Précisions sur les exceptions à la règle de constructibilité limitée prévue à l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 29 mai 2019 Ministre de la cohésion des territoires, req. n° 419921 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

1          Contexte

Par un arrêté du 24 juillet 2015 le préfet de l’Orne a refusé de délivrer un permis de construire pour la restauration et l’extension d’une habitation sur le territoire de la commune de Craménil, au motif que le terrain était situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune et qu’en raison de l’accroissement de la surface d’origine, le projet ne pouvait être regardé comme une extension mesurée d’une construction existante

M. B…D…et Mme A…C…ont demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler pour excès de pouvoir cet arrêté.

Par un jugement 1)N° 1501951 du 18 mai 2016, le tribunal a annulé cet arrêté.

Le ministre du logement et de l’habitat durable a interjeté appel contre ce jugement.

Par un arrêt n° 16NT02317 du 16 février 2018, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté cet appel.

Le ministre de la cohésion des territoires demande a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’État.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’État a été amené à se prononcer de manière pédagogique sur la portée des exceptions à la règle de constructibilité limitée à l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme.

2          La décision du Conseil d’État

2.1       Le Conseil d’État rappelle qu’aux termes de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme alors en vigueur (désormais repris aux articles L. 111-3 et L. 111-4 du même code) :

« I.- En l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, seuls sont autorisés, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L’adaptation, le changement de destination, la réfection, l’extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; (…) ».

En l’espèce, le Conseil d’État relève que la commune de Craménil est dépourvue de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu. Ces dispositions précitées sont donc applicables.

2.2       Ensuite, le Conseil d’État explicite le principe et les deux exceptions de l’article L.111-1-2.

Il indique que ces dispositions interdisent en principe, en l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, les constructions implantées « en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune », c’est-à-dire des parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions 2)Dans le même sens : CE 29 mars 2017, req. n° 393730 : Rec. CE..

Le Conseil d’État considère qu’en conséquence les constructions ne peuvent être autorisées en dehors de ces parties, sauf dans le cas où elles relèvent des exceptions expressément et limitativement prévues par l’article précité, qui sont :

2.2.1    Première exception : l’adaptation, le changement de destination, la réfection et l’extension des constructions existantes

Au titre de cette exception, le Conseil d’État précise que peuvent être autorisés des projets qui, eu égard à leur implantation par rapport aux constructions existantes et à leur ampleur limitée en proportion de ces constructions, peuvent être regardés comme ne procédant qu’à l’extension de ces constructions.

Le Conseil d’État ajoute que :

« Aucune disposition n’impose toutefois qu’une extension satisfaisant à ces critères doive en outre, pour pouvoir être autorisée au titre du 1° du I de l’article L. 111-1-2, présenter un caractère “mesuré”. Il résulte, enfin, de cet article, éclairé par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi du 25 mars 2009, que la condition tendant au respect des traditions architecturales locales, résultant de cette loi, ne s’applique pas à l’extension des constructions existantes, mais seulement à la construction de bâtiments nouveaux ».

2.2.2    Deuxième exception : la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole et dans le respect des traditions architecturales locales

Le Conseil d’État précise qu’au titre de cette seconde exception, introduite par la modification apportée par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, peut être autorisée la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation, à la double condition :

  • qu’ils soient implantés à l’intérieur d’un périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole ;
  • et qu’ils respectent les traditions architecturales locales.

Le Conseil d’État ajoute que :

« le bénéfice de cette exception n’est pas réservé aux cas dans lesquels le périmètre constitué par les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole est clos, mais peut aussi valoir pour les cas où les bâtiments nouveaux sont implantés dans un espace entouré de bâtiments agricoles suffisamment rapprochés pour pouvoir être regardés comme délimitant, même sans clôture ou fermeture, un périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole ».

2.3       Au cas d’espèce

En premier lieu, le Conseil d’État relève que le préfet avait opposé une condition non prévue par la loi, en imposant que l’extension d’une construction existante, pour pouvoir être autorisée sur le fondement de la première exception du I de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme, devait présenter un caractère mesuré.

Ce faisant, le Conseil d’État en déduit que la cour, qui a confirmé sur ce motif l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du préfet refusant la demande de permis, n’a pas commis d’erreur de droit.

En second lieu, le Conseil d’État relève que la cour a jugé sans erreur de droit et en motivant suffisamment son arrêt, qu’à supposer même que le projet de construction soit regardé comme une construction nouvelle, le projet est situé à l’intérieur d’un périmètre non clos mais délimité par des bâtiments suffisamment rapprochés d’une ancienne exploitation agricole.

La cour a donc considéré que le préfet ne pouvait en toute hypothèse pas légalement refuser le permis de construire au motif qu’il constituerait une construction nouvelle et non une extension d’une construction existante.

Le ministre ne pouvait donc utilement soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si le projet satisfaisait, en outre, à l’ensemble des conditions auxquelles sont subordonnées les constructions de bâtiments nouveaux à usage d’habitation sur le fondement de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme.

Le pourvoi du ministre de la cohésion des territoires est rejeté.

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References   [ + ]

1. N° 1501951
2. Dans le même sens : CE 29 mars 2017, req. n° 393730 : Rec. CE.

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