Compatibilité d’une DUP prévoyant la réalisation de logements en zone 2AU en raison du caractère programmatique de l’opération

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

February 2019

Temps de lecture

3 minutes

CE 5 décembre 2018 SPL Territoire, req. n° 412632 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Par une décision du 5 décembre 2018, mentionnée aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’État apporte des précisions sur l’exigence dite de « compatibilité » entre une déclaration d’utilité publique et un plan local d’urbanisme.

1. Contexte du pourvoi

Le conseil municipal de Besançon a, par une délibération du 22 mars 2010, autorisé le maire à saisir le préfet du Doubs en vue de l’ouverture d’une enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique d’un projet d’aménagement consistant en la création d’un éco-quartier dans le secteur des Vaîtes.

Par un arrêté du 27 octobre 2011, le préfet du Doubs a déclaré d’utilité publique ledit projet au profit de la commune de Besançon. La concession d’aménagement du quartier a ensuite été attribuée à la Société Publique Locale (SPL) Territoire 25 par délibération du conseil municipal du 2 décembre 2013.

Par arrêté du 7 mars 2014, le préfet du Doubs a modifié la déclaration d’utilité publique dudit projet pour désigner la SPL Territoire 25 en tant que concessionnaire de l’opération. Puis, les parcelles concernées par l’opération ont été déclarées cessibles par le préfet du Doubs au bénéfice de la SPL Territoire 25 par un arrêté du 20 mars 2014.

Monsieur D. et d’autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Besançon l’annulation des arrêtés du 7 mars 2014 et du 20 mars 2014.

Le recours contre ces décisions a été rejeté en première instance (TA Besançon 22 mars 2016, req. n° 1400806-1400808-1401438). La cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement et les décisions attaquées en appel (CAA Nancy 8 juin 2017, req. n° 16NC00913).

La SPL Territoire 25 s’est pourvue en cassation contre cet arrêt.

2. La décision du Conseil d’État

Il est de jurisprudence bien établie que l’opération qui fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ne peut être regardée comme compatible avec un plan local d’urbanisme, pour l’application de l’article L. 123-16 du code de l’urbanisme, qu’à la double condition, d’une part, qu’elle ne soit pas de nature à compromettre le parti d’aménagement retenu par la commune au travers de ce plan, et d’autre part, qu’elle ne méconnaisse pas les dispositions du règlement de la zone du plan dans laquelle sa réalisation est prévue.

C’est notamment ce qu’a eu l’occasion de juger le Conseil d’Etat dans une affaire dans laquelle il avait estimé que n’était  « pas compatible » avec le règlement du plan local d’urbanisme une déclaration d’utilité publique ayant pour objet de créer une route dans une zone classée en secteur « à protéger en raison de la valeur économique des sols et réservée à l’exploitation agricole » (voir CE 27 juillet 2015, Département du Gard, req. n°370454).

En l’espèce, le projet porté par la SPL Territoire 25 consistait à construire un éco-quartier comportant à terme 1 150 logements. Le lieu précis d’implantation de ces futurs logements n’était pas encore fixé au stade de la déclaration d’utilité publique. Néanmoins, il n’était pas contesté que le projet avait vocation à s’implanter en zone 2AU du plan local d’urbanisme, correspondant à une zone « à urbaniser » stricte, dans laquelle l’urbanisation à dominante d’habitat ou d’activités était subordonnée à la modification ou à la révision du plan local d’urbanisme.

Pour juger de l’illégalité des décisions prises par le préfet du Doubs, la cour a considéré que « Si l’opération s’inscrit dans le cadre du parti d’aménagement retenu par la commune de Besançon dans son plan local d’urbanisme adopté en 2008, les constructions visées par la déclaration d’utilité publique ne peuvent toutefois être réalisées conformément aux dispositions du règlement de la zone 2 AU H dans laquelle elles s’inscrivent dès lors qu’aucune modification du plan local d’urbanisme n’est intervenue pour ouvrir la zone 2 AU à l’urbanisation et définir les dispositions réglementaires applicable à cette zone dans le cadre de l’aménagement d’ensemble à y réaliser. Il s’ensuit que l’opération litigieuse, à la date à laquelle elle a été déclarée d’utilité publique, n’était pas compatible avec les prescriptions du plan local d’urbanisme de Besançon » (CAA Nancy 8 juin 2017, req. n°16NC00913).

Toutefois, le Conseil d’État estime que ce raisonnement est constitutif d’une erreur de droit dans la mesure où le projet consiste uniquement à programmer la réalisation de logements sous réserve de la mise en œuvre d’une procédure de modification ou de révision du PLU : « le projet litigieux consiste à programmer la réalisation à terme d’un éco-quartier comprenant des logements sur des terrains classés en zone 2 AU du plan local d’urbanisme, laquelle permet l’urbanisation sous réserve d’une procédure de modification ou de révision du document d’urbanisme » (considérant 8).

Ainsi, le Conseil d’État considère qu’en déduisant l’incompatibilité de l’opération objet de la déclaration d’utilité publique avec le plan local d’urbanisme de la seule circonstance qu’elle prévoit à terme la réalisation de logements sans tenir compte du « caractère programmatique tant de l’opération à ce stade que du classement en zone 2 AU » la cour a commis une erreur de droit.

L’affaire a été renvoyée à la CAA de Nancy.

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