des marchés publics au motif que les deux lots retenus par la COMMUNE D’AJACCIO, comprenant des prestations dans les domaines du droit public, du droit privé ou du droit pénal, par l’ampleur et l’hétérogénéité des matières qu’ils regroupent présentent en réalité les caractéristiques d’un marché global, sans limiter son contrôle à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du nombre et de la consistance des lots eu égard à la nature des prestations et à l’objet du marché, a commis une erreur de droit »
2.  CAA Marseille 18 avril 2016 société Twin Audiolive, req. n° 15MA03482 : « 12. Considérant qu’il n’est pas contesté que le lot n° 1 portait sur la sonorisation et l’équipement de trois scènes distinctes, disposant chacune de ses équipements propres, dans trois zones de diffusion différentes, dont deux destinées à accueillir de 1 000 à 3 000 spectateurs et la dernière destinée à accueillir de 3 000 à 10 000 spectateurs ; que ce lot doit ainsi être regardé comme portant, en réalité, sur la réalisation de trois prestations autonomes et donc distinctes, alors même que ces dernières seraient, dans les trois cas, techniquement identiques »
3.  CAA Nantes 22 déc. 2015 sociétés Titok distribution et production, req. n° 13NT03272 : « 12. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que les lots n° 8, n° 10 et n° 11 concernaient chacun un segment très précis des produits industriels d’épicerie ; que six candidats ont présenté une offre pour le lot n° 8, trois pour le lot n° 10 et sept pour le lot n° 11 ; que le grand nombre d’établissements constituant le groupement de commande justifie le montant important de chacun des marchés conclus pour ces lots ; qu’enfin, eu égard, à la nature industrielle des produits concernés, un allotissement de chacun de ces lots selon un critère géographique, outre qu’il aurait conduit à l’identification d’une soixantaine de lots, rendant ainsi excessivement complexe la procédure, n’aurait présenté aucun avantage, tant économique que pour la qualité des produits en cause ; que, par suite, l’allotissement retenu par le CHRU de Tours pour les lots n° 8, 10 et 11 n’est pas entaché d’erreur d’appréciation ».

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