Précisions sur la qualification d’enseigne : la circonstance que l’activité signalée s’exerce sur l’ensemble de la parcelle où est situé l’immeuble est sans incidence

Catégorie

Droit administratif général, Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

April 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 1 avril 2019 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 416919 : mentionné aux Tables du Rec. CE

1          Le contexte du pourvoi

A…B…, qui exploite à Marseillan, dans l’Hérault, un centre de loisirs de plein air, a installé sur la toiture du bâtiment de type bungalow situé à l’entrée de ce parc, un panneau plein d’environ deux mètres sur six comportant les mentions « La Ferme Enchantée parc animalier, promenade en poney, circuit quad enfant, structures gonflables».

Par un arrêté du 29 mars 2013, le préfet de l’Hérault l’a mis en demeure de se mettre en conformité avec les dispositions du 3ème alinéa de l’article R. 581-62 du code de l’environnement qui limite la hauteur des panneaux pleins posés sur la toiture à 0,50 mètre, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 202,11 euros par jour de retard.

A…B… a alors demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler cet arrêté.

Par un jugement du 20 octobre 2015 1)N° 1304211., le tribunal administratif a fait droit à sa demande.

Par un arrêt du 27 octobre 2017 2)N° 15MA04920., la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé contre ce jugement par le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, en estimant que le dispositif implanté sur le bungalow devait être regardé comme une publicité puisque ce bungalow, affecté à l’organisation des activités de loisir, n’avait pas vocation à les accueillir matériellement.

Le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire 3)Le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est renommé ministère de la transition écologique et solidaire lors de la nomination du gouvernement Édouard Philippe en 2017., s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur la qualification d’enseigne utilisée en matière d’affichage publicitaire extérieur.

2          La décision du Conseil d’État

Pour mémoire, l’article L. 581-3 du code de l’environnement dispose :

« Au sens du présent chapitre :

1° Constitue une publicité, à l’exclusion des enseignes et des préenseignes, toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention, les dispositifs dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, formes ou images étant assimilées à des publicités ;

Constitue une enseigne toute inscription, forme ou image apposée sur un immeuble et relative à une activité qui s’y exerce ;

3° Constitue une préenseigne toute inscription, forme ou image indiquant la proximité d’un immeuble où s’exerce une activité déterminée. ».

D’un point de vue pratique, la juste qualification des dispositifs apposés sur les immeubles est indispensable dans la mesure où la règlementation applicable varie sensiblement selon le type de dispositifs.

S’agissant des enseignes, l’article R. 581-62 du même code énonce :

« Des enseignes peuvent être installées sur des toitures ou sur des terrasses en tenant lieu dans les conditions fixées par le présent article.

Lorsque les activités qu’elles signalent sont exercées dans moins de la moitié du bâtiment qui les supporte, leur installation est régie par les prescriptions applicables, dans les lieux considérés, aux dispositifs publicitaires sur toiture ou sur terrasse en tenant lieu.

Lorsque les activités qu’elles signalent sont exercées dans plus de la moitié du bâtiment qui les supporte, ces enseignes doivent être réalisées au moyen de lettres ou de signes découpés dissimulant leur fixation et sans panneaux de fond autres que ceux nécessaires à la dissimulation des supports de base. Ces panneaux ne peuvent pas dépasser 0,50 mètre de haut […] ».

Ainsi, il résulte des articles L. 581-3 et R. 581-62 du code de l’environnement que reçoit la qualification d’enseigne, y compris en toiture, l’inscription, forme ou image installée sur un immeuble où s’exerce l’activité signalée.

Au regard de ces éléments, le Conseil d’État relève :

  • d’une part, que la part du bâtiment où s’exerce l’activité est prise en compte uniquement pour déterminer les prescriptions applicables à l’enseigne, au titre des dispositions de l’article R. 581-62 du code de l’environnement précité ;
  • mais d’autre part, que la circonstance que cette activité ne s’exerce pas exclusivement dans cet immeuble – entendu selon nous comme le « bâtiment » –, mais dans l’ensemble de la parcelle sur laquelle il est situé, est sans incidence sur la qualification même d’enseigne.

Partant, le Conseil d’État considère que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en estimant que devait être regardé comme une publicité le dispositif implanté sur le bungalow à l’entrée du parc de loisirs de plein air au motif que ce bungalow, affecté à l’organisation des activités de loisir, n’a pas vocation à les accueillir matériellement et que le dispositif était destiné à informer le public ou à attirer son attention sur cet exercice.

En conséquence, l’arrêt rendu le 27 octobre 2017 par la cour administrative d’appel de Marseille est annulé, et l’affaire est renvoyée devant la même cour.

Le Conseil d’État assouplit ainsi la notion d’enseigne telle que définie par sa jurisprudence Société Pharmacie Matignon 4)Req. n° 353423, mentionné aux Tables du Rec. CE, ayant fait l’objet d’un article au sein de notre blog. du 4 mars 2013, selon laquelle  « l’immeuble mentionné au 2° sur lequel est apposée une enseigne désigne la façade ou devanture où s’exerce l’activité, et non l’ensemble de bâtiments, délimité par une ou plusieurs voies publiques, dans lequel est installé l’établissement ».

Il semble au contraire renouer avec la jurisprudence administrative antérieure, peu nombreuse sur la question de la qualification des dispositifs, qui considérait traditionnellement que, dès lors que le dispositif était apposé sur le bâtiment ou le terrain d’assiette du bâtiment où est exercée l’activité, ce dernier devait être qualifié d’enseigne et non de préenseigne 5)Voir en ce sens : TA Toulouse 20 décembre 2001 société Blafind c. commune de Blagnac, req. n° 98423 et TA Versailles 12 avril 199 société Sayag Electronic c. commune de Maison Laffitte, req. n° 904099 et 904100..

Le rapporteur public souligne dans ses conclusions que l’arrêt Pharmacie Matignon était en réalité une décision d’espèce (celui du « local d’activité inclu dans un ensemble de bâtiments », dans un « pâté de maison ») dont les termes généraux ont conduit à des dérives d’interprétation de la notion d’ « immeuble ». Il affirme que l’immeuble visé à l’article L. 581-3 « peut être une parcelle » et que la jurisprudence Pharmacie Matignon avait uniquement pour objet « de discerner les enseignes et les préenseignes dans les ensembles immobiliers qui sont le lieu de plusieurs activités ».

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References   [ + ]

1. N° 1304211.
2. N° 15MA04920.
3. Le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est renommé ministère de la transition écologique et solidaire lors de la nomination du gouvernement Édouard Philippe en 2017.
4. Req. n° 353423, mentionné aux Tables du Rec. CE, ayant fait l’objet d’un article au sein de notre blog.
5. Voir en ce sens : TA Toulouse 20 décembre 2001 société Blafind c. commune de Blagnac, req. n° 98423 et TA Versailles 12 avril 199 société Sayag Electronic c. commune de Maison Laffitte, req. n° 904099 et 904100.

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