Incidences sur un marché de vices ayant affecté l’égalité de traitement des candidats

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2016

Temps de lecture

4 minutes

CAA Bordeaux 8 novembre 2016 société Guyanet, req. n° 15BX00313 La société Guyanet, candidate évincée d’un marché public passé par le préfet de la Guyane, a saisi le tribunal administratif de Guyane d’un recours de pleine juridiction visant à l’annulation de ce marché. Le tribunal n’a pas fait droit à la demande de la société Guyanet ce qui a conduit cette dernière à interjeter appel devant la cour administrative d’appel de Bordeaux. Le contrat litigieux a été signé avant le 4 avril 2014, date de lecture et d’application de la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » 1) CE ass. 4 avril 2014 Département Tarn et Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE : la requérante est donc encore recevable à invoquer tout moyen à l’encontre du contrat même sans lien direct avec son intérêt lésé de candidate évincée 2) CE Sect. 5 février 2016 Syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport, req. n° 383149 : publié au Rec. CE (voir adden-leblog.com). Si le juge identifie plusieurs vices entachant la régularité du contrat, leurs conséquences sur le contrat sont plus que relatives. 1 Tout d’abord, le juge rejette le moyen tiré de l’absence de notation distincte des deux variantes proposées, qu’il estime non établi, chacune des options ayant obtenu des notes différentes. Au demeurant, quelle que soit l’offre retenue, le classement des sociétés n’aurait pas été modifié. On peut noter que le juge bordelais a très récemment considéré que le pouvoir adjudicateur pouvait soit classer l’ensemble des offres, soit noter de manière distincte les offres de base et les offres variantes avant de comparer entre elles les premières offres de ces deux classements 3) CAA Bordeaux 1er mars 2016 Société Travaux publics contrôle des réseaux et bâtiments, req. n° 14BX03211. Cette approche aurait permis d’écarter plus directement ce moyen. 2 Ensuite, le juge retient deux moyens. D’une part, un moyen tiré du défaut de transmission aux candidats de la liste des salariés à reprendre dans le cadre de l’exécution du nouveau marché. De jurisprudence constante, les informations relatives à la masse salariale du personnel à reprendre constituent un élément essentiel du contrat 4) CAA Marseille 2 février 2015 Société Autocars Rignon et fils, req. n° 13MA02215 – CE 1er mars 2012 Département de Corse du Sud, req. n° 354159 : publié au Rec. CE dont le défaut de communication dans les documents de consultation porte atteinte à l’égalité de traitement des candidats, et est susceptible d’entrainer la résiliation 5) Pour une résiliation d’une convention de délégation de service public notamment pour ce motif voir : CAA Lyon 27 juin 2013 société Casino de Montrond-les-Bains, req. n° 13LY00722 du marché. D’autre part, la cour juge que le critère de l’« adéquation de l’offre au cahier des charges » que le pouvoir adjudicateur a utilisé dans cette procédure est irrégulier pour deux raisons :

    ► d’une part, l’énoncé de ce critère de conformité est trop général et le règlement de la consultation ne permet pas de comprendre les modalités de sa mise en œuvre ; ► d’autre part, la satisfaction de ce critère est d’ores et déjà assurée par l’obligation faite au pouvoir adjudicateur d’éliminer les offres irrégulières 6) « Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées » (art. 53 CMP) – Notons à cet égard que désormais l’article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 permet au pouvoir adjudicateur d’autoriser des soumissionnaires ayant présenté une offre irrégulière à régulariser leur offre à condition qu’elle ne soit pas anormalement basse., soit les offres « incomplètes ou qui ne respectent pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation » 7) Art. 33 CMP .

3 Toutefois, ces deux irrégularités ne vont finalement pas avoir d’incidences notables sur le contrat. Rappelons qu’« il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences ; qu’il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat » 8) CE Ass. 16 juillet 2007 Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545 : publié au Rec. CE. Cette grille d’analyse des conséquences de l’existence de vices sur la validité d’un contrat a été reprise pour l’essentiel par le Conseil d’Etat dans la décision Tarn et Garonne du 4 avril 2014 (précitée). Simplement, le Conseil d’Etat encadre plus strictement les conditions d’annulation du contrat en précisant qu’une telle mesure ne peut être prononcée que « si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office ».. La cour exclut l’annulation dans la mesure où elle estime que les manquements n’ont pas été commis délibérément ni ne révèlent une collusion entre l’entreprise attributaire et le pouvoir adjudicateur : aucune volonté de favoriser sciemment un candidat ne peut être identifiée. Partant, les manquements relevés ne sont pas d’une gravité telle qu’ils supposent la disparition rétroactive du contrat. Si la résiliation du marché aurait dû être prononcée, le juge constate que le contrat est entièrement exécuté et de ce fait, les conclusions aux fins de résiliation se trouvent privées d’objet.

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1. CE ass. 4 avril 2014 Département Tarn et Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE
2. CE Sect. 5 février 2016 Syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport, req. n° 383149 : publié au Rec. CE (voir adden-leblog.com
3. CAA Bordeaux 1er mars 2016 Société Travaux publics contrôle des réseaux et bâtiments, req. n° 14BX03211
4. CAA Marseille 2 février 2015 Société Autocars Rignon et fils, req. n° 13MA02215 – CE 1er mars 2012 Département de Corse du Sud, req. n° 354159 : publié au Rec. CE
5. Pour une résiliation d’une convention de délégation de service public notamment pour ce motif voir : CAA Lyon 27 juin 2013 société Casino de Montrond-les-Bains, req. n° 13LY00722
6. « Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées » (art. 53 CMP) – Notons à cet égard que désormais l’article 59 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 permet au pouvoir adjudicateur d’autoriser des soumissionnaires ayant présenté une offre irrégulière à régulariser leur offre à condition qu’elle ne soit pas anormalement basse.
7. Art. 33 CMP
8. CE Ass. 16 juillet 2007 Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545 : publié au Rec. CE. Cette grille d’analyse des conséquences de l’existence de vices sur la validité d’un contrat a été reprise pour l’essentiel par le Conseil d’Etat dans la décision Tarn et Garonne du 4 avril 2014 (précitée). Simplement, le Conseil d’Etat encadre plus strictement les conditions d’annulation du contrat en précisant qu’une telle mesure ne peut être prononcée que « si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office ».

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