Niveaux minimaux de capacité : annulation de la procédure uniquement s’ils sont manifestement dépourvus de lien avec le marché ou manifestement disproportionnés

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 7 mai 2013 société Segex, req. n° 365706 : à mentionner aux tables du Rec. CE

Par un récent arrêt, le Conseil d’Etat a affirmé que le contrôle exercé par le juge des référés précontractuels sur le lien et la proportion des niveaux minimaux de capacité qui peuvent être exigés des candidats à l’attribution d’un marché public se limite aux seules erreurs manifestes que le pouvoir adjudicateur peut commettre sur ces points.

Rappelons qu’aux termes de l’article 45 du code des marchés publics, « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l’objet du marché. […] ».

Le juge du fond du recours « Tropic » a eu l’occasion de contrôler ce lien et cette proportion des niveaux minimaux de capacité avec l’objet du marché, sans le réserver à la seule erreur « manifeste » 1) « […] 5. Considérant, en deuxième lieu, que si, en application des dispositions précitées et comme il a été dit ci-dessus, il est toujours loisible à l’acheteur public d’exiger la détention, par les candidats à l’attribution d’un marché public, notamment de niveaux de capacités techniques et financières minimaux, il appartient au juge administratif de s’assurer que cette exigence, lorsqu’elle a pour effet de restreindre l’accès au marché à des entreprises, notamment au détriment des PME, est objectivement rendue nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser ; que la société Ourry soutient ainsi que l’exigence d’un chiffre d’affaires annuel concernant les services objet du marché réalisé au cours des trois derniers exercices disponibles d’au moins 6 000 000 euros (HT) n’était pas objectivement nécessaire au regard de l’objet du marché et de la nature des prestations à réaliser, et présentait ainsi un caractère disproportionné ; que, toutefois, compte tenu, d’une part, de l’objet du marché et des impératifs particuliers de salubrité qui y sont liés, ainsi que de la nécessité de garantir la continuité du service public en cause, et, d’autre part, du montant annuel de ce marché, évalué à 4,5 millions d’euros, le maire de Paris a pu régulièrement, dans un souci de qualité et d’efficacité, subordonner le droit de présenter une offre à la justification d’un chiffre d’affaires annuel d’au moins 6 millions d’euros HT réalisé dans le domaine de la collecte des ordures ménagères aux cours des trois années précédentes ; qu’ainsi, c’est à bon droit que le tribunal a jugé que la Ville de Paris n’avait pas posé de condition disproportionnée à l’objet du marché […] » (CAA Paris 22 avril 2013 société Ourry, req. n° 11PA00626 et 11PA00627)
« […] la commune n’établit pas que les conditions d’exécution du marché, dont la durée était limitée à six mois et qui, ainsi que le fait valoir le préfet de l’Essonne, portait sur des prestations courantes ne concernant qu’une partie de la voirie communale, impliquaient un chiffre d’affaires, sur trois années consécutives, égal à vingt-quatre fois le seuil minimal du marché, qui seul engage la collectivité, et à six fois son seuil maximal […] qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, en imposant un tel niveau de capacité financière aux candidats au marché, alors qu’elle n’a fourni aucun élément établissant que cette exigence était rendue nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser, la COMMUNE DE BRUNOY a méconnu les obligations de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché en litige ; que cette méconnaissance est de nature à entraîner l’annulation dudit marché […] » (CAA Versailles 25 mai 2010 commune de Brunoy, req. n° 08VE02066).
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Toutefois, pour le Conseil d’Etat, le juge du référé précontractuel « ne peut annuler une procédure de passation d’un marché pour un tel motif que si l’exigence de capacité technique imposée aux candidats est manifestement dépourvue de lien avec l’objet du marché ou manifestement disproportionnée ».

En l’espèce, la direction régionale et interdépartementale de l’équipement et de l’aménagement (DRIEA) d’Ile-de-France a lancé la procédure de passation d’un marché à bons de commande, d’un montant minimum de 3 millions d’euros et d’un montant maximum de 12 millions d’euros pour une durée de quarante-huit mois, pour la mise en place de balisages et de signalisations de déviation sur le réseau routier d’Ile-de-France. Elle avait exigé des candidats qu’ils justifient disposer d’au moins douze fourgons équipés de panneaux à messages variables pour la réalisation des prestations du marché, élément qu’elle a contrôlé au stade des candidatures (capacités techniques).

La Haute Juridiction estime qu’en l’espèce, l’exigence de la détention de 12 fourgons n’était pas manifestement dépourvue de lien avec l’objet du marché ou manifestement disproportionnée, compte tenu de la diversité des messages potentiels à diffuser par le prestataire sur toute l’étendue du réseau autoroutier, tandis que ces véhicules pouvaient aisément être acquis ou loués par les candidats à l’attribution du marché.

Pour le Conseil d’Etat, en estimant que la DRIEA avait méconnu les exigences de l’article 45 CMP, le tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier.

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References   [ + ]

1. « […] 5. Considérant, en deuxième lieu, que si, en application des dispositions précitées et comme il a été dit ci-dessus, il est toujours loisible à l’acheteur public d’exiger la détention, par les candidats à l’attribution d’un marché public, notamment de niveaux de capacités techniques et financières minimaux, il appartient au juge administratif de s’assurer que cette exigence, lorsqu’elle a pour effet de restreindre l’accès au marché à des entreprises, notamment au détriment des PME, est objectivement rendue nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser ; que la société Ourry soutient ainsi que l’exigence d’un chiffre d’affaires annuel concernant les services objet du marché réalisé au cours des trois derniers exercices disponibles d’au moins 6 000 000 euros (HT) n’était pas objectivement nécessaire au regard de l’objet du marché et de la nature des prestations à réaliser, et présentait ainsi un caractère disproportionné ; que, toutefois, compte tenu, d’une part, de l’objet du marché et des impératifs particuliers de salubrité qui y sont liés, ainsi que de la nécessité de garantir la continuité du service public en cause, et, d’autre part, du montant annuel de ce marché, évalué à 4,5 millions d’euros, le maire de Paris a pu régulièrement, dans un souci de qualité et d’efficacité, subordonner le droit de présenter une offre à la justification d’un chiffre d’affaires annuel d’au moins 6 millions d’euros HT réalisé dans le domaine de la collecte des ordures ménagères aux cours des trois années précédentes ; qu’ainsi, c’est à bon droit que le tribunal a jugé que la Ville de Paris n’avait pas posé de condition disproportionnée à l’objet du marché […] » (CAA Paris 22 avril 2013 société Ourry, req. n° 11PA00626 et 11PA00627)
« […] la commune n’établit pas que les conditions d’exécution du marché, dont la durée était limitée à six mois et qui, ainsi que le fait valoir le préfet de l’Essonne, portait sur des prestations courantes ne concernant qu’une partie de la voirie communale, impliquaient un chiffre d’affaires, sur trois années consécutives, égal à vingt-quatre fois le seuil minimal du marché, qui seul engage la collectivité, et à six fois son seuil maximal […] qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, en imposant un tel niveau de capacité financière aux candidats au marché, alors qu’elle n’a fourni aucun élément établissant que cette exigence était rendue nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser, la COMMUNE DE BRUNOY a méconnu les obligations de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché en litige ; que cette méconnaissance est de nature à entraîner l’annulation dudit marché […] » (CAA Versailles 25 mai 2010 commune de Brunoy, req. n° 08VE02066).

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