L’information des élus des affaires qui font l’objet d’une délibération et l’obligation de la transmission à l’autorité compétente d’une demande mal dirigée

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

May 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 5 avril 2019, req. n° 416542 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Monsieur B. A. est conseiller communautaire de la communauté intercommunale des villes solidaires (CIVIS), EPCI situé sur l’île de La Réunion. Par courrier du 1er octobre 2016, il a adressé une demande au directeur général des services de la communauté en vue d’obtenir la communication de documents concernant deux délibérations du conseil communautaire du 18 décembre 2012 et du 31 août 2016. Sans réponse de la part de l’agent, le conseiller a alors saisi le tribunal administratif de La Réunion d’une demande d’annulation de la décision implicite de rejet de sa demande née du silence gardé par l’administration. Par jugement n° 1700297 du 12 octobre 2017, la juridiction de première instance a annulé partiellement la décision litigieuse en tant qu’elle porte refus de communication de certains documents, dont des consultations juridiques réalisées au bénéfice de la CIVIS et d’une SPLA et se rapportant à la création d’une ZAC. La CIVIS s’est alors directement pourvue en cassation, conformément aux dispositions de l’art. L. 821-1 du CJA.

La décision rendue par le Conseil d’État dans le cadre de cette affaire est remarquable à différents titres : elle vient étendre l’obligation de transmission des demandes mal dirigées et également compléter la grille de lecture du droit à l’information dont disposent les élus locaux.

Il est tout d’abord intéressant de relever qu‘il ressort de deux décisions rendues sur le fondement des dispositions de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales 1)CE 27 mai 2005 Commune d’Yvetot, req.  n° 265494 pour une commune et Département de l’Essonne, req. n° 268564, pour un département, décisions publiées au Recueil Lebon que c’est bien l’organe exécutif de l’assemblée qui est compétent pour connaître des demandes de communication d’informations présentées par les membres des assemblées délibérantes.

Dans ce cadre, le Conseil d’État précise que l’article L. 2121-13 du CGCT leur est applicable en vertu de l’article L. 5211-1 du même code. Partant, c’était donc au président de la CIVIS que la demande de communication aurait dû être adressée, et non au directeur général des services.

Participant alors d’une démarche emprunte de pragmatisme, et contrairement à ce que proposait le rapporteur public sous cette affaire, les juges du Palais Royal choisissent d’appliquer ici l’obligation de transmission des demandes mal dirigées qui n’était jusqu’alors pas appliquée dans le contentieux du droit à l’information des élus :

« dès lors qu’il appartient au maire, sous réserve des délégations qu’il lui est loisible d’accorder, d’apprécier s’il y a lieu de procéder à la communication de documents demandés sur le fondement des dispositions précédemment citées, de telles demandes de communication doivent en principe lui être adressées, sauf à ce qu’il ait arrêté des modalités différentes pour la présentation de telles demandes. Toutefois, une demande adressée au directeur général des services ne saurait être rejetée comme mal dirigée, dans la mesure où il revient, en tout état de cause, au directeur général des services de la transmettre au maire pour qu’il puisse apprécier s’il y a lieu d’y donner suite ».

Il s’agit donc d’un des principaux apports de cet arrêt, qui étend au contentieux du droit à l’information des élus locaux l’obligation de transmission d’une demande mal dirigée.

Les juges du Conseil d’État viennent ensuite préciser les contours du mécanisme du droit à communication, qui avait déjà été défini dans d’autres décisions qui se rapportaient à la communication de documents émanant d’un avocat :

« que, lorsqu’un membre du conseil municipal demande la communication de documents faisant partie de la correspondance échangée entre l’avocat de la commune et son exécutif ou des consultations juridiques rédigées par cet avocat pour le compte de la commune, il appartient au maire sous le contrôle du juge, d’une part, d’apprécier si cette communication se rattache à une affaire de la commune qui fait l’objet d’une délibération du conseil municipal, d’autre part, eu égard à la nature de ce document, de s’assurer qu’aucun motif d’intérêt général n’ y fait obstacle, avant de procéder, le cas échéant, à cette communication selon des modalités appropriées2)CE 27 mai 2005 Commune d’Yvetot, req. n° 265494, décision précitée

Contrairement à nouveau à ce que proposait le rapporteur public sous cette affaire, les juges du Palais Royal vont alors opter pour une lecture restrictive du droit à l’information des élus.

Il est ainsi de l’office du juge de déterminer si les documents dont un élu demande la communication peuvent ou non être regardés comme étant nécessaires pour que ce dernier puisse se prononcer utilement sur les affaires en cours de l’assemblée à laquelle il siège, et que ces affaires sont susceptibles de faire l’objet de délibérations à venir :

« En se bornant à constater que les documents en cause étaient directement liés à des délibérations, sans rechercher, alors que les délibérations invoquées étaient antérieures à la date de la demande de communication, si les documents demandés pouvaient être regardés comme étant nécessaires pour que M. B…A…puisse se prononcer utilement sur les affaires en cours de l’établissement public de coopération intercommunale, susceptibles de faire l’objet de délibérations à venir au cours desquelles les élus auraient à se prononcer sur les projets en cause, le tribunal administratif de La Réunion a commis une erreur de droit. »

En somme, le droit à l’information des élus doit donc concerner des affaires en cours susceptibles de pouvoir faire l’objet de délibérations à venir, et non des affaires passées (ou des délibérations passées sans lien avec d’autres délibérations à venir). Comme le relève le rapporteur public sous cette affaire, il peut sembler paradoxal que le droit d’information dont bénéficient les élus leur confère un droit d’accès à des documents plus restreint que celui dont pourraient bénéficier en tant qu’administré sur le fondement des dispositions de la loi CADA, sous réserve des secrets protégés par la loi.

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References   [ + ]

1. CE 27 mai 2005 Commune d’Yvetot, req.  n° 265494 pour une commune et Département de l’Essonne, req. n° 268564, pour un département, décisions publiées au Recueil Lebon
2. CE 27 mai 2005 Commune d’Yvetot, req. n° 265494, décision précitée

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