Précisions sur les éléments dont le juge administratif peut tenir compte pour moduler le montant de pénalités de retard

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2017

Temps de lecture

3 minutes

CE 19 juillet 2017 Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Melun, req. n° 392707 : publié au Rec. CE

Par une décision en date du 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a repris et précisé les limites de l’office du juge administratif saisi de demandes tendant à la modulation du montant des pénalités de retards prononcées en application des stipulations contractuelles d’un marché public.

En l’espèce, le centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Melun a passé un marché de travaux avec la société GBR Ile-de-France pour la construction d’un centre médico-psychologique.

Suite à un retard dans leur exécution, le centre hospitalier à mis à la charge de l’entrepreneur des pénalités que la société GBR a contesté devant le tribunal administratif de Melun, a l’occasion d’un recours contre la décision du centre hospitalier rejetant son mémoire de réclamation. Par une décision du 12 février 2014, le tribunal a fixé le solde du marché à la somme de 308 025,55 EUR à la défaveur de la société tout en réduisant les pénalités de 513 657,76 EUR, soit 61,15% du prix du marché, à 106 708,22 EUR. Saisi par la société GBR, par un arrêt du 15 juin 2015, la cour administrative d’appel de Paris a notamment modulé le montant des pénalités mises à la charge de la société GBR Ile-de-France, les fixant à 210 000 EUR.

Le centre hospitalier a exercé un pourvoi en cassation contre cette décision.

1 En premier lieu, formalisant sa jurisprudence antérieure 1) CE 20 juin 2016 Société Eurovia Haute-Normandie, req. n° 376235 : mentionné aux tables du Rec. CE (sur un autre point). dans un considérant de principe, le Conseil d’Etat juge que les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de « réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur » le non-respect des délais d’exécution et qu’elles sont applicables au seul motif qu’un retard est constaté, même si le pouvoir adjudicateur n’a subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché est supérieur au préjudice subi.

Le Conseil d’Etat coupe donc court à toute possibilité de prendre en compte la réalité du préjudice subi par la personne publique pour moduler le montant des pénalités de retard.

2 En deuxième lieu, la haute juridiction précise les limites du pouvoir du juge administratif saisi de demandes tendant à la modulation des pénalités de retards qu’elle a initialement reconnu dans sa décision « OPHLM de Puteaux » 2) CE 29 décembre 2008 OPHLM de Puteaux, req. n° 296930 : publié au Rec. CE. en considérant qu’il peut, à titre exceptionnel, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché mais également, c’est l’une des précisions de l’arrêt, compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations.

3 En dernier lieu, le Conseil d’Etat tire les conséquences de ces deux principes s’agissant des modalités d’appréciation du caractère manifestement excessif des pénalités de retard par la cour d’appel de Paris.

D’abord, le titulaire du marché ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n’a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu’il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge pour en obtenir la modulation.

Ensuite, il appartient au titulaire du marché de fournir au juge tous les éléments de preuve de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent un caractère manifestement excessif. A ce titre, il évoque deux séries d’éléments susceptibles d’être avancés : d’une part, les pratiques observées pour des marchés comparables et, d’autre part, les caractéristiques particulières du marché en litige.

Ainsi, le seul fait que les pénalités de retard correspondent à une part importante du montant du marché ne suffit pas à emporter leur caractère excessif.

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit en réduisant le montant des pénalités à la charge de la société GBR Ile-de-France sans s’assurer de leur caractère manifestement excessif dans la mesure où elle s’est bornée à estimer que ces pénalités étaient excessives « compte tenu des conditions dans lesquelles s’est déroulée l’exécution du marché » 3) CAA PARIS 15 juin 2015 Société GBR Ile de France, req. n° 14PA01703, sans prendre en compte les caractéristiques du marché et la pratiques observée pour des marchés comparables.

Par conséquent, l’arrêt de la cour administratif d’appel de Paris est annulé en tant qu’il se prononce sur la modulation des pénalités de retard et l’affaire lui est renvoyée dans cette mesure.

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References   [ + ]

1. CE 20 juin 2016 Société Eurovia Haute-Normandie, req. n° 376235 : mentionné aux tables du Rec. CE (sur un autre point).
2. CE 29 décembre 2008 OPHLM de Puteaux, req. n° 296930 : publié au Rec. CE.
3. CAA PARIS 15 juin 2015 Société GBR Ile de France, req. n° 14PA01703

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