Reprise des relations contractuelles et référé-suspension

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2016

Temps de lecture

4 minutes

CE 16 novembre 2016 commune d’Erstein, req. n° 401321

Par une convention de délégation de service public signée le 23 septembre 2013, la commune d’Erstein a confié à la société Opale Dmcc l’exploitation du camping municipal « Wagelrott », service exploité jusqu’alors en régie par la commune. Par une délibération du 2 mai 2016, le conseil municipal de la commune a décidé de résilier pour faute cette convention avec effet au 15 juin 2016.

C’est cette délibération que la société Opale Dmcc a attaquée devant le tribunal administratif de Strasbourg sur le fondement d’un recours dit « Béziers II » tendant à la reprise des relations contractuelles 1) CE Sect. 21 mars 2011 Commune de Béziers, req. n° 304806 : Publié au Rec. CE – commenté sur ce blog., assorti d’un référé-suspension.

Sur le référé-suspension, le juge des référés a ainsi fait droit à la demande tendant à la suspension de l’exécution de la délibération ayant décidé de la résiliation et a ordonné à la commune la reprise des relations contractuelles avec la société à titre provisoire.

1 Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle les conditions d’appréciation de la situation d’urgence dans le cadre d’un référé tendant à la suspension d’une mesure de résiliation :

    « Considérant qu’il incombe au juge des référés saisi, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à la suspension d’une mesure de résiliation, après avoir vérifié que l’exécution du contrat n’est pas devenue sans objet, de prendre en compte, pour apprécier la condition d’urgence, d’une part, les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l’exercice même de son activité, d’autre part, l’intérêt général ou l’intérêt de tiers, notamment du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s’attacher à l’exécution immédiate de la mesure de résiliation » 2) CE 17 juin 2015 association Société Protectrice des Animaux (SPA) d’Aix en Provence, req. n° 388433..

En l’espèce, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a « seulement » pris en compte la perte des revenus tirés du contrat résilié pour caractériser la condition d’urgence, sans tenir compte en intégralité de sa situation financière, et notamment des autres sources de revenus dont la société disposait :

    « en se limitant à la prise en compte de ce seul élément pour caractériser l’atteinte grave et immédiate portée à ses intérêts par la résiliation de la convention, sans le rapporter aux autres données permettant d’évaluer sa situation financière et la menace pesant sur sa pérennité, notamment à son chiffre d’affaires global, alors d’ailleurs qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu’elle exploitait d’autres campings, il a entaché son ordonnance d’erreur de droit ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune d’Erstein est fondée à en demander l’annulation ».

2 Annulant l’ordonnance et jugeant l’affaire au titre de la procédure de référé engagée par la société Opale Dmcc, la Haute Juridiction rappelle la grille d’appréciation des vices entachant la mesure d’appréciation qui doit permettre d’analyser s’ils doivent conduire à la suspendre, et non pas à seulement indemniser le cocontractant, mais aussi d’évaluer si une mesure de reprise provisoire des relations contractuelles n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits du titulaire d’un nouveau contrat :

    « Considérant, d’une part, qu’indépendamment de la condition d’urgence, il incombe au juge des référés, pour déterminer si un moyen est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la validité de la mesure de résiliation litigieuse, d’apprécier si, en l’état de l’instruction, les vices invoqués paraissent d’une gravité suffisante pour conduire à la reprise à titre provisoire des relations contractuelles et non à la seule indemnisation du préjudice résultant, pour le requérant, de la résiliation ; que, d’autre part, pour déterminer s’il y a lieu de faire droit à la demande de reprise à titre provisoire des relations contractuelles, il incombe au juge d’apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu’aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation; que si tel est le cas, il doit, quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est, le cas échéant, entachée, rejeter les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles ».

En l’espèce, la commune avançait plusieurs motifs justifiant la résiliation pour faute : le défaut de réalisation des investissements prévus par le contrat, l’absence de collecte par le délégataire de la taxe de séjour et le refus de pratiquer les tarifs arrêtés par la commune, les plaintes des usagers sur les conditions d’accueil et le comportement du gérant, et enfin les défaillances du délégataire en matière de sécurité, d’entretien et de nettoyage du camping.

Le Conseil d’Etat estime que la matérialité des faits reprochés au délégataire n’apparait pas sérieusement contestable en l’état de l’instruction, « compte tenu notamment des attestations d’usagers, corroborées par les services de l’Etat et du département, produites par la commune ».

Partant, il estime que la reprise des relations contractuelles à titre provisoire est susceptible de porter une atteinte excessive à l’intérêt général.

En conséquence, le Conseil d’Etat rejette la demande de la société Opale Dmcc sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune ni sur la qualification d’une situation d’urgence.

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References   [ + ]

1. CE Sect. 21 mars 2011 Commune de Béziers, req. n° 304806 : Publié au Rec. CE – commenté sur ce blog.
2. CE 17 juin 2015 association Société Protectrice des Animaux (SPA) d’Aix en Provence, req. n° 388433.

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