L’avis d’appel public à la concurrence d’une délégation de service public de l’État est une mesure préparatoire insusceptible de recours en excès de pouvoir

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2018

Temps de lecture

3 minutes

CE 4 avril 2018 « Collectif danger aérodrome Aix-Les Milles » et autres, req. n° 414263 : mentionné dans les tables du recueil Lebon.

Par un avis publié au BOAMP le 19 novembre 2015, le ministre chargé des transports a lancé une procédure d’appel à la concurrence en vue de l’attribution d’une délégation de service public (DSP) relative à l’aérodrome d’Aix-Les-Milles.

L’association « Collectif danger aérodrome Aix-Les Milles » a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler cet avis. Le tribunal a rejeté par ordonnance leur demande comme manifestement irrecevable, au motif que l’avis litigieux, qui présente le caractère d’une mesure préparatoire à la conclusion du contrat, n’est pas une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. L’association a interjeté appel et par un arrêt du 12 juillet 2017, la cour administrative d’appel de Paris a annulé l’ordonnance rendue par le tribunal administratif de Paris, en identifiant dans l’avis d’appel public à concurrence une décision de déléguer la gestion de cet aérodrome qui serait susceptible de recours, en renvoyant les parties devant le tribunal. Le ministre a introduit un pourvoi contre cet arrêt.

Un avis d’appel à la concurrence peut-il révéler une décision d’avoir recours à un contrat, laquelle pourrait faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir ? Depuis longtemps, les avis d’appel à la concurrence en vue de la passation de marchés publics sont qualifiés de mesures préparatoires se bornant « à manifester l’intention de passer un marché » 1) CE 10 mai 1996 Conseil régional de l’ordre des architectes de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, req. n° 162856 insusceptibles de recours pour excès de pouvoir en tant que tels 2) CE 17 février 2010 Communauté de communes Flandres Lys, req. n° 325520. Ainsi, un avis publié par VNF en vue de la passation d’un marché de partenariat ne fait pas grief en tant que tel et le recours dirigé à son encontre est irrecevable 3) Dans la présente affaire, la cour de Paris a admis la recevabilité du recours, tandis que dans son arrêt CAA Douai 19 avril 2012 Société Solenate Energies et Commune de Givet, req. n° 11DA00531, la cour de Douai a considéré le recours irrecevable..

Dans ces hypothèses, les délibérations ou les décisions qui décident du recours à ces contrats sont, elles, susceptibles de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir, ce qui laisse ainsi un espace de contestation aux tiers qui souhaitent discuter le principe même du recours à un contrat 4) CE 24 novembre 2010 Association fédération d’action régionale pour l’environnement et autres., req. n° 318342. La délibération de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale, d’un groupement de collectivités ou d’un établissement public local sur le principe d’une délégation de service public local, prise sur le fondement de l’article L. 1411-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), est un acte susceptible de recours pour excès de pouvoir..

Dès lors que les textes ne prévoient pas de décisions sur le principe du recours à un contrat, l’AAPC peut-il en tenir lieu ?

  1. Gilles Pelissieur, rapporteur public sur cette affaire, a préconisé l’ouverture d’un tel recours à l’encontre de l’avis litigieux au terme d’une argumentation convaincante : à défaut de toute autre formalisation de la décision d’avoir recours à une DSP, une telle voie de recours permettrait un contrôle du recours par l’Etat à la délégation de service public dans son principe même, notamment s’agissant des activités qui ne peuvent pas être déléguées par exemple 5) Conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public..

Mais le Conseil d’Etat ne l’a pas suivi. La Haute Juridiction rappelle « qu’aucune disposition n’impose à l’Etat, contrairement à ce qui est prévu pour les collectivités territoriales ainsi que leurs groupements et établissements publics 6) Pour rappel, l’article L.1411-4 du code général des collectivités territoriales dispose : « Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local (…). », d’adopter, avant d’engager la procédure de passation d’une délégation de service public, une décision sur le principe du recours à une telle délégation ». Partant, si l’avis de publicité manifeste évidemment l’intention de l’Etat d’avoir recours à un tel contrat pour la gestion de cet aérodrome, il ne saurait en soi constituer une décision sur le principe du recours à une telle délégation, puisque cette décision n’est pas nécessaire pour les DSP de l’Etat.

Le Conseil d’Etat termine en indiquant que l’association requérante a toujours la possibilité de former à l’encontre de cette DSP un recours « Tarn et Garonne » 7) CE 4 avril 2014 Département Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : recours permettant aux tiers justifiant d’un intérêt lésé par un contrat administratif, de contester sa validité devant le juge du contrat. : ce n’est donc qu’a posteriori que le principe même du recours à la DSP pourra être discuté, c’est-à-dire une fois qu’il aura déjà été mis en œuvre.

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References   [ + ]

1.  CE 10 mai 1996 Conseil régional de l’ordre des architectes de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, req. n° 162856
2.  CE 17 février 2010 Communauté de communes Flandres Lys, req. n° 325520
3. Dans la présente affaire, la cour de Paris a admis la recevabilité du recours, tandis que dans son arrêt CAA Douai 19 avril 2012 Société Solenate Energies et Commune de Givet, req. n° 11DA00531, la cour de Douai a considéré le recours irrecevable.
4. CE 24 novembre 2010 Association fédération d’action régionale pour l’environnement et autres., req. n° 318342. La délibération de l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale, d’un groupement de collectivités ou d’un établissement public local sur le principe d’une délégation de service public local, prise sur le fondement de l’article L. 1411-4 du code général des collectivités territoriales (CGCT), est un acte susceptible de recours pour excès de pouvoir.
5. Conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.
6.  Pour rappel, l’article L.1411-4 du code général des collectivités territoriales dispose : « Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local (…). »
7. CE 4 avril 2014 Département Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : recours permettant aux tiers justifiant d’un intérêt lésé par un contrat administratif, de contester sa validité devant le juge du contrat.

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