Délégation de signature pour toutes les décisions relevant du code de l’urbanisme vaut délégation pour délivrer les autorisations ERP, lorsque le permis de construire tient lieu d’une telle autorisation

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 27 mars 2015 le centre hospitalier Pierre Oudot, req. n° 367896

Par une décision du 27 mars 2015, le Conseil d’Etat a expressément jugé que :

    « Considérant qu’une délégation du maire habilitant l’un de ses adjoints à signer toutes les décisions relevant du code de l’urbanisme doit être regardée comme habilitant son titulaire à signer les arrêtés accordant un permis de construire, y compris lorsque le permis tient lieu de l’autorisation prévue par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation pour l’exécution des travaux conduisant à la création, l’aménagement ou la modification d’un établissement recevant du public ; que le permis de construire ne peut toutefois être octroyé qu’avec l’accord de l’autorité compétente pour délivrer cette autorisation ».

En jugeant qu’une double délégation de signature n’était pas nécessaire pour délivrer un permis de construire tenant lieu d’autorisation au titre de la réglementation applicable aux établissements recevant du public (ERP) 1) En effet, il convient de rappeler que selon l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, lorsque les travaux de création ou de modification d’un ERPnécessitent un permis de construire, ce dernier tient lieu d’autorisation au titre de la règlementation des ERP., la juridiction suprême revient sur l’analyse réalisée par la cour administrative d’appel dans cette affaire, selon laquelle :

    « Considérant que, par un arrêté du 25 mars 2008, le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a habilité M.B…, 5ème adjoint, à prendre ” Toutes décisions relevant du code de l’urbanisme et de la compétence propre du maire ” ; que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier Pierre Oudot, en l’absence de toute disposition expresse, cet arrêté ne pouvait habiliter M. B…à délivrer l’autorisation prévue par les dispositions précitées de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation en matière d’établissements recevant du public, quand bien même la délivrance du permis de construire, pour laquelle l’intéressé avait reçu une délégation régulière de compétence, tenait lieu de cette autorisation ; que, dès lors, c’est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a estimé que, l’adjoint au maire qui a signé l’arrêté attaqué ne disposait d’aucune compétence en matière d’établissements recevant du public et, qu’en conséquence, cet arrêté est entaché d’illégalité » 2) CAA Lyon 19 février 2013 Centre hospitalier Pierre Oudot, req. n° 12LY01704.

Ainsi, la décision de la cour administrative d’appel s’inscrivait dans la droite ligne de la jurisprudence selon laquelle un préposé ne peut régulièrement signer une décision administrative en lieu et place de l’autorité compétente uniquement s’il dispose d’un acte décidant de lui déléguer précisément le pouvoir de signer cette décision 3) CE 2 décembre 1959 Société Bordeaux Mond Export : Publié au Rec. CE, p. 641 – CE 28 juin 1961 Mlle Laurivain : Publié au Rec. CE, p. 438 – CE 16 novembre 1998 M. et Mme Fouka, req. n° 154793 : Mentionné aux Tables du Rec. CE sur ce point .

Cette position demeurait compréhensible, dans la mesure où la compétence pour délivrer un permis de construire est en principe indépendante de celle existante pour délivrer les autorisations de création ou de modification d’un ERP. Cette indépendance est d’ailleurs d’autant plus avérée, dès lors que, comme en l’espèce, le permis de construire est délivré au nom de commune alors que l’accord en matière ERP est délivré au nom de l’Etat (ainsi que cela résulte expressément de l’article R. 111-19-13 code de la construction et de l’habitation).

Néanmoins telle n’a pas été la position du Conseil d’Etat.

En effet, la juridiction suprême a estimé que dès lors qu’une délégation de signature a été réalisée pour « toutes les décisions relevant du code de l’urbanisme », alors cette dernière vaut pour les autorisations ERP délivrées dans le cadre d’un permis de construire.

Dans ce cas, le préposé n’aurait pas à justifier de l’existence d’une double délégation.

Bien que les conclusions du rapporteur public n’aient pas encore été publiées, il est possible de supposer que le juge administratif a ici considéré que, dans la mesure où le préposé disposait d’une délégation de signature pour « toutes les décisions relevant du code de l’urbanisme », et que l’article L. 425-3 du même code prévoit la possibilité de délivrer des permis de construire tenant lieu d’autorisation ERP, alors la compétence de ce dernier pour délivrer des permis de construire tenant lieu d’ERP ne faisait pas de doute.

Ainsi, comme le suggérait le rapporteur public dans ses conclusions devant la cour administrative d’appel relatives à cette affaire, l’analyse serait la suivante :

    « (…) s’il est possible de considérer que dans cette hypothèse particulière, le permis de construire se prononce dans deux domaines distincts et comporte donc théoriquement, deux décisions prises dans un seul et même acte, le fait que l’autorisation d’urbanisme, dans ce cas de figure, tienne lieu (…) de l’autorisation nécessaire en matière d’ERP, signifie à notre sens que la décision d’urbanisme – dans ce cas de figure- appelle automatiquement et concomitamment la décision en matière d’ERP et qu’en conséquence la compétence d’urbanisme n’a pas besoin d’être formellement doublée d’une compétence en matière d’ERP lorsque l’autorisation d’urbanisme est signée par un délégataire » 4) Conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public à la CAA de Lyon sur la décision CAA Lyon 19 février 2013 Centre hospitalier Pierre Oudot, req. n° 12LY01704..

Cette position, aujourd’hui consacrée par le Conseil d’Etat, avait déjà été adoptée par d’autres juridictions 5) TA Paris 29 décembre 2014 Syndicat des copropriétaires du 136/137 rue de Belleville et autres, req. n° 1212100/7-3..

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1. En effet, il convient de rappeler que selon l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, lorsque les travaux de création ou de modification d’un ERPnécessitent un permis de construire, ce dernier tient lieu d’autorisation au titre de la règlementation des ERP.
2. CAA Lyon 19 février 2013 Centre hospitalier Pierre Oudot, req. n° 12LY01704
3. CE 2 décembre 1959 Société Bordeaux Mond Export : Publié au Rec. CE, p. 641 – CE 28 juin 1961 Mlle Laurivain : Publié au Rec. CE, p. 438 – CE 16 novembre 1998 M. et Mme Fouka, req. n° 154793 : Mentionné aux Tables du Rec. CE sur ce point
4. Conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public à la CAA de Lyon sur la décision CAA Lyon 19 février 2013 Centre hospitalier Pierre Oudot, req. n° 12LY01704.
5. TA Paris 29 décembre 2014 Syndicat des copropriétaires du 136/137 rue de Belleville et autres, req. n° 1212100/7-3.

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