Permis de construire et préoccupations d’environnement : impossibilité pour l’autorité administrative d’assortir le permis de prescriptions relatives à aux conditions d’exploitation du projet

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2017

Temps de lecture

3 minutes

CE 6 décembre 2017 M. et Mme B…, req. n° 398537 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Dans une décision rendue le 6 décembre 2017, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur les modalités d’édiction de prescriptions spéciales pouvant assortir un permis de construire lorsque le projet est de nature à avoir des conséquences sur l’environnement, en particulier lorsque le projet est susceptible de faire l’objet de prescriptions au titre de la législation des installations classées.

En l’espèce, plusieurs requérants ont demandé l’annulation d’un permis de construire, délivré par le maire de Bazougues-le-Pérouse, en vue de l’édification d’un bâtiment d’élevage de porcs.

Le tribunal administratif de Rennes ayant fait droit à leur demande, le pétitionnaire a interjeté appel. La cour administrative d’appel de Nantes a alors annulé le jugement et rejeté la demande d’annulation du permis de construire.

Les requérants de première instance se sont pourvus en cassation, soutenant notamment que le permis de construire était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 111-5 du code de l’urbanisme dans la mesure où il n’était pas assorti de prescriptions spéciales destinées à limiter les incidences du projet sur l’environnement.

Cet article, dans sa version applicable au litige, prévoyait :

« Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d’environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement. Le projet peut n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement. »

Dans sa décision, le Conseil d’Etat indique :

« Il résulte de ces dispositions qu’elles ne permettent pas à l’autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l’accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l’urbanisme, telles que celles relatives à l’implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement ; qu’à ce titre, s’il n’appartient pas à cette autorité d’assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu’elle est susceptible d’occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l’être. »

Le Conseil d’Etat rappelle, tout d’abord, que cet article ne peut fonder une décision de refus de délivrer un permis de construire, conformément à sa jurisprudence antérieure 1)CE 7 février 2003 Société civile agricole le Haras d’X, req. n°220215.

Il indique ensuite, en application du principe d’indépendance des législations, que les prescriptions pouvant être imposées par l’autorité délivrant le permis de construire ne peuvent concerner que de la construction elle-même et non pas ses conditions d’exploitation, lesquelles relèvent de la police des installations classées.

En l’espèce, les seules incidences sur l’environnement dont se prévalaient les requérants, à savoir le volume du lisier et la teneur en nitrate des milieux aquatiques dus à l’augmentation du nombre de porcs, tenaient exclusivement à l’exploitation du projet. Il n’y avait donc pas lieu de prévoir dans le permis de construire des prescriptions relatives à celles-ci.

En outre, le Conseil d’Etat précise que, dans le cadre de l’édiction de prescriptions spéciales, l’autorité délivrant le permis de construire doit de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées mais également celles étant susceptibles de l’être.

Cette obligation est d’ailleurs prévue par le nouvel article R. 111-26 du code de l’urbanisme, dans sa version issue du décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale, qui dispose :

« Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d’environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l’environnement. Le projet peut n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l’environnement. Ces prescriptions spéciales tiennent compte, le cas échéant, des mesures mentionnées à l’article R. 181-43 du code de l’environnement. »

En l’espèce, le Conseil d’Etat constate que le projet a fait l’objet d’une demande d’autorisation ICPE qui était en cours d’instruction à la date de délivrance du permis. Ainsi, non seulement les prescriptions souhaitées par les requérants portaient sur l’exploitation et relevaient ainsi de la police des installations classées mais en plus, il n’y avait, en l’état, pas à tenir compte, dans le cadre du permis de construire, de prescriptions édictées au titre de la police des installations classées.

Le Conseil d’Etat, confirmant l’analyse de la cour administrative d’appel de Nantes, rejette le pourvoi.

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