Un examen des projets d’aménagement cinématographique au regard des seuls objectifs et critères résultant des articles L. 212-6 et L. 212-9 du code du cinéma et de l’image animée

Catégorie

Aménagement commercial

Date

October 2014

Temps de lecture

4 minutes

Le Conseil d’Etat réaffirme, dans la décision commentée (CE 15 octobre 2014 Société Royal Cinéma, req. n° 363457 et 363458), que la densité d’équipements cinématographiques dans la zone d’attraction d’un projet ne constitue plus l’un des critères d’appréciation au regard desquels les commissions d’aménagement cinématographiques apprécient la conformité d’un projet aux objectifs et principes fixés par la loi. Ainsi, deux projets concurrents peuvent être autorisés dans une même zone dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que l’un et l’autre sont conformes aux exigences de diversité de l’offre cinématographique, d’aménagement culturel du territoire, de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme.

Par deux décisions du 12 décembre 2012 1) Recours n° 192 et 193 présentés par la société Royal Cinéma, préalables aux requêtes n° 363458 et 363457., la commission nationale d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique (ci-après CNACi), saisie de deux projets concurrents, a, d’une part, refusé de délivrer l’autorisation sollicitée par la société Royal Cinéma pour la création d’un multiplexe de 9 salles (1 298 places) à Mont-de-Marsan et, d’autre part, autorisé la création d’un cinéma de 8 salles (1 350 places) portée par la société Altae dans la même ville.

Ces deux décisions ont été contestées par la société Royal Cinéma devant le Conseil d’Etat 2) Enregistrées le 12 juillet 2012, ces requêtes sont antérieures au décret n° 2013-730 du 13 août 2013 ayant transféré la compétence en matière d’aménagement commercial et cinématographique aux cours administratives d’appel.. La requérante demandait à la Haute juridiction d’annuler ces décisions, mais également d’enjoindre à la CNACi de réexaminer la demande d’autorisation présentée par elle pour la création du cinéma « Le Royal ».

Le Conseil d’Etat, examinant successivement les deux projets, a estimé que la commission nationale avait à juste titre autorisé le projet de la société Altae, mais qu’en revanche, elle avait commis une erreur d’appréciation en refusant l’autorisation sollicitée par la société Royal Cinéma.

Dans la décision commentée, il rappelle que, depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, les projets de création d’établissement de spectacles cinématographiques « doivent répondre aux exigences de diversité de l’offre cinématographique, d’aménagement culturel du territoire, de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme», en application des dispositions de l’article L. 212-6 du code du cinéma.

Il précise dans un considérant de principe que les commissions d’aménagement cinématographique doivent « apprécier la conformité d’un projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d’évaluation et indicateurs mentionnés (…) à l’article L. 212-9 [du même code], parmi lesquels ne figure plus la densité d’équipements en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d’attraction du projet ».

Autrement dit, les seuls critères que doivent prendre les commissions sont les suivants :

« 1- L’effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d’influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants:
a) Le projet de programmation envisagé pour l’établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d’autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20;
b) La nature et la diversité culturelle de l’offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique;
c) La situation de l’accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants;
2- L’effet du projet sur l’aménagement culturel du territoire, la protection de l’environnement et la qualité de l’urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants:
a) L’implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d’influence cinématographique et la qualité de leurs équipements;
b) La préservation d’une animation culturelle et le respect de l’équilibre des agglomérations;
c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement;
d) L’insertion du projet dans son environnement;
e) La localisation du projet
».

En l’espèce, la Haute juridiction a considéré que le projet présenté par la société Altae, participait bien à l’objectif de diversité de l’offre cinématographique en proposant « aux spectateurs une offre cinématographique plus large et mieux adaptée aux exigences de confort et de qualité que l’établissement existant, déjà ancien ». Elle a par ailleurs estimé que la qualité environnementale du projet et son insertion dans son environnement étaient suffisantes pour satisfaire les exigences en matière d’aménagement culturel du territoire, de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme.

En revanche, elle a censuré l’appréciation portée par la CNACi sur le projet de la société Royal Cinéma.

En effet, le Conseil d’Etat énonce que la création concomitante des deux multiplexes litigieux, augmentant de trois le total d’écrans dans l’agglomération, n’aura pas nécessairement pour effet d’entraîner « des tensions dans l’accès aux films », contrairement à ce qu’a relevé la commission.

La commission devait donc examiner si, en l’espèce, l’ouverture du nouvel établissement destiné à remplacer l’ancien cinéma « Le Royal » portait atteinte à l’accès aux œuvres ou à tout autre critère permettant d’évaluer l’effet du projet en matière de diversité cinématographique, compte tenu de l’offre existante et de la création d’un second projet.

Dans ces conditions, et alors qu’aucune pièce du dossier ne permettait d’établir que le projet « n’aurait pas été de nature à augmenter l’offre cinématographique en termes de sièges, d’œuvres diffusées et d’accès du public à ces dernières », il ne pouvait être regardé comme promettant l’objectif de diversité de l’offre cinématographique.

De même, analysant les pièces du dossier au regard des critères et indicateurs relatifs à l’aménagement culturel, la protection de l’environnement et la qualité de l’urbanisme, le Conseil d’Etat a considéré que, contrairement à ce qu’avait estimé la CNACi, le projet satisfaisait bien les exigences précitées.

Le projet de la société Royal Cinéma ne compromettant aucun des objectifs fixés par la loi, c’est donc par une inexacte application des dispositions précitées que la CNACi a refusé de délivrer l’autorisation sollicitée.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a annulé la décision de refus et enjoint à la commission de réexaminer la demande.

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1. Recours n° 192 et 193 présentés par la société Royal Cinéma, préalables aux requêtes n° 363458 et 363457.
2. Enregistrées le 12 juillet 2012, ces requêtes sont antérieures au décret n° 2013-730 du 13 août 2013 ayant transféré la compétence en matière d’aménagement commercial et cinématographique aux cours administratives d’appel.

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