Un contrat de concession ne peut être cédé à un tiers qu’avec l’accord de l’autorité concédante

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2016

Temps de lecture

3 minutes

CAA Marseille 14 mars 2016 Commune de Grasse, req. n° 14MA01872

En l’espèce, par une loi du 4 août 1885, l’Etat a concédé à la commune de Grasse la construction et l’exploitation d’un ouvrage d’adduction et distribution d’eau dénommé « canal du Foulon ». Cet ouvrage alimente en eau potable tant la population de Grasse que celle de huit autres communes des Alpes Maritimes.

Par une délibération du 29 septembre 2011, le conseil municipal de la commune de Grasse a décidé, sans l’accord préalable de l’Etat concédant, de lancer une procédure de délégation de service public en vue de confier à un tiers l’exploitation du service et des installations et ouvrages concédés du canal du Foulon.

Saisi par la commune de Valbonne, à qui la commune de Grasse fournit l’eau du canal du Foulon, le tribunal administratif de Nice a annulé la délibération en raison du défaut d’autorisation de la cession, ce qui a conduit la commune de Grasse à interjeter appel devant la cour administrative d’appel de Marseille.

La cour confirme la décision du tribunal, en rappelant un principe établi 1) CE 3 mai 1999 SARL Maison Dulac, req. n° 155825 et 160390 : mentionné aux tables du Rec. CE :

    « Considérant que l’exécution de tout ou partie d’un service concédé ne peut être cédée ou transférée par le concessionnaire à un tiers qu’avec l’accord de l’autorité concédante ; que cette règle générale s’applique même en l’absence de stipulation en ce sens dans le contrat de concession ».

La cour n’inscrit pas sa décision dans le nouveau cadre juridique de la modification des contrats de concession 2) Issu de l’article 55 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et de l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concessions : ce nouveau cadre juridique s’applique aux contrats en cours 3) Article 78 de l’ordonnance n° 2016-65 relative aux contrats de concession , mais il n’est entré en vigueur que le 1er avril 2016, soit après que la cour ait rendu sa décision.

Rappelons ici que ce nouveau cadre juridique prévoit que la modification de la personne du concessionnaire en cours de contrat constitue par principe une modification substantielle prohibée du contrat, excepté si elle est expressément prévue par le contrat par des clauses de réexamen ou d’options claires, précises et sans équivoque, ou si ladite cession est consécutive d’opérations de restructuration du concessionnaire initial.
Ce nouvel encadrement renverse le principe issu de l’avis du Conseil d’Etat du 8 juin 2000 sur la cession des contrats administratifs 4) CE avis n° 364803 du 8 juin 2000 relatif à la cession des contrats administratifs , qui autorisait celle-ci par principe, en considérant que la modification de la personne du concessionnaire ne s’accompagnant d’aucun autre changement aux conditions d’exécution du contrat n’affectait pas de manière substantielle un élément essentiel du contrat.

Ce nouveau cadre juridique n’exige pas expressément l’accord préalable de l’autorité concédante pour effectuer une cession de contrat. Toutefois, l’article 36 du décret prévoit qu’en cas de cession consécutive à une opération de restructuration, l’autorité concédante doit vérifier que les capacités économiques, financières, techniques et professionnelles du nouveau titulaire correspondent aux exigences qu’elle avait initialement fixées pour l’attribution du contrat, ce qui supposera qu’elle autorise préalablement la cession sollicitée. Cette condition ne semble toutefois pas posée pour les cessions résultant de l’application de clauses du contrat, alors que la doctrine tend à considérer que de telles clauses peuvent ne pas identifier nommément le futur cessionnaire.

La jurisprudence devra probablement réaffirmer dans ce nouveau cadre juridique les conditions d’un accord préalable de l’autorité concédante sur les cessions ne constituant pas des modifications prohibées. Il serait souhaitable que la solution précédente soit maintenue : l’accord préalable de l’autorité concédante est indispensable, mais il ne peut néanmoins être refusé que pour des motifs légitimes, notamment tenant aux garanties financières et professionnelles présentées par le cessionnaire.

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References   [ + ]

1. CE 3 mai 1999 SARL Maison Dulac, req. n° 155825 et 160390 : mentionné aux tables du Rec. CE
2. Issu de l’article 55 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et de l’article 36 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concessions
3. Article 78 de l’ordonnance n° 2016-65 relative aux contrats de concession
4. CE avis n° 364803 du 8 juin 2000 relatif à la cession des contrats administratifs

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