La qualité de propriétaire de locaux commerciaux ne confère pas à elle seule un intérêt à agir contre une autorisation d’exploitation commerciale

Catégorie

Aménagement commercial

Date

October 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 21 septembre 2020 Société L’avenir en Europe-Lotissement et autres, req. n° 427941

1       Le contexte du pourvoi

Par une décision du 23 janvier 2013, la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) des Pyrénées-Orientales a autorisé la société du Mas Rous et la société Alinéa à créer un ensemble commercial d’une surface totale de 12 798 m² à Perpignan, composé principalement d’un commerce d’équipement mobilier exploité sous l’enseigne « Alinéa ».

Par une décision du 7 octobre 2016, cette commission a refusé de faire droit à la demande des sociétés L’avenir en Europe-Lotissement, RG Investissements et les Roses tendant au retrait de cette autorisation.

Par une décision du 2 mars 2017, la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) a rejeté le recours formé par les sociétés L’avenir en Europe-Lotissement, RG Investissements et les Roses contre la décision de la CDAC du 7 octobre 2016.

Par un arrêt du 17 décembre 2018 1)Req. n° 17MA01684., la cour administrative d’appel (CAA) de Marseille a rejeté comme irrecevable leur requête tendant à l’annulation de la décision de la CNAC.

Ces sociétés se pourvoient alors en cassation devant le Conseil d’Etat.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a été amené à préciser, dans une décision d’espèce, les conditions dans lesquelles un propriétaire bailleur d’un équipement commercial est considéré comme disposant d’un intérêt à agir contre une autorisation d’exploitation commerciale (AEC).

2      La décision du Conseil d’Etat

Tout d’abord, le Conseil d’Etat rappelle qu’aux termes de l’article L. 752-17 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) 2)L’ancien régime de la loi LME ne prévoyait aucun critère encadrant l’existence d’un intérêt à agir pour les professionnels. Toutefois, l’appréciation portée par le Conseil d’État dans la présente affaire conserve toute sa pertinence. En effet, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « ACTPE », dont est issu le dispositif actuellement en vigueur, ne fait que codifier la jurisprudence applicable aux faits de l’espèce en exigeant des professionnels qu’ils justifient d’un intérêt commercial menacé par le projet (CE 9 mars 2009 Société Givorhone, req. n ° 314562). :

« A l’initiative du préfet, du maire de la commune d’implantation, du président de l’établissement public de coopération intercommunale (…) ou du président du syndicat mixte (…) et de toute personne ayant intérêt à agir, la décision de la commission départementale d’aménagement commercial peut, dans un délai d’un mois, faire l’objet d’un recours devant la Commission nationale d’aménagement commercial (…) ».

Le Conseil d’Etat précise ensuite qu’une personne propriétaire de locaux commerciaux situés dans les limites de la zone de chalandise d’un projet d’équipement commercial n’a intérêt à demander l’annulation de l’autorisation d’exploitation commerciale de ce projet que s’il est susceptible d’affecter son activité de façon suffisamment directe et certaine.

En premier et dernier ressort, la cour administrative d’appel a jugé irrecevable la demande présentée par les sociétés requérantes, au motif que ces dernières ne se prévalaient que de leur qualité de professionnelles de l’immobilier propriétaires de terrains situés à proximité du terrain d’assiette du projet, ayant vocation à être exploités commercialement et donnés à bail ; la société RG Investissement se prévalant en outre de sa qualité de propriétaire de locaux commerciaux situés à proximité immédiate du projet, donnés à bail et exploités sous l’enseigne « Décathlon ».

Le Conseil d’Etat confirme en tout point l’appréciation retenue en l’espèce par les juges d’appel.

Il estime en effet :

  • d’une part, que la cour n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit en jugeant que ni la qualité de propriétaire bailleur de locaux commerciaux, ni la qualité de propriétaires de terrains situés à proximité immédiate du projet ne suffisent, à elles seules, à conférer un intérêt personnel, direct et certain à contester une AEC ;
  • d’autre part, que la cour a relevé, par des constatations souveraines exemptes de dénaturation, que le commerce d’équipement mobilier « Alinéa » n’était pas susceptible de concurrencer le commerce d’articles de sport « Decathlon », locataire de la société RG Investissement, et que les difficultés de desserte routière alléguées n’étaient pas de nature à affecter l’activité de bailleur des sociétés requérantes. Le Conseil d’Etat retient ainsi que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la cour aurait omis de rechercher si le projet d’équipement commercial était susceptible d’affecter leur activité de bailleur.

Par conséquent, le Conseil d’Etat considère que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel, qui est suffisamment motivé.

En conclusion, le pourvoi des sociétés L’avenir en Europe-Lotissement, RG Investissements et les Roses est rejeté.

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References   [ + ]

1. Req. n° 17MA01684.
2. L’ancien régime de la loi LME ne prévoyait aucun critère encadrant l’existence d’un intérêt à agir pour les professionnels. Toutefois, l’appréciation portée par le Conseil d’État dans la présente affaire conserve toute sa pertinence. En effet, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « ACTPE », dont est issu le dispositif actuellement en vigueur, ne fait que codifier la jurisprudence applicable aux faits de l’espèce en exigeant des professionnels qu’ils justifient d’un intérêt commercial menacé par le projet (CE 9 mars 2009 Société Givorhone, req. n ° 314562).

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