Les conditions de la réouverture d’instruction et contentieux du permis de construire : nouvelle illustration jurisprudentielle

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

July 2019

Temps de lecture

3 minutes

CE 1er juillet 2019 M. C… K…et autres, req. n° 418110 : mentionné aux tables du recueil Lebon

A l’occasion d’un contentieux formé contre un permis de construire plusieurs logements à Paris, le Conseil d’État vient rappeler, par une décision du 1er juillet 2019, que :

« Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l’instruction, qu’il dirige, lorsqu’il est saisi d’une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S’il décide d’en tenir compte, il rouvre l’instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu’il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et qui est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision ».

Il s’agit d’une reprise à l’identique d’un considérant de principe formulé aux termes de sa décision de Section du 5 décembre2014 (M.,, req. n° 340943, publié au Rec. CE. p. 369). Dans cette affaire, la Haute Juridiction a fixé un véritable modus operandi à destination des juridictions du fond en présence d’une production postérieure à la clôture de l’instruction.

Dans un tel cas de figure, le Conseil d’État rappelle que par principe, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l’instruction. Dans ce cadre, il lui appartient alors :

  • De prendre connaissance de la pièce produite avant de rendre sa décision et de la viser ;
  • S’il décide d’en tenir compte, de rouvrir l’instruction et de la soumettre au débat contradictoire.

En revanche, lorsque cette production contient l’exposé d’une circonstance de fait ou d’un élément de droit dont il n’était pas possible de faire état avant la clôture d’instruction et que cette circonstance de fait ou cet élément de droit est susceptible d’exercer une influence sur le jugement de l’affaire, le juge administration a l’obligation d’en tenir compte, à peine d’irrégularité de sa décision.

Il s’est ainsi prononcé dans ce sens à l’égard de la production, après la clôture d’instruction, d’un permis de construire modificatif modifiant des éléments contestés du permis attaqué, sous réserve qu’il ne s’agisse pas d’un nouveau permis et que cette communication ne pouvait être réalisée avant la clôture d’instruction 1)CE 28 avril 2017, req. n° 395867, mentionné dans les tables du recueil Lebon, – CE 30 mars 2015, Société Eole-Res et ministre de l’égalité des territoires et du logement, req. n°s 369431, 369637, mentionné dans les tables du recueil Lebon.

Au cas présent, il ne s’agissait de la délivrance d’un permis modificatif mais de la production d’un avis d’un service technique. Dans l’affaire dont le Conseil d’État a été saisi, la clôture de l’instruction a été prononcée le 16 octobre 2017. Or, quasiment deux mois plus tard, la société pétitionnaire et la ville de Paris (qui avait délivré le permis de construire litigieux) ont produit un avis officiel rendu le 30 novembre 2017 par le chef du bureau prévention de la préfecture de police. Cet avis énonçait que la construction projetée concourait à la sécurité des occupants et permettait la mise en œuvre des matériels des sapeurs-pompiers.

Il s’agissait d’une circonstance de fait nouvelle dont les parties défenderesses n’étaient pas en mesure de faire état avant la clôture d’instruction. Cette circonstance était également susceptible d’exercer une influence sur le sens du jugement de l’affaire compte tenu du motif unique d’annulation retenu tiré de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise Madame la Maire de Paris en considérant que le projet était satisfaisant en matière de sécurité publique eu égard à l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.

En s’abstenant de rouvrir l’instruction, le tribunal administratif de Paris a entaché sa décision d’irrégularité, entraînant son annulation et le renvoi de l’affaire devant lui.

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