Annulation d’un permis de construire et fondement de l’action en démolition pour violation des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique : l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme et rien que l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme  !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2019

Temps de lecture

4 minutes

Cass. 3e civ., 21 mars 2019, n° 18-13.288  : Publié au Bulletin

1          Le contexte du pourvoi

En 2009, M. A… a obtenu un permis de construire un garage avec toiture terrasse.

Ce permis a été annulé par la juridiction administrative pour non-respect des règles d’implantation édictées par le PLU, par une décision du 27 septembre 2012, devenue définitive.

Le 18 novembre 2014, M. X…, propriétaire d’un appartement situé dans un immeuble voisin, a, sur le fondement des articles L. 480-13 du code de l’urbanisme et 1382 du code civil alors en vigueur, assigné M. A… en démolition de la construction, estimant que la construction mal implantée créait une vue plongeante sur sa propriété.

Par une décision du 12 novembre 2015, les juges de première instance du tribunal de Grande instance d’Ajaccio ont fait droit à cette demande.

La cour d’appel de Bastia 1)CA Bastia, ch. civ., 10 janvier 2018, n° 16/00494. a confirmé ce jugement et a assorti l’obligation de démolition d’une astreinte de 100 euros par jour de retard, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle et non de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme au motif que la méconnaissance des règles d’urbanisme créant une vue plongeante sur le fonds voisin était constitutive d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil alors applicable.

Les premiers juges ont donc jugé que l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme n’était pas l’unique fondement possible de l’action en démolition.

Pour mémoire, cet article, introduit par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, dite loi « Macron » 2)Cass. 3e civ., 23 mars 2017, n° 16-11.081., dispose :

« Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et, sauf si le tribunal est saisi par le représentant de l’État dans le département sur le fondement du second alinéa de l’article L. 600-6, si la construction est située dans l’une des zones suivantes : […] ». 3)La Cour de cassation, lors de l’examen du moyen annexe, évoque la décision n° 2017-672 QPC Association Entre Seine et Brotonne et autre du 10 novembre 2017, par laquelle le Conseil constitutionnel saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité avait jugé conforme à la Constitution les mots « et si la construction est située dans l’une des zones suivantes » figurant au premier alinéa du 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme ainsi que les a et o du même 1° (voir sur ce point l’article de notre blog en date du 16 novembre 2017).

Aussi, en dehors des zones protégées énumérées dans l’article, la menace de démolition judiciaire pesant sur les constructions illégales est donc en principe supprimée (du moins sur le fondement de cet article) dans l’hypothèse où le permis est annulé postérieurement à l’édification du bâtiment dont il avait autorisé la construction.

C’est dans ce contexte que la troisième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le point de savoir si le juge judiciaire pouvait, sur le fondement de l’article 1382 du code civil alors en vigueur, ordonner la démolition d’un bâtiment édifié conformément à un permis de construire annulé alors que les conditions de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme n’étaient pas réunies.

En d’autres termes : l’action en démolition de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme est-elle exclusive de toute autre action qui serait entreprise sur d’autres fondements ?

2            La décision de la Cour de cassation : une action en démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire ne peut être entreprise que sur le fondement de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme si elle est fondée sur la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique

La Cour de cassation censure partiellement la décision des juges d’appel au visa des articles 1382 du code civil (article 1240 nouveau) et L. 480-13 du code de l’urbanisme, en ce qu’elle a confirmé le jugement ayant dit que l’action en démolition engagée par le voisin était recevable et condamné M. A… à la démolition du garage avec toiture terrasse.

Dans sa décision, la Haute juridiction rappelle que le propriétaire ne peut être condamné à la démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire par un tribunal de l’ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, d’une part, le permis a été préalablement annulé par le juge administratif et si, d’autre part, la construction est située dans l’une 14 des zones protégées dans lesquelles l’action en démolition est admise en vertu de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme.

Ainsi, seul l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme s’applique à l’action en responsabilité civile tendant à la démolition d’une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé, dès lors qu’elle est exclusivement fondée sur la violation des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique. En d’autres termes, l’impossibilité de démolir en zone ordinaire prescrite par l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme ne peut être contournée par le droit commun de la responsabilité civile prévu par l’article 1240 du code civil lorsque l’action est fondée sur la méconnaissance des règles et servitudes d’urbanisme.

Partager cet article

References   [ + ]

1. CA Bastia, ch. civ., 10 janvier 2018, n° 16/00494.
2. Cass. 3e civ., 23 mars 2017, n° 16-11.081.
3. La Cour de cassation, lors de l’examen du moyen annexe, évoque la décision n° 2017-672 QPC Association Entre Seine et Brotonne et autre du 10 novembre 2017, par laquelle le Conseil constitutionnel saisi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité avait jugé conforme à la Constitution les mots « et si la construction est située dans l’une des zones suivantes » figurant au premier alinéa du 1° de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme ainsi que les a et o du même 1° (voir sur ce point l’article de notre blog en date du 16 novembre 2017).

3 articles susceptibles de vous intéresser