Refus de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité à l’encontre de la procédure de contravention de grande voirie dès lors que les collectivités territoriales peuvent saisir elles-mêmes le juge administratif pour faire cesser une atteinte à une dépendance du domaine public

Catégorie

Domanialité publique

Date

September 2016

Temps de lecture

3 minutes

CE 19 septembre 2016 Société Cassis Cap, req. n° 401016 Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée à l’encontre de la procédure de contravention de grande voirie, permettant au seul préfet de saisir le tribunal administratif en vue de la condamnation du contrevenant. Le préfet des Bouches-du-Rhône avait saisi le tribunal administratif de Marseille en vue de la condamnation solidaire de la société Cassis Cap et de son gérant, au paiement d’une amende pour contravention de grande voirie, et à la remise en état du domaine public maritime par la suppression d’installations implantées sur l’emprise du port départemental de Cassis. Les défendeurs ont soulevé une QPC concernant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, des 1er, 3ème, 4ème et 5ème alinéas de l’article L. 774-2 du code de justice administrative, donnant pouvoir au préfet pour poursuivre les auteurs de contraventions de grande voirie devant les juridictions administratives, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-991 du 7 août 2015. Ils faisaient valoir que la règle selon laquelle le représentant de l’Etat dans le département est le seul à avoir compétence pour déférer une contravention de grande voirie au tribunal administratif porterait atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Cette atteinte résulterait d’une part, du fait que le préfet peut intervenir, sans justification, dans la gestion de leur domaine public par les collectivités territoriales ; et d’autre part, du fait que les collectivités territoriales seraient en conséquence privées d’attributions effectives pour la gestion et la conservation de leur domaine. Ils soutenaient également le moyen selon lequel ce dispositif constituerait une atteinte au droit de propriété des collectivités territoriales, ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif. Le tribunal administratif de Marseille, par une ordonnance du 24 juin 2016, a décidé, en application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067, de transmettre au Conseil d’Etat la QPC soulevée afin qu’il se prononce sur son renvoi au Conseil constitutionnel. L’article 23-4 de la même ordonnance prévoit que le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi au Conseil constitutionnel au vu de trois conditions : la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; la disposition n’a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux 1) Article 23-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.. Les deux premières conditions étant remplies, le Conseil d’Etat a en revanche considéré que la question ne présente pas un caractère sérieux :

    « 6. Il résulte également d’une jurisprudence constante que la mise en œuvre d’une procédure pour contravention de grande voirie ne fait pas obstacle à ce que l’autorité propriétaire ou gestionnaire d’une dépendance du domaine public saisisse le juge administratif en vue de faire cesser les atteintes qui peuvent y être portées. Si, dans le cadre de la procédure pour contravention de grande voirie, une amende peut en sus être infligée au contrevenant, en ce qui concerne la réparation des atteintes portées au domaine public, le juge administratif dispose des mêmes pouvoirs, lui permettant d’ordonner l’évacuation d’une dépendance du domaine public irrégulièrement occupée et, le cas échéant, la remise en état des lieux, qu’il soit saisi selon l’une ou l’autre de ces procédures. En outre, la mise ne œuvre d’une procédure pour contravention de grande voirie n’interdit pas à l’autorité domaniale de saisir le juge administratif des référés et ne prive pas celui-ci de pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, qui lui permettent de prononcer toute mesure utile et justifiée par l’urgence sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative. 7. Indépendamment de la procédure pour contravention de grande voirie, que le représentant de l’Etat dans le département est tenu de mettre en œuvre dans les conditions rappelées au point 5, et qui ne concerne d’ailleurs que les dépendances du domaine public pour lesquelles la loi a prévu son application, les collectivités territoriales sont donc en mesure de saisir le juge administratif, y compris s’il y a lieu selon une procédure d’urgence, afin que soit assurée la préservation du domaine public dont elles peuvent être propriétaires ou gestionnaires. Dès lors, la circonstance que, dans le cadre de la procédure pour contravention de grande voirie, la saisine du juge administratif soit réservée au représentant de l’Etat, qui, en vertu de l’article 72 de la Constitution, est notamment en charge, dans les collectivités territoriales de la République, du respect des lois, ne porte pas atteinte à la libre administration des collectivités territoriales garantie par cet article, ni à leur droit à un recours juridictionnel effectif. Le moyen tiré de ce qu’en raison de la privation de ce dernier droit, il serait porté atteinte à leur droit de propriété ne présente par suite pas non plus un caractère sérieux. ».

Le Conseil d’Etat a donc conclu qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

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References   [ + ]

1. Article 23-4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

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