L’examen des capacités des candidats à un marché public : vers de nouvelles obligations pesant sur les pouvoirs adjudicateurs ?

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2012

Temps de lecture

3 minutes

CE 3 octobre 2012 société Déménagement le Gars-Hauts-de-Seine déménagements, req. n° 360952

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 23 décembre 2011, le département du Val-de-Marne a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue d’attribuer un marché à bons de commande ayant pour objet les transferts et déménagements de mobiliers et matériels sur les sites et établissements départementaux.

A l’issue de la procédure, le pouvoir adjudicateur a retenu l’offre de la société Déménagement le Gars-Hauts-de-Seine déménagements.

La société Organidem, candidate évincée, a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Melun qui, par une ordonnance du 5 juin 2012, a annulé l’intégralité de la procédure de passation au motif que la candidature de l’attributaire contenait des informations inexactes.

Lors de l’audience de première instance, la société requérante avait produit le bilan et le compte de résultats de l’attributaire, obtenus par l’intermédiaire du site Internet ” Infogreffe “, d’où il ressortait que le chiffre d’affaires réel était substantiellement inférieur à celui déclaré dans le dossier de candidature[1].

Le Conseil d’Etat va confirmer la position du premier juge en indiquant : ” le code des marchés publics fixe précisément et limitativement la liste des documents qui peuvent être exigés par le pouvoir adjudicateur à l’appui des candidatures, ainsi que les motifs pour lesquels les candidatures peuvent être écartées sur la foi de ces informations ; que la prise en compte par le pouvoir adjudicateur de renseignements erronés relatifs aux capacités professionnelles, techniques et financières d’un candidat est susceptible de fausser l’appréciation portée sur les mérites de cette candidature au détriment des autres candidatures et ainsi de porter atteinte au principe d’égalité de traitement entre les candidats“.

Et, pour la Haute Juridiction, le premier juge a souverainement relevé que la candidature de l’attributaire contenait des informations erronées de sorte qu’il a pu estimer, sans commettre d’erreur de droit ni de qualification inexacte des faits, que le choix de cette offre “avait porté atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures“.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat rappelle qu’un tel manquement n’est susceptible de léser le requérant que dans la mesure où son offre n’est pas elle-même “inappropriée, irrégulière ou inacceptable”, mais qu’en revanche et de manière classique “son propre rang de classement” n’a aucune influence à cet égard[2].

Cet arrêt conduit à se questionner sérieusement sur sa portée quant aux obligations pesant sur les pouvoirs adjudicateurs lors de l’examen des candidatures des candidats.

Il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier que les candidats disposent bien des capacités “professionnelles, techniques et financières” pour assurer l’exécution du marché, ce au vu des renseignements qu’il aura préalablement sollicités[3].

Mais, au-delà de cette obligation, le présent arrêt signifie-t-il :

►        que les pouvoirs adjudicateurs doivent à présent vérifier précisément l’exactitude de chacun des éléments présentés par les candidats[4], alors qu’il s’agit d’une source de travail supplémentaire non négligeable et que l’on sait que les manquements des candidats n’entrent pas, en principe, dans le champ du débat du référé précontractuel[5] ?

►        ou bien que le juge administratif a souhaité en réalité sanctionner un pouvoir adjudicateur qui avait, en quelque sorte, persisté dans son erreur ?

En effet, on observera que c’est durant le débat contentieux de première instance que les éléments erronés figurant dans le dossier de candidature de l’attributaire ont été révélés de manière circonstanciée et que le pouvoir adjudicateur n’a, semble-t-il, pas cru bon d’en tirer les conséquences en retirant sa décision d’attribution.

Comme cela devient une habitude en matière de “commande publique” : la réponse au “prochain épisode“.


[1] La société déclarait pour l’année 2010 un chiffre d’affaire de 3 770 700 euros, alors que celui-ci était de 770 637 euros. Par             ailleurs, l’arrêt nous apprend que les informations relatives au montant des salaires et à la valeur des véhicules figurant    dans ces documents               étaient incompatibles avec les déclarations relatives à l’effectif salarié et au nombre de   véhicules figurant dans le dossier de candidature.

[2] Voir déjà : CE 11 avril 2012 Syndicat Ody 1218 Newline du Lloyd’s de Londres.

[3] CE 26 mars 2008 Communauté Urbaine de Lyon (Courly), req. n° 303779.

[4] Qui repose, pour une bonne part, sur un système déclaratif.

[5] CE 2 juillet 1999 SA Bouygues et autres, req. n° 206749 – De plus, on peut rappeler que les fausses déclarations sont traitées        dans le cadre de l’exécution du marché puisqu’elles peuvent entraîner sa résiliation.

 

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