Prolongation de la garantie de parfait achèvement et signalement des désordres

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2017

Temps de lecture

4 minutes

CAA Paris 21 mars 2017 Société Interoute Nouvelle-Calédonie (IRNC), req. n° 15PA03715

La province des îles Loyauté a en 2010 attribué à une société un marché public portant sur la réfection d’une route. Une caution de retenue de garantie a été souscrite par la société, qui a par la suite demandé à la province des îles Loyauté de délivrer la mainlevée de cette caution. Cette demande étant rejetée par la province, la société saisit le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.

Le tribunal annule la décision de rejet et ordonne à la province de prononcer la mainlevée, mais rejette la demande tendant à la condamnation au versement d’une somme au titre du préjudice financier subi par la société. Dans ses écritures, la province soutient notamment que les travaux effectués par une entreprise tierce étaient dus par la société titulaire au titre de la garantie de parfait achèvement. C’est l’occasion pour la cour administrative d’appel de Paris de se pencher sur les hypothèses de prolongation de la garantie de parfait achèvement.

1 La cour annule tout d’abord le jugement pour irrégularité, le tribunal s’étant borné à annuler pour excès de pouvoir la décision de rejet de la province et à prononcer une injonction. Or, le contentieux de la mainlevée de la caution personnelle et solidaire opposant une collectivité publique à son cocontractant est un contentieux de pleine juridiction.

Cet arrêt, dans lequel la cour se prononce par la voie de l’évocation, permet de rappeler certaines particularités du CCAG Travaux applicable en Nouvelle-Calédonie 1) Mais depuis un arrêté du 3 août 2016, les dispositions de l’arrêté portant approbation du CCAG métropolitain sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises aux contrats dont la procédure de passation est lancée à compter du 12 août 2016 (nouvel article 3-1 du CCAG).. Alors que la version métropolitaine prévoit que le délai de garantie est, sauf prolongation, d’un an à compter de la date d’effet de la réception 2) Article 44.1. du CCAG-travaux ; le commentaire de cet article indique que les documents particuliers peuvent définir des garanties particulières s’étendant au-delà du délai de garantie fixé à l’article 44.1., le CCAG néo-calédonien ajoute notamment que les stipulations du marché peuvent prévoir un délai différent 3) Article 43.1. du CCAG-travaux-NC . Pendant ce délai, le titulaire est tenu à une obligation de parfait achèvement, ce qui implique pour l’entrepreneur d’effectuer certaines diligences, et de façon générale de remédier aux désordres signalés dans ce délai afin de rendre l’ouvrage conforme aux prévisions du marché 4) CE 29 septembre 2014 Commune de Nantes, req. n° 370151 : mentionné aux tables du Rec. CE. . En l’espèce, le délai de garantie fixé par le CCAP suit la règle générale.

L’hypothèse de la prolongation du délai se rencontre dans le cas où, à l’expiration du délai de garantie, l’entrepreneur n’a pas procédé à l’exécution des travaux et prestations découlant de l’obligation de parfait achèvement ainsi qu’à l’exécution de travaux du fait de vices de construction 5) Article 44.2. du CCAG-travaux . Le délai de garantie peut alors être prolongé par décision de la personne responsable du marché jusqu’à l’exécution complète des travaux et prestations, que celle-ci soit assurée par l’entrepreneur ou qu’elle soit d’office.

Le cadre de la réception assortie de réserves connait aussi quelques différences selon les CCAG. L’entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l’absence d’un tel délai, trois mois avant l’expiration du délai de garantie indiqué supra. Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l’entrepreneur 6) Article 40.6. du CCAG-travaux-NC, une mise en demeure demeurée infructueuse étant alors indispensable dans le champ du CCAG Travaux métropolitain 7) Article 41.6. du CCAG-travaux.

2 Après avoir cité les dispositions néo-calédoniennes, la CAA rappelle de façon classique le caractère limitatif de l’étendue de la garantie de parfait achèvement. Elle comprend les désordres ayant fait l’objet de réserves dans le procès-verbal de réception ainsi que ceux qui apparaissent et sont signalés dans l’année suivant la date de réception 8) CE 17 mars 2004 Commune de Beaulieu-sur-Loire, req. n° 247367 : mentionné aux tables du Rec. CE..

La CAA précise ce diptyque de façon à tenir compte du fait que le maître de l’ouvrage peut fixer la date de réception des travaux :

    « La garantie de parfait achèvement concerne non seulement la reprise des désordres ou des malfaçons qui ont fait l’objet de réserves lors de la réception des travaux mais aussi de ceux qui apparaissent et sont dûment signalés dans l’année suivant la date à laquelle le maître d’ouvrage a décidé que cette réception des travaux prendrait effet. »

Par suite, la CAA juge que dans ces deux hypothèses la garantie de parfait achèvement peut alors être prolongée jusqu’à l’exécution complète des travaux de reprise :

    « Si l’entrepreneur n’a pas remédié aux désordres ou malfaçons ayant fait l’objet de réserves ou qui lui ont été signalés avant l’expiration de ce délai d’un an, la garantie de parfait achèvement peut être prolongée jusqu’à l’exécution complète des travaux de reprise par l’entrepreneur ou, le cas échéant, aux frais et risques de ce dernier, par une autre entreprise. »

En l’espèce, la période de garantie de parfait achèvement a commencé à courir à compter du 26 mai 2011, date à laquelle a été prononcée la réception du marché avec réserves. Pour la CAA, il ne résulte pas de l’instruction que le maître d’œuvre ou le maître d’ouvrage aurait, après la décision de levée des réserves et avant le jour suivant l’expiration du délai d’un an de la garantie, soit le 27 mai 2012, signalé des malfaçons ou des désordres concernant l’exécution du marché en litige. La société a ainsi été dégagée de ses obligations contractuelles à compter du 27 mai 2012 et avait droit à la mainlevée de la caution bancaire en litige.

La solution retenue est particulièrement stricte, étant donné que la société a été informée que des désordres avaient été constatés dans le délai de la garantie, mais deux jours après son terme. Pour prolonger la garantie de parfait achèvement, le responsable du marché doit ainsi être vigilant et préalablement signaler les désordres avant l’expiration du délai.

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References   [ + ]

1. Mais depuis un arrêté du 3 août 2016, les dispositions de l’arrêté portant approbation du CCAG métropolitain sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises aux contrats dont la procédure de passation est lancée à compter du 12 août 2016 (nouvel article 3-1 du CCAG).
2. Article 44.1. du CCAG-travaux ; le commentaire de cet article indique que les documents particuliers peuvent définir des garanties particulières s’étendant au-delà du délai de garantie fixé à l’article 44.1.
3. Article 43.1. du CCAG-travaux-NC
4. CE 29 septembre 2014 Commune de Nantes, req. n° 370151 : mentionné aux tables du Rec. CE.
5. Article 44.2. du CCAG-travaux
6. Article 40.6. du CCAG-travaux-NC
7. Article 41.6. du CCAG-travaux
8. CE 17 mars 2004 Commune de Beaulieu-sur-Loire, req. n° 247367 : mentionné aux tables du Rec. CE.

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