Notation du critère du prix : « donner la meilleure note au moins-disant toujours tu devras »

Catégorie

Contrats publics

Date

November 2013

Temps de lecture

3 minutes

CE 29 octobre 2013 Val d’Oise Habitat, req. n° 370789

Aux termes de l’article 53 du code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur doit attribuer au candidat ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse au regard des divers critères de sélection prédéfinis. Pour procéder au classement des offres, la personne publique utilise des méthodes de notation diverses et variées en application desquelles les soumissionnaires se voient octroyer des notes reflétant la pertinence de leur offre.

S’agissant du critère du prix, le candidat le moins-disant s’attend, légitimement, à obtenir la note maximale. Or ces méthodes de notation, qui demeurent exemptes de publicité 1) CE 25 mars 2013 société Cophignon et OPH des Ardennes, req. n° 364951 – CE 11 mars 2013 assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, req. n° 364551 – CE 2 août 2011 syndicat mixte de la vallée de l’Orge aval,
req. n° 348711 – CE 23 mai 2011 commune d’Ajaccio, req. n° 339406 – CE 21 mai 2010 commune d’Ajaccio, req. n° 333737 – CE 31 mars 2010 collectivité territoriale de Corse, req. n° 334279.
, peuvent parfois aboutir à un résultat contraire, ce qui n’est pas sans soulever quelques interrogations.

Le Conseil d’Etat vient, en la matière, de confirmer l’annulation par le juge des référés précontractuels de la procédure de passation d’un lot en censurant spécifiquement la méthode de notation du prix choisie.

L’office public d’habitat Val d’Oise Habitat avait engagé, en tant qu’entité adjudicatrice, une procédure adaptée de passation d’un marché de travaux divisé en deux lots. En l’espèce, la notation du critère du prix avait eu pour effet d’attribuer la note la plus faible au candidat ayant présenté le prix le plus éloigné du coût estimé de la prestation (que ce prix soit inférieur ou supérieur à l’estimation), « et, ainsi, avait eu pour conséquence d’attribuer la note maximale à la société déclarée attributaire du marché, alors même que sa proposition de prix était supérieure [à celle notamment de la requérante] ».

A la suite du recours de l’un des candidats évincés, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait, par ordonnance, annulé la procédure de passation de l’un des deux lots du marché.

Saisi par la personne publique, le Conseil d’Etat valide, par une décision du 29 octobre 2013, l’approche retenue par le juge des référés :

« 4. Considérant que la méthode de notation du critère du prix doit permettre d’attribuer la meilleure note au candidat ayant proposé le prix le plus bas 2) Souligné par nous. (…)

« 6. Considérant, enfin, que le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en énonçant que le manquement relevé avait affecté substantiellement la notation des offres au regard du critère du prix, et que ce manquement avait été susceptible de léser la société ESTB, nonobstant le fait que son offre ait été classée troisième, jugeant implicitement mais nécessairement que le manquement constaté était susceptible de modifier l’ensemble du classement des offres ; »

La Haute juridiction s’attache à contrôler l’ingénierie en matière de conception de formule de notation dont l’application est susceptible de heurter trop frontalement les principes fondamentaux de la commande publique 3) Cf sur ces points : CE 11 mars 2013 assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, req. n° 364551 – CE 17 juillet 2013 département de la Guadeloupe, req. n° 366864., ce qu’un arrêt de la CAA de Nantes avait déjà fait quelques jours auparavant 4) CAA Nantes 19 septembre 2013 commune de Belleville-sur-Loire, req. n° 12NT01553 (commenté sur le présent Blog)..

Le Conseil d’Etat sanctionne ainsi l’effet, selon lui, « pervers » d’une formule de notation du prix qui, pourtant, pouvait reposer sur une certaine logique : celle a priori de s’assurer de la cohérence du prix par rapport aux prestations demandées.

Mais pour la Haute juridiction, la notation du prix doit, par principe, aboutir à ce que le prix « le plus bas » obtienne la meilleure note, les questions de cohérence devant être abordées au titre d’autres mécanismes de contrôle (comme celui de l’offre anormalement basse par exemple 5) Sur ce point et répondant semble-t-il à un moyen de l’office public tendant à « disqualifier » la société requérante, le Conseil d’Etat répond : « 5. Considérant, en deuxième lieu, que le juge des référés, en relevant que, compte tenu du prix global et des prix unitaires ainsi que des volumes des prestations proposés par la société ESTB, son offre ne pouvait, sans erreur manifeste d’appréciation, être regardée comme anormalement basse et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine qui, dès lors qu’elle est exempte de dénaturation, ne saurait être discutée devant le juge de cassation ».).

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References   [ + ]

1. CE 25 mars 2013 société Cophignon et OPH des Ardennes, req. n° 364951 – CE 11 mars 2013 assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, req. n° 364551 – CE 2 août 2011 syndicat mixte de la vallée de l’Orge aval,
req. n° 348711 – CE 23 mai 2011 commune d’Ajaccio, req. n° 339406 – CE 21 mai 2010 commune d’Ajaccio, req. n° 333737 – CE 31 mars 2010 collectivité territoriale de Corse, req. n° 334279.
2. Souligné par nous.
3. Cf sur ces points : CE 11 mars 2013 assemblée des chambres françaises de commerce et d’industrie, req. n° 364551 – CE 17 juillet 2013 département de la Guadeloupe, req. n° 366864.
4. CAA Nantes 19 septembre 2013 commune de Belleville-sur-Loire, req. n° 12NT01553 (commenté sur le présent Blog).
5. Sur ce point et répondant semble-t-il à un moyen de l’office public tendant à « disqualifier » la société requérante, le Conseil d’Etat répond : « 5. Considérant, en deuxième lieu, que le juge des référés, en relevant que, compte tenu du prix global et des prix unitaires ainsi que des volumes des prestations proposés par la société ESTB, son offre ne pouvait, sans erreur manifeste d’appréciation, être regardée comme anormalement basse et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché, a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine qui, dès lors qu’elle est exempte de dénaturation, ne saurait être discutée devant le juge de cassation ».

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