Les restaurants de la Tour Eiffel théâtres d’un référé précontractuel

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2018

Temps de lecture

3 minutes

TA Paris 22 août 2018 Société Excelsis, req. n°1813709/4

La société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE) a lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la conclusion d’un contrat de concession portant sur l’organisation et l’exploitation des services commerciaux de restauration et de boissons de la Tour Eiffel, ainsi que le financement, la conception et la réalisation des travaux et aménagements nécessaires. A son terme, elle n’a pas retenu l’offre de la société Excelsis, en partenariat avec la maison Ducasse, pour retenir le groupement Umanis. L’écart des notes est pour le moins faible, puisque l’attributaire obtient 17,9/20 contre 16,8/20 pour la société Excelsis : le jeu de l’attribution des contrats relevant de la commande publique peut être frustrant à cet égard : il n’y a qu’une seule place gagnante.

La société Excelsis a introduit un référé précontractuel à l’encontre de cette procédure pour en contester les résultats, en critiquant notamment le défaut d’impartialité de l’assistant à maîtrise d’ouvrage, le cabinet Nova Consulting, que s’était adjoint la SETE pour l’analyse des offres, en raison de ses relations de travail avec la société Sodexo, membre du groupement Umanis.

Ce sujet fait régulièrement débat, les candidats questionnant l’intervention de ces tiers et leur influence sur le choix effectué par l’acheteur 1)Voir par exemple http://www.adden-leblog.com/2015/11/09/motifs-dexclusion-de-candidats-a-lattribution-dun-marche-public-approches-interne-et-communautaire/ ou encore plus récemment http://www.adden-leblog.com/2018/07/03/le-respect-du-principe-dimpartialite-simpose-au-pouvoir-adjudicateur-dans-la-passation-des-marches-publics/ . On peut relever que le juge administratif examine très concrètement la nature des liens entre ces assistants et le candidat retenu pour déterminer s’ils ont été de nature à exercer une influence indue sur le choix de l’attributaire.

Le tribunal administratif de Paris s’est prêté à ce jeu d’analyse.

Certes, il relève d’abord que le contrat d’assistance conclu entre la SETE et Nova consulting contient une clause d’impartialité, mais un tel engagement de principe ne suffit pas. Le tribunal examine donc les 11 factures établies par Nova Consulting à l’adresse de Sodexo, dont leurs commissaires aux comptes avaient chacun attesté qu’elles étaient les seules, pour en conclure que leur montant cumulé n’atteint que 3,2 % du chiffre d’affaires du cabinet Nova Consulting en 2013, 1,6 % de son chiffre d’affaires en 2014 et 0,2 % de son chiffre d’affaires en 2015 : ces montants sont trop peu significatifs pour caractériser un lien entre l’assistant et Sodexo de nature à influencer indument l’analyse des offres. Enfin, le cabinet avait également exécuté des prestations pour le compte de la société Excelsis en 2016.

Le tribunal écarte ensuite chacun des moyens soulevés au terme de raisonnements détaillés et pédagogiques :

  • le régime de l’allotissement des concessions est rappelé (pas d’obligation, sauf si regroupement de services manifestement sans lien entre eux, ce qui n’est pas le cas),
  • les éléments d’appréciation d’un critère qui ne font que le détailler sans comprendre d’élément auquel les candidats ne pouvaient s’attendre et notés selon la même pondération ne constituent pas des sous-critères qui auraient dû être préalablement portés à la connaissance des candidats,
  • les critères étaient suffisamment précis et explicités pour que les candidats disposent de toutes les informations nécessaires au dépôt de leur offre,
  • si le juge peut contrôler que les critères choisis par l’acheteur et leurs modalités de mise en œuvre ne contredisent pas les exigences d’égalité de traitement des candidats et de transparence, il n’a pas à juger de l’appréciation que porte l’acheteur sur les offres des candidats au regard de critères réguliers (c’est l’office du juge du fond, qui contrôle les erreurs manifestes d’appréciation commises),
  • enfin, si la prestation d’assistance à la gestion de restaurant d’entreprise de la SETE que celle-ci a sollicité des candidats n’a effectivement pas fait l’objet d’une notation, le tribunal relève qu’elle était accessoire par rapport aux missions principales (40 000 EUR HT contre 60 millions de chiffre d’affaires), de telle sorte que cette absence de notation n’a pas pu léser la requérante.

Déboutée, la société a annoncé qu’elle introduisait un pourvoi à l’encontre de cette ordonnance mais également un recours au fond en contestation de la validité d’un contrat, voie de recours qui lui permettra de discuter les appréciations portées par la SETE sur son offre et celle de l’attributaire.

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