Travaux projetés sur un monument historique classé : atteinte portée par un projet à l’intérêt d’art et d’histoire

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2018

Temps de lecture

3 minutes

CE 5 octobre 2018 Société Edilys, req. n° 410590

L’arrêt commenté, qui sera publié au Recueil du Conseil d’Etat, est l’occasion d’illustrer la nature du contrôle du juge de cassation, d’une part, sur l’intérêt public justifiant le classement d’un immeuble au titre des monuments historiques, et d’autre part, sur l’appréciation portée par l’administration sur l’atteinte à cet intérêt par un projet.

La société Edilys, qui exploite un commerce d’horlogerie au n° 9 de la place Vendôme à Paris, a sollicité auprès du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, l’autorisation d’effectuer des travaux d’abaissement des allèges de l’immeuble 1) Sur le fondement de l’article L. 621-9 du code du patrimoine : « L’immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l’autorité administrative.

Les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, à un immeuble classé ou à une partie d’immeuble classée au titre des monuments historiques ne peuvent en être détachés sans autorisation de l’autorité administrative.

Les travaux autorisés en application du premier alinéa s’exécutent sous le contrôle scientifique et technique des services de l’Etat chargés des monuments historiques.

Un décret en Conseil d’Etat précise les catégories de professionnels auxquels le propriétaire ou l’affectataire d’un immeuble classé au titre des monuments historiques est tenu de confier la maîtrise d’œuvre des travaux »., anciennement dénommé Hôtel de Villemaré et classé monument historique en 1862, au même titre que la place Vendôme, œuvre de l’architecte Jules Hardouin-Mansart.

A la suite du refus d’autorisation opposé par le préfet, au motif que les travaux envisagés étaient incompatibles avec le statut de monument historique de l’immeuble 2)L’article R. 621-18 du code précité précise que le contrôle scientifique et technique assuré par les services de l’Etat chargés des monuments historiques est notamment destiné à « vérifier et garantir que les interventions sur les immeubles classés, prévues à l’article L. 621-9 sont compatibles avec le statut de monument historique reconnu à ces immeubles en application de cette section, ne portent pas atteinte à l’intérêt d’art ou d’histoire ayant justifié leur classement au titre des monuments historiques et ne compromettent pas leur bonne conservation en vue de leur transmission aux générations futures »., la société Edilys a demandé l’annulation de ce refus d’autorisation, ce que le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris ont refusé.

Le Conseil d’Etat, juge de cassation, exerce en premier lieu un contrôle de qualification juridique des faits sur l’intérêt public d’art et d’histoire, visé à l’article L. 621-1 du code du patrimoine 3)Art. L. 621-1 du code précité : « Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l’autorité administrative. (…) »., justifiant le classement 4) V. sur une inscription : CE 29 juillet 2002 CAF de Paris, req. n° 222907.. En l’espèce, il considère que la cour a justement jugé que le classement avait pour objet de préserver l’ordonnancement de la place Vendôme telle qu’elle avait été conçue par Jules Hardouin-Mansart.

En effet, entre la construction d’un immeuble et la décision de classement, la cour a relevé que des transformations avaient pu altérer l’homogénéité et l’unité de la place et a donc pu retenir que l’intérêt public visé à l’article L. 621-1 du code du patrimoine pouvait résulter de l’état de l’immeuble antérieurement à son classement.

Dès lors, et en second lieu, le Conseil d’Etat relève que l’autorité administrative apprécie le projet qui lui est soumis, non au regard de l’état de l’immeuble à la date de son classement, mais au regard de l’intérêt public, au point de vue de l’histoire et de l’art, qui justifie cette mesure de conservation.

La Haute Assemblée pose que l’appréciation de cette atteinte relève de l’appréciation souveraine des juges du fond et n’est dès lors soumise qu’à un contrôle de la dénaturation.

Au cas présent, la cour a donc pu juger que l’ordonnancement architectural de la place pouvait s’apprécier au regard de gravures réalisées par Jean-François Blondel en 1752, soit plus d’un siècle avant la décision de classement de 1862, lesquelles donnaient « la description la plus précise, complète et certaine de la place Vendôme à la date de son achèvement malgré les transformations intervenues au début du XVIIIème siècle », et en conclure que le préfet avait pu estimer que le projet d’abaissement des allèges portait atteinte à la présentation de l’immeuble et à l’ordonnancement de la place et qu’il n’était donc pas compatible avec le statut de monument historique, quand bien même il visait à favoriser le développement des activités commerciales dont la présence constitue une caractéristique de la place.

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References   [ + ]

1.  Sur le fondement de l’article L. 621-9 du code du patrimoine : « L’immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l’autorité administrative.

Les effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, à un immeuble classé ou à une partie d’immeuble classée au titre des monuments historiques ne peuvent en être détachés sans autorisation de l’autorité administrative.

Les travaux autorisés en application du premier alinéa s’exécutent sous le contrôle scientifique et technique des services de l’Etat chargés des monuments historiques.

Un décret en Conseil d’Etat précise les catégories de professionnels auxquels le propriétaire ou l’affectataire d’un immeuble classé au titre des monuments historiques est tenu de confier la maîtrise d’œuvre des travaux ».

2. L’article R. 621-18 du code précité précise que le contrôle scientifique et technique assuré par les services de l’Etat chargés des monuments historiques est notamment destiné à « vérifier et garantir que les interventions sur les immeubles classés, prévues à l’article L. 621-9 sont compatibles avec le statut de monument historique reconnu à ces immeubles en application de cette section, ne portent pas atteinte à l’intérêt d’art ou d’histoire ayant justifié leur classement au titre des monuments historiques et ne compromettent pas leur bonne conservation en vue de leur transmission aux générations futures ».
3. Art. L. 621-1 du code précité : « Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l’histoire ou de l’art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l’autorité administrative. (…) ».
4. V. sur une inscription : CE 29 juillet 2002 CAF de Paris, req. n° 222907.

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