Les apports de la loi PACTE en matière de commande publique : droit à rémunération des travaux supplémentaires nécessaires, codification de la facturation électronique et cession de créances initiée par l’acheteur

Catégorie

Contrats publics

Date

July 2019

Temps de lecture

3 minutes

Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE)

Parmi les nombreux sujets qu’elle aborde, la loi PACTE a introduit 3 dispositions intéressant le droit de la commande publique.

1          Premièrement, l’article 195 de la loi PACTE introduit dans le code de la commande publique le principe du droit du titulaire d’un marché de travaux à percevoir une rémunération pour les travaux supplémentaires ou modificatifs qui lui sont demandés :

« Les prestations supplémentaires ou modificatives demandées par l’acheteur au titulaire d’un marché public de travaux qui sont nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage et ont une incidence financière sur le marché public font l’objet d’une contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire du contrat » (L. 2194-3 CCP, déjà en vigueur)

Cette disposition ne serait a priori applicable qu’aux contrats relevant du code de la commande publique.

Si cette disposition parait simplement souligner le droit à rémunération des travaux supplémentaires, elle pose en réalité beaucoup de questions.

D’abord, le code de la commande publique prévoit déjà que la modification unilatérale d’un contrat administratif ouvre en principe au titulaire du contrat un droit à indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat (article L.6 CCP).

D’ailleurs, si l’indemnisation du cocontractant de l’administration en cas de modification du contrat est un principe, il est expressément indiqué qu’elle est due « sous réserve des stipulations du contrat », c’est-à-dire qu’elle n’est pas d’ordre public. Au contraire, le nouveau texte consacrant le droit d’obtenir une juste rémunération des travaux supplémentaires ou modificatifs n’est, elle, pas réservée aux termes du contrat et semble ainsi s’imposer aux parties – mais seulement à un marché de travaux.

Faut-il en comprendre qu’une distinction devrait être faite entre l’indemnisation due en cas de modification du contrat et la rémunération des prestations réalisées en conséquence de la modification ?

Cette distinction n’est pas inintéressante, mais il aurait alors fallu consacrer le principe d’ordre public du droit à rémunération des prestations modificatives et/ou supplémentaires pour tous les marchés, et non pas uniquement les marchés de travaux.

Enfin, cette disposition n’exige de juste rémunération que pour les prestations supplémentaires ou modificatives « nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage ».

Une telle définition ne manque pas de surprendre, alors que la jurisprudence distingue entre :

  • Les travaux supplémentaires qui n’ont pas été sollicités par le biais d’un ordre de service mais qui ont été réalisés spontanément par l’entreprise travaux : alors, ils n’ouvrent droit à rémunération que s’ils s’avèrent indispensables au bon achèvement de l’ouvrage ;
  • Les travaux supplémentaires qui ont été commandés par le biais d’un ordre de service par l’acheteur, et qui ouvrent alors tout le temps droit à rémunération, qu’importe s’ils ont été nécessaires ou non au bon achèvement de l’ouvrage.

Le texte pourrait donc avoir pour effet d’empêcher la rémunération de travaux supplémentaires ou modificatifs demandés par ordre de service mais qui ne sont pas nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage, ce qui ne semble pourtant pas être l’objectif poursuivi. On peut imaginer ainsi que le pouvoir adjudicateur ajoute en cours d’exécution du marché des travaux complémentaires qui ne présentent pas de caractère nécessaire ou indispensable, mais qui sont des compléments d’agrément ou de confort (par exemple, en utilisant le cas de modification autorisée d’un marché de travaux sans justification jusqu’à 15 % du montant initial du marché dans la limité de 5 225 000 EUR HT).

Le juge aura certainement à connaitre rapidement de cette disposition, qui devrait être invoquée par les entreprises travaux au soutien de leurs réclamations.

2          Deuxièmement, l’article 193 de la loi PACTE introduit dans le code de la commande publique un chapitre exclusivement consacré à la facturation électronique (article L. 2192-1 et suivants CCP).

Ces dispositions imposent aux entreprises d’adresser leurs factures par voie dématérialisée et imposent aux acheteurs d’accepter les factures dématérialisées. Pour ce faire, le portail de facturation électronique Chorus Pro est mis à la disposition des acheteurs et des entreprises par l’État.

Le paragraphe III de l’article 193 maintient l’échéancier de généralisation de la dématérialisation des factures initialement fixé, qui prévoit l’extension de cette obligation que les microentreprises au 1er janvier 2020 1)Ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique .

3          Troisièmement, l’article 106 de la loi PACTE prévoit un mécanisme nouveau de cession de créances, qui n’est étrangement pas intégré au code de la commande publique.

Il s’agit d’une cession de créances ou d’une subrogation conventionnelle initiée par l’acheteur, avec l’accord du fournisseur, à mettre en place auprès d’un établissement de crédit, d’une société de financement ou d’un FIA mentionné à l’article L. 313-23 du code monétaire et financier, aux fins d’assurer le paiement anticipé de certaines factures.

Le texte prévoit que ce nouveau mécanisme ne fait pas obstacle aux contrôles que les comptables publics exercent, mais sans expliquer comment ces contrôles pourront aboutir à ce que l’acheteur refuse de régler à l’établissement de crédit l’avance qu’il aura versée au fournisseur en lieu et place de l’acheteur.

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