Solidarité des co-titulaires d’un permis de construire valant division au regard du paiement de la taxe d’aménagement

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

July 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 19 juin 2019 Ministre de la cohésion des territoires, req. n° 413967 : mentionné aux Tables du Rec.CE

1.  Le contexte du pourvoi

Le 17 mai 2013, M. A… et M. et Mme B… ont obtenu du maire de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), un permis de construire deux maisons individuelles sur un terrain devant être divisé en propriété ou en jouissance avant l’achèvement de la construction.

Le 24 juin 2014, le directeur départemental des territoires et de la mer de Loire-Atlantique a émis à l’encontre de M. A…, en vue du recouvrement de la taxe d’aménagement et de la redevance d’archéologie préventive, deux titres de perception pour des montants de 3 095 euros et 355 euros respectivement.

M. A… a demandé l’annulation de ces deux titres de perception au motif qu’ils mettent à sa charge la totalité des taxes dont le permis du 17 mai 2013 constitue le fait générateur.

Par deux jugements des 21 mars et 4 juillet 2017 1)Req. n° 1502961., le tribunal administratif de Nantes a fait droit à cette demande.

Le ministre de la cohésion des territoires s’est pourvu en cassation contre ces arrêts.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur les modalités selon lesquelles l’administration peut recouvrer la taxe d’aménagement, dans l’hypothèse d’un terrain à diviser en propriété ou en jouissance avant l’achèvement des travaux.

2.  La décision du Conseil d’État

En premier lieu, le Conseil d’État renvoie à la cour administrative d’appel de Nantes le pourvoi du ministre de la cohésion des territoires, en tant qu’il est dirigé contre l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2017, qui concerne la redevance d’archéologie préventive.

En effet, compte tenu des règles d’affectation prévues par l’article L. 524-11 du code du patrimoine dans sa rédaction alors applicable 2)Notons qu’il en est toujours de même aujourd’hui., cette redevance ne saurait être regardée comme un impôt local au sens de l’article R. 222-13 du code de justice administrative (CJA), auquel renvoie l’article R. 811-1 définissant les matières dans lesquelles les tribunaux administratifs statuent en dernier ressort.

Par conséquent, le Conseil d’État n’est pas doté de la compétence d’appel concernant cette imposition en litige.

Au contraire, la taxe d’aménagement est assimilée à un impôt local au sens de l’article R. 811-1 du CJA. Le litige qui la concerne est donc jugé en premier et dernier ressort par le tribunal administratif compétent 3)CE 5 mars 2018 Ministre de la Cohésion des territoires, req. n° 410670..

En second lieu, le Conseil d’État statue donc sur les modalités de recouvrement de cette taxe, en cas de permis valant division.

Pour mémoire, d’après l’article L. 331-6 du code de l’urbanisme :

« Les opérations d’aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d’agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d’autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d’une taxe d’aménagement, sous réserve des dispositions des articles L. 331-7 à L. 331-9.

Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article […].

Le fait générateur de la taxe est, selon les cas, la date de délivrance de l’autorisation de construire ou d’aménager […]. »

Et d’après l’article L. 331-24 du même code :

« La taxe d’aménagement et la pénalité dont elle peut être assortie en vertu de l’article L. 331-23 sont recouvrées par les comptables publics compétents comme des créances étrangères à l’impôt et au domaine.

Le recouvrement de la taxe fait l’objet de l’émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l’émission d’un titre unique lorsque le montant n’excède pas 1 500 €. »

Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions que, lorsque le permis de construire est délivré à plusieurs personnes – physiques ou morales – pour la construction de bâtiments dont le terrain d’assiette fera l’objet d’une division en propriété ou en jouissance avant l’achèvement des travaux conformément à l’article R. 431-24 du code de l’urbanisme, les redevables de la taxe d’aménagement dont ce permis est le fait générateur sont les titulaires de celui-ci, chacun d’entre eux étant redevable de l’intégralité de la taxe due à raison de l’opération de construction autorisée.

Le Conseil d’État juge alors, de manière pragmatique, que :

  • le montant total de la taxe d’aménagement exigible pour l’ensemble de l’opération peut être réclamé à l’un quelconque des bénéficiaires du permis, choisi indifféremment par l’administration ;
  • mais si l’administration choisit de recouvrer la taxe auprès de chacun des bénéficiaires, le montant cumulé des sommes figurant sur les titres de perception ainsi émis ne peut excéder celui de la taxe due en contrepartie de la délivrance de l’autorisation.

Ainsi, le Conseil d’État établit qu’en l’espèce, en jugeant que le service ordonnateur ne pouvait mettre la taxe d’aménagement due à raison de l’opération de construction autorisée par le permis de construire délivré le 17 mai 2013, à la charge du seul M. A… au motif que M. et Mme B… étaient, eux aussi, bénéficiaires du permis et, par suite, redevables de cette taxe, le tribunal a commis une erreur de droit. Le ministre de la cohésion des territoires et de la mer est fondé pour ce motif, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif du 4 juillet 2017.

La Haute-Juridiction choisit donc de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

Partant, le Conseil d’État relève que M. A… était, en sa qualité de bénéficiaire du permis de construire délivré le 17 mai 2013, comme M. et Mme B…, redevable de l’intégralité de la taxe d’aménagement due à raison des constructions autorisées par ce permis.

Le Conseil d’État considère donc que le directeur départemental des territoires et de la mer de Loire-Atlantique pouvait légalement émettre un titre de perception à son encontre pour obtenir de lui le recouvrement de l’intégralité de cette taxe, sans préjudice de la faculté pour M. A… de réclamer aux autres bénéficiaires du permis de construire le reversement de la part de la taxe correspondant aux constructions dont la propriété leur a été dévolue à la suite de la division du terrain.

En conclusion, la demande de M. A…tendant à l’annulation du titre de perception émis le 24 juin 2014 mettant à sa charge la totalité de la taxe due à raison du permis de construire délivré le 17 mai 2013 est rejetée.

L’article 1er du jugement du tribunal administratif du 4 juillet 2017, relatif à la taxe d’aménagement, est annulé ; et le jugement des conclusions présentées par le ministre de la cohésion des territoires tendant à l’annulation de l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2017, relatif à la redevance d’archéologie préventive, est attribué à la cour administrative d’appel de Nantes.

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References   [ + ]

1. Req. n° 1502961.
2. Notons qu’il en est toujours de même aujourd’hui.
3. CE 5 mars 2018 Ministre de la Cohésion des territoires, req. n° 410670.

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