Quelques précisions sur les droits à indemnité et compléments de rémunération des titulaires d’un marché public à forfait

Catégorie

Contrats publics

Date

September 2017

Temps de lecture

3 minutes

CAA Nancy 27 décembre 2016 Société Eiffage Métal, req. n° 15NC02562 Voies Navigables de France (VNF) a attribué en 2009 à la société Forclumeca, aux droits de laquelle est venue la société Eiffage Construction Métallique, aujourd’hui dénommée Eiffage Métal, un marché à forfait portant sur le remplacement des portes de trois écluses situées sur la Moselle. La société a refusé de signer le décompte général du marché et a transmis un mémoire de réclamation. VNF ayant refusé de faire droit à cette réclamation, la société Eiffage Métal a saisi le tribunal administratif de Nancy d’une demande tendant à la condamnation de VNF à lui verser la somme de 2 181 096 euros TTC au titre du règlement du marché, que le tribunal rejette. La cour confirme cette décision. La cour rappelle le considérant de principe identifié par l’arrêt « Tonin » 1) CE 12 novembre 2015 Société Tonin, req. n° 384716 : mentionné aux tables du Rec. CE p. 749 : « les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre » qui détermine les conditions dans lesquelles des difficultés rencontrées dans l’exécution du marché peuvent ouvrir droit à réparation, avant de l’appliquer aux faits de l’espèce avec deux précisions intéressantes. 1 – Tout d’abord, la société Eiffage Métal soutient que VNF aurait commis une faute en ne respectant pas le planning prévisionnel qu’elle a joint à son offre, ce qui l’a empêchée de réaliser les portes des trois écluses en série comme elle l’a prévu. Toutefois, la cour estime que ce planning prévisionnel n’a aucune valeur contractuelle et qu’en outre, les délais de notification du marché et de l’ordre de service de démarrage des travaux n’apparaissent pas excessifs, de telle sorte qu’aucune faute du maître d’ouvrage ne peut être identifiée. Enfin, la cour précise que dès lors qu’un fait imputable la personne publique n’est pas constitutif d’une faute, la circonstance qu’un bouleversement de l’économie du marché soit identifié est sans incidence sur le droit à indemnisation de l’entreprise. En d’autres termes, un fait du maître d’ouvrage ne peut jamais être assimilé à une sujétion technique, laquelle doit être extérieure aux parties. 2 – En outre, la cour fait toujours application des principes d’indemnisation des travaux supplémentaires engagés par le titulaire d’un marché de travaux conclu à prix forfaitaire (prestations non prévues au marché et commandées par ordre de service ou prestations indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art). Ainsi, la cour confirme que l’exhaustivité des hypothèses de l’arrêt « Tonin » ne fait pas obstacle à ce que le titulaire d’un marché à forfait obtienne une rémunération complémentaire en cas de prestations supplémentaires 2) L’indemnisation des travaux supplémentaires après la jurisprudence « Tonin ».. En l’espèce, la société demande à être indemnisée de l’immobilisation de ses installations de chantier pendant une période plus longue que celle initialement prévue. La cour a jugé que ce maintien n’a visé qu’à faire exécuter les travaux dans les conditions prévues par le code du travail : le marché englobe nécessairement toutes les prestations exigées pour réaliser les travaux dans les conditions légales et réglementaires qui s’imposent au cocontractant, et ce maintien ne peut donc pas être regardé comme une prestation supplémentaire.

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1. CE 12 novembre 2015 Société Tonin, req. n° 384716 : mentionné aux tables du Rec. CE p. 749 : « les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre »
2. L’indemnisation des travaux supplémentaires après la jurisprudence « Tonin ».

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