Pas de démonstration d’un préjudice personnel et direct pour les communes bénéficiant d’une action autonome en démolition fondée sur l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

June 2019

Temps de lecture

3 minutes

Cass. 3e civ. 16 mai 2019 SCI des Mines c/ Commune de Lovagny, n° 17-31757: Publié au Bulletin

1          Le contexte du pourvoi

La SCI est propriétaire d’une parcelle située en zone NC du plan d’occupation des sols (POS), réservée aux activités agricoles, sur laquelle elle a implanté sans autorisation une maison d’habitation, une piscine, des boxes pour chevaux, un « mobil home » et un cabanon.

La commune de Lovagny a assigné la SCI en démolition de toutes ces constructions illégales, sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme.

Pour mémoire, l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, introduit par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (ENL), dispose :

« La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux. »

Par un arrêt du 12 octobre 2017 1)N° RG : 16/01405., la cour d’appel de Chambéry a fait droit à cette demande en démolition.

La SCI a alors formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

A l’appui de son pourvoi, elle soutient que :

  • la commune n’a intérêt à la démolition d’un ouvrage construit sans permis de construire que si elle subit un préjudice personnel directement causé par ladite construction ;
  • en retenant qu’en l’absence de toute précision par le législateur, la commune dispose d’une action autonome en démolition ne nécessitant pas la démonstration d’un préjudice causé par les constructions édifiées sans permis de construire, la cour d’appel a violé l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, ensemble l’article 31 du code de procédure civile.

C’est dans ce contexte que la troisième chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur le point de savoir si l’action civile réservée à la commune, fondée sur l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, nécessite la démonstration d’un préjudice propre causé par les constructions irrégulières.

En d’autres termes, la commune qui agit sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme bénéficie-t’elle d’une action autonome ?

2            La décision de la Cour de cassation 

A titre liminaire, la Cour de cassation écarte la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lovagny, en admettant que le moyen soulevé par la SCI, tiré du défaut d’intérêt à agir de la commune faute de justification d’un préjudice personnel, n’est pas nouveau.

Ensuite et surtout, la Cour de cassation établit que :

  • l’action attribuée à la commune par l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme, qui a pour objet la démolition ou la mise en conformité, est destinée à faire cesser une situation illicite ; et
  • la volonté du législateur d’attribuer une action spécifique au profit de la commune serait compromise si cette action obéissait à la même condition de preuve d’un préjudice que l’action de droit commun ouverte à tout tiers victime de la violation de règles d’urbanisme.

En conséquence, la Cour de cassation considère que c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la commune disposait d’une action autonome ne nécessitant pas la démonstration d’un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulières.

Ainsi, ayant constaté l’irrégularité des ouvrages construits par la SCI sans avoir obtenu, ni même sollicité, un permis de construire ou une autorisation préalable, dans une zone qui faisait l’objet d’une protection particulière pour le maintien d’une activité agricole, la cour d’appel en a exactement déduit que la demande en démolition devait être accueillie.

Partant, la Haute-Juridiction rejette le pourvoi de la SCI, et prend dès lors, position sur un sujet ayant fait l’objet d’apports jurisprudentiels divers 2)Cass. crim., 9 avril 2002, n° 01-82687 : Publié au Bulletin : l’article L. 480-1, dernier alinéa, du code de l’urbanisme, n’exige pas que le préjudice invoqué par la commune soit personnel et direct.; a contrario, Cass. civ. 3ème 25 mars 1998 Commune de Saint-Martin-de-Crau c/ Société Coste Haute , n° 96-12410 : Publié au Bulletin : la cour d’appel qui retient souverainement que la commune ne démontrait pas l’existence d’un préjudice résultant des violations des règlements invoquées par elle justifie légalement sa décision de déclarer non fondée la demande d’une commune tendant à la condamnation d’une société à démolir la clôture édifiée par celle-ci illégalement. Toutefois, comme l’a relevé le Professeur Périnet-Marquet, la Cour de cassation avait pris soin de relever, dans cette affaire, que la commune avait fondé son action sur l’article 1382 du code civil. En pareil cas il est naturel que le juge pose pour conditions de la réparation de la faute, l’existence d’un préjudice ayant un lien direct avec cette dernière (H. Périnet-Marquet, Les méandres des contentieux civils de l’urbanisme : Petites affiches 17 juillet 1996, n° 86, p. 46, cité dans l’article de P. Cornille et D. Larralde, Délictuellement coupable d’infraction directe au POS ?, Construction – Urbanisme n° 11, novembre 2000, 288)..

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References   [ + ]

1. N° RG : 16/01405.
2. Cass. crim., 9 avril 2002, n° 01-82687 : Publié au Bulletin : l’article L. 480-1, dernier alinéa, du code de l’urbanisme, n’exige pas que le préjudice invoqué par la commune soit personnel et direct.; a contrario, Cass. civ. 3ème 25 mars 1998 Commune de Saint-Martin-de-Crau c/ Société Coste Haute , n° 96-12410 : Publié au Bulletin : la cour d’appel qui retient souverainement que la commune ne démontrait pas l’existence d’un préjudice résultant des violations des règlements invoquées par elle justifie légalement sa décision de déclarer non fondée la demande d’une commune tendant à la condamnation d’une société à démolir la clôture édifiée par celle-ci illégalement. Toutefois, comme l’a relevé le Professeur Périnet-Marquet, la Cour de cassation avait pris soin de relever, dans cette affaire, que la commune avait fondé son action sur l’article 1382 du code civil. En pareil cas il est naturel que le juge pose pour conditions de la réparation de la faute, l’existence d’un préjudice ayant un lien direct avec cette dernière (H. Périnet-Marquet, Les méandres des contentieux civils de l’urbanisme : Petites affiches 17 juillet 1996, n° 86, p. 46, cité dans l’article de P. Cornille et D. Larralde, Délictuellement coupable d’infraction directe au POS ?, Construction – Urbanisme n° 11, novembre 2000, 288).

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