Aménagement commercial : nouvelles précisions sur la recevabilité des recours devant le Conseil d’Etat

Catégorie

Aménagement commercial, Droit administratif général

Date

September 2013

Temps de lecture

4 minutes

CE 17 juillet 2013 communauté d’agglomération du Douaisis, req. n° 347089 : à mentionner aux T. du rec. CE

A l’occasion de l’examen d’un pourvoi contre un arrêt d’une cour administrative d’appel relatif à la contestation d’une autorisation d’exploitation commerciale 1) L’autorisation d’exploitation commerciale a été délivrée avant le 24 novembre 2008, date d’entrée en vigueur de la réforme de l’aménagement commercial (loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008). Depuis cette date, les juridictions administratives de fond (TA et CAA) ne sont plus compétentes pour statuer sur les recours contre les autorisations d’exploitation commerciale., le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de recevabilité de ce pourvoi lorsqu’il est formé par un tiers intervenu au soutien de l’appel interjeté par le pétitionnaire contre le jugement annulant, à la demande d’un concurrent, son autorisation d’exploitation commerciale.

Par un considérant de principe précisant une règle générale de procédure administrative contentieuse, le Conseil d’Etat a jugé que « la personne qui est régulièrement intervenue devant la cour administrative d’appel n’est recevable à se pourvoir en cassation contre l’arrêt rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu’elle aurait, à défaut d’intervention de sa part, eu qualité pour former tierce opposition contre la décision du juge d’appel » 2) Le Conseil d’Etat applique ici une solution qu’il avait d’ores et déjà retenue dans le cadre d’une intervention en appel au soutien de la défense (v. CE 3 juillet 2000 Syndicat des pharmaciens du Nord, req. n° 196259, T. p. 1194 et CE Sect. 26 février 2003 M. et Mme Bour et autres, req. n° 231558, Rec. CE p. 59). Voir, pour l’arrêt de principe en matière de recevabilité d’un appel : CE Sect. 9 janvier 1959 Harenne, req. n° 41383, rec. CE p. 23..

Or, les conditions de recevabilité de la tierce opposition sont plus restrictives dans la mesure où il est nécessaire de démontrer que le jugement ou l’arrêt attaqué préjudicie aux droits du requérant 3) Article R. 832-1 CJA : « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision »..

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que tel n’était pas le cas s’agissant du pourvoi formé par le créateur de la ZAC à vocation commerciale devant accueillir le projet autorisé :

« Considérant que, par un arrêt du 29 décembre 2010 contre lequel la communauté d’agglomération du Douaisis se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Douai a rejeté l’appel formé annulant, à la demande de la société B… LC et de M.B…, la décision de la commission départementale d’équipement commercial du Nord du 11 octobre 2007 l’autorisant à créer, sur le territoire de la commune de Bugnicourt, un supermarché à l’enseigne ” Leclerc ” et une galerie marchande ; que s’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté d’agglomération du Douaisis, qui est régulièrement intervenue au soutien de cet appel, a, par une délibération du 22 juin 2007, procédé à la création d’une zone d’aménagement concerté à vocation commerciale sur le territoire de la commune de Bugnicourt et prévu de réaliser des aménagements afin d’accueillir, dans ce cadre, l’équipement commercial projeté par la SCI Tilloy Bugnicourt, celle-ci ne justifie pas de ce que la décision rendue par le juge d’appel aurait préjudicié à ses droits ; que, dès lors, elle n’aurait pas eu qualité, à défaut d’intervention de sa part, pour former tierce opposition contre l’arrêt attaqué et est, par suite, irrecevable à se pourvoir en cassation contre celui-ci ».

Concrètement, selon le Conseil d’Etat, l’annulation d’une autorisation d’exploitation commerciale ne porte pas atteinte aux droits du créateur de la ZAC à vocation commerciale de sorte qu’il n’est pas fondé à former seul un pourvoi contre l’arrêt qui rejette le recours contre le jugement annulant cette autorisation, quand bien même son recours en intervention devant la cour administrative d’appel au soutien du bénéficiaire de l’autorisation était recevable.

Précisons cependant que, en matière d’aménagement commercial, la portée de cet arrêt est pour le moment limitée aux contentieux relatifs aux autorisations d’exploitation commerciale délivrées par les commissions départementales d’équipement commercial (CDEC 4) Qui ont été remplacées par les actuelles CDAC (commissions départementales d’aménagement commercial) depuis le 24 novembre 2008. ) avant le 24 novembre 2008 5) Date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie dite « LME ». et par la Commission nationale d’aménagement commerciale (CNAC) entre le 24 novembre 2008 et le 1er octobre 2011 6) Date de l’entrée en vigueur du Décret n° 2011-921 du 1er août 2011 modifiant le code de justice administrative (partie réglementaire) – JORF n°0178 du 3 août 2011 page 13237. . En effet, d’une part, depuis le 24 novembre 2008 les autorisations d’exploitation commerciale délivrées par les commissions départementales (CDAC) doivent impérativement faire l’objet d’un recours administratif devant la CNAC. D’autre part, depuis le 1er octobre 2011, la contestation de la décision de la CNAC relève de la compétence exclusive du Conseil d’Etat.

Cet état procédural ne devrait toutefois pas perdurer dans la mesure où un récent décret du 13 août 2013 7) Décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative – JORF n°0189 du 15 août 2013 page 13960. prévoit que, à compter du 1er janvier 2014, les nouvelles requêtes dirigées contre les décisions de la CNAC devront être présentées devant la cour administrative d’appel dans le ressort de laquelle se situe la CDAC ayant rendu la décision initialement attaquée. Le Conseil d’Etat n’aura alors à connaître de ces autorisations que dans l’hypothèse d’un pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt de la cour et la solution retenue dans le présent arrêt commenté trouvera alors à s’appliquer.

Indiquons, enfin, que s’agissant de la recevabilité du recours pour excès de pouvoir d’un tiers dirigé contre une autorisation d’exploitation commerciale délivrée par la CNAC, le Conseil d’Etat a récemment précisé que la personne qui n’a pas contesté devant la CNAC l’autorisation d’exploitation commerciale délivrée à son concurrent par la CDAC n’était pas recevable à contester la décision confirmative de la CNAC 8) CE 28 juin 2013 SAS Coutis, req. n° 355812 : à publier au Rec. CE..

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1. L’autorisation d’exploitation commerciale a été délivrée avant le 24 novembre 2008, date d’entrée en vigueur de la réforme de l’aménagement commercial (loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008). Depuis cette date, les juridictions administratives de fond (TA et CAA) ne sont plus compétentes pour statuer sur les recours contre les autorisations d’exploitation commerciale.
2. Le Conseil d’Etat applique ici une solution qu’il avait d’ores et déjà retenue dans le cadre d’une intervention en appel au soutien de la défense (v. CE 3 juillet 2000 Syndicat des pharmaciens du Nord, req. n° 196259, T. p. 1194 et CE Sect. 26 février 2003 M. et Mme Bour et autres, req. n° 231558, Rec. CE p. 59). Voir, pour l’arrêt de principe en matière de recevabilité d’un appel : CE Sect. 9 janvier 1959 Harenne, req. n° 41383, rec. CE p. 23.
3. Article R. 832-1 CJA : « Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision ».
4. Qui ont été remplacées par les actuelles CDAC (commissions départementales d’aménagement commercial) depuis le 24 novembre 2008.
5. Date de l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie dite « LME ».
6. Date de l’entrée en vigueur du Décret n° 2011-921 du 1er août 2011 modifiant le code de justice administrative (partie réglementaire) – JORF n°0178 du 3 août 2011 page 13237.
7. Décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative – JORF n°0189 du 15 août 2013 page 13960.
8. CE 28 juin 2013 SAS Coutis, req. n° 355812 : à publier au Rec. CE.

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