Les formalités imposées pour l’entrée en vigueur d’un acte réglementaire d’une collectivité territoriale se distinguent de celles déclenchant le délai de recours contentieux

Catégorie

Droit administratif général

Date

December 2018

Temps de lecture

4 minutes

CE Section 3 décembre 2018, req. n° 409667 : publié au Rec. CE

Dans sa décision du 3 décembre 2018 qui sera publiée au Recueil Lebon, la section contentieuse du Conseil d’État rappelle que les conditions d’entrée en vigueur et de déclenchement du délai de recours contre un acte réglementaire d’une collectivité territoriale ne sont pas les mêmes et ne sauraient être confondues les unes avec les autres pour apprécier le caractère tardif ou non d’une requête contre ledit acte.

Dans un considérant de principe, la Haute juridiction estime en effet que :

« S’il résulte des dispositions de l’article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales que la formalité de publicité qui conditionne l’entrée en vigueur d’un acte réglementaire pris par une autorité départementale peut être soit la publication, soit l’affichage, l’affichage d’un tel acte à l’hôtel du département ne suffit pas à faire courir le délai de recours contentieux contre cet acte. Sont en revanche de nature à faire courir ce délai soit la publication de l’acte au recueil des actes administratifs du département, dans les conditions prévues aux articles L. 3131-3 et R. 3131-1 du même code, soit sa publication, en complément de l’affichage à l’hôtel du département, dans son intégralité sous forme électronique sur le site internet du département, dans des conditions garantissant sa fiabilité et sa date de publication ».

Cette solution s’inscrit dans le prolongement de jurisprudences antérieures selon lesquelles la date d’entrée en vigueur d’un acte réglementaire n’a pas à être prise en compte pour l’appréciation du délai de recours ouvert aux tiers pour contester cet acte (voir en ce sens : CE 3 mars 1995, req. n° 162657 : publié au Rec. CE).

Elle est applicable aux actes réglementaires de toutes les collectivités territoriales, nonobstant les éventuelles spécificités des formalités incombant aux actes de certaines catégories de collectivité.

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision commentée, la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, dite « Ligue des droits de l’homme » avait contesté un arrêté du président du conseil départemental de la Mayenne du 24 avril 2014 interdisant l’accueil, par les services d’aide à l’enfance, des mineurs étrangers isolés originaires d’États identifiés comme présentant un risque au regard du virus Ebola n’ayant pas fait l’objet d’une prise en charge préalable par les autorités sanitaires en vue d’éviter tout risque de contamination.

Le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes avait rejeté sa requête par ordonnance, estimant qu’il n’y avait plus lieu à statuer sur cette requête dès lors que l’arrêté contesté avait été « retiré » par un arrêté du 10 décembre 2014, postérieurement à l’introduction de la requête de la Ligue des droits de l’homme.

Sur l’appel de la Ligue des droits de l’homme, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé cette ordonnance au motif que l’arrêté attaqué avait reçu exécution du 24 avril au 11 décembre 2014 et, évoquant le litige, elle a rejeté la demande de première instance de la Ligue des droits de l’homme comme tardive au motif que sa requête avait été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes plus de deux mois après l’affichage de l’arrêté à l’hôtel du département 1)CAA Nantes 10 février 2017 Ligue des droits de l’homme, req. n° 15NT01339..

La Ligue des droits de l’homme a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État pour contester cet arrêt en tant qu’il rejetait sa demande.

Le Conseil d’État a estimé que son pourvoi était fondé dès lors que la cour avait commis une erreur de droit en calculant le délai de recours de deux mois imparti aux tiers pour contesté l’arrêté du 24 avril 2014 au regard de sa date d’affichage à l’hôtel du département et non au regard de la date de sa publication au recueil des actes administratifs du département ou de celle de sa publication intégrale sur le site internet du départemental en complément de son affichage à l’hôtel du département.

Et, réglant l’affaire au fond comme le lui permet l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il a jugé que la requête, intervenue moins de deux mois après la publication de l’arrêté au recueil des actes administratifs du département de la Mayenne, n’était pas tardive.

Il a également considéré, dans le prolongement d’une autre décision « Ligue des droits de l’homme » du 4 novembre 2015 (req. n° 375178 : publié au Rec. CE), que les implications de l’arrêté contesté dans le domaine des libertés publiques étaient de nature à soulever des questions excédant les seules circonstances locales de sorte que la Ligue des droits de l’homme, bien qu’ayant un ressort national, justifiait d’un intérêt lui donnant qualité à agir à l’encontre de cet arrêté.

Précisons, enfin, que par rapport à leur rédaction applicable dans la décision commentée, les articles L. 3131-1 et L. 3131-3 du code général des collectivités territoriales ont été modifiés par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi « NOTRe »), qui y a ajouté un dernier alinéa :

  • à l’article L. 3131-1 : « La publication des actes mentionnés au premier alinéa est assurée sur papier. Elle peut également être assurée, le même jour, sous forme électronique, dans des conditions, fixées par un décret en Conseil d’Etat, de nature à garantir leur authenticité. Dans ce dernier cas, la formalité d’affichage des actes a lieu, par extraits, à l’hôtel du département et un exemplaire sur papier des actes est mis à la disposition du public. La version électronique est mise à la disposition du public de manière permanente et gratuite» ;
  • à l’article L. 3131-3 : « La publication au recueil des actes administratifs des actes mentionnés au premier alinéa est assurée sur papier. Elle peut l’être également, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité, sous forme électronique. La version électronique est mise à la disposition du public de manière permanente et gratuite ».

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