Utilisation du référé mesure-utile par une personne publique dans le cadre de l’exécution d’un marché public

Catégorie

Contrats publics

Date

July 2019

Temps de lecture

3 minutes

CE 29 mai 2019 Société Complétel, req. n° 428628

Par un arrêt du 29 mai 2019, le Conseil d’État a confirmé la possibilité pour l’administration d’introduire un référé mesure-utile afin de contraindre son cocontractant à assurer la bonne exécution d’un marché public, éventuellement sous astreinte.

En l’espèce, l’Université de Rennes 1 avait conclu avec la société Complétel un marché destiné à assurer la fourniture de services d’adduction à un réseau en très haut débit entre plusieurs sites répartis en Bretagne, dont notamment celui où se trouvaient les serveurs de l’université et la station biologique de Paimpont.

En cours d’exécution du marché, la société sous-traitante de la société Complétel avait cessé d’exploiter la technologie permettant la production d’un débit suffisant pour assurer le raccordement de la station biologique de Paimpont à l’un des sites de l’Université. Après plusieurs mises en demeure adressées par l’Université à son cocontractant et malgré la mise en place d’une solution de substitution, le débit de la connexion entre les sites est resté extrêmement faible.

L’Université de Rennes 1 a donc été contrainte de saisir le juge des référés afin qu’il ordonne à la société Complétel de rétablir un débit suffisant.

Les circonstances de l’espèce étaient ainsi proches de celles rencontrées dans un arrêt de 2018 dans lequel le Conseil d’État avait déjà admis que le référé mesure utile puisse être utilisé par l’administration pour obtenir la poursuite de l’exécution du contrat de prestations informatiques que le cocontractant menaçait d’interrompre 1)CE 15 juin 2018 ADEME, req. n° 418493 ; mentionné aux tables du Rec. CE. L’arrêt brutal de l’exécution de ses obligations par le prestataire aurait alors eu pour effet de bloquer l’accès à des progiciels de gestion comptable par les nombreux utilisateurs de l’institution.

Dans la présente décision, le Conseil d’État a d’abord rappelé, suivant une jurisprudence bien établie 2)CE Sect. 13 juillet 1956 OPHLM du département de la Seine req. n° 37656 ; Publié au Rec. CE , que le juge administratif ne peut prononcer d’injonction à l’encontre d’un cocontractant de l’administration que lorsque celle-ci ne peut agir qu’en vertu d’une décision juridictionnelle.

Il a ensuite de nouveau énoncé les conditions de mise en œuvre du référé mesure-utile en pareille hypothèse, et notamment celle tenant à ce que la mesure doit être nécessaire pour assurer la continuité du service public :

« En cas d’urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l’urgence, ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Les obligations du cocontractant doivent être appréciées en tenant compte, le cas échéant, de l’exercice par l’autorité administrative du pouvoir de modification unilatérale dont elle dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs ».

En l’espèce, constatant que la station biologique de Paimpont ne pouvait plus avoir accès aux serveurs de l’Université, le Conseil d’État a souligné la carence du cocontractant en retenant notamment que celui-ci n’établissait pas avoir cherché un nouveau fournisseur ou toute solution susceptible de permettre le rétablissement d’une connexion à très haut débit et qu’il ne pouvait davantage se prévaloir d’une situation de force majeure justifiant l’inexécution du contrat.

Le juge suprême a ainsi validé la solution retenue par le juge des référés de première instance consistant à ordonner au cocontractant de rétablir la connexion à très haut débit sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, en lui ménageant toutefois une alternative quant aux modalités techniques à mettre en œuvre.

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References   [ + ]

1. CE 15 juin 2018 ADEME, req. n° 418493 ; mentionné aux tables du Rec. CE
2. CE Sect. 13 juillet 1956 OPHLM du département de la Seine req. n° 37656 ; Publié au Rec. CE

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