Modification d’une concession sans nouvelle procédure d’attribution malgré la perte de la qualité in house du concessionnaire

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2025

Temps de lecture

3 minutes

CJUE 29 avril 2025 Fastned Deutschland GmbH & Co. KG, aff. n° C-452/23

Par un arrêt du 29 avril 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), réunie en grande chambre, clarifie les conditions de modification d’une concession attribuée sans mise en concurrence à une entité in house, lorsque cette dernière n’a plus cette qualité.

Entre 1996 et 1998, l’État fédéral allemand a attribué plusieurs concessions pour l’exploitation d’aires de services autoroutières à la société publique Tank & Rast, sans mise en concurrence préalable. En 1998, cette société a été entièrement privatisée, donnant naissance aux deux opérateurs, aujourd’hui concessionnaires d’environ 90% des installations existantes.

En 2022, les autorités publiques ont modifié environ 360 de ces contrats pour y intégrer l’installation et l’exploitation de bornes de recharge pour véhicules électriques. L’avenant collectif s’est appuyé sur une disposition du droit allemand transposant l’article 43(1)(c) de la directive 2014/23/UE, permettant la modification substantielle d’un contrat de concession sans nouvelle mise en concurrence, en cas de circonstances imprévisibles.

Les sociétés Fastned et Tesla, concurrentes sur le marché de l’exploitation de bornes de recharge, ont contesté cette extension devant les juridictions allemandes, estimant qu’elle aurait dû donner lieu à une procédure de mise en concurrence.

Saisie d’une question préjudicielle par le tribunal régional supérieur de Düsseldorf, la CJUE définit tout d’abord le cadre du litige : les contrats de concessions peuvent être modifiés substantiellement sans nouvelle procédure d’attribution sur le fondement de l’article 43(1)(c) de la directive, si trois conditions sont réunies :

  • La modification est rendue nécessaire par des circonstances imprévisibles pour l’autorité concédante ;
  • Elle ne change pas la nature globale de la concession ;
  • Elle n’augmente pas de plus de 50 % la valeur initiale du contrat.

Cette disposition vise à garantir une certaine marge de manœuvre pour adapter les concessions à des besoins nouveaux qui ne pouvaient être prévus au moment de l’attribution du contrat, sans exiger une remise en concurrence systématique.

La principale question posée à la Cour portait sur la possibilité de bénéficier de cette disposition lorsque la concession a été initialement attribuée à une entité in house, mais que la modification de ladite concession est effectuée à une date à laquelle le concessionnaire n’a plus la qualité d’entité in house.

La CJUE précise, d’une part, que le droit au regard duquel la modification substantielle d’un contrat de concession doit être appréciée est celui applicable à la date de ladite modification. Le fait que la conclusion du contrat de concession initial est antérieure à l’adoption des règles de l’Union en la matière ne fait donc pas obstacle à l’application de l’article 43(1)(c) de la directive 2014/23/UE.

Elle répond, d’autre part, que la perte de la qualité d’entité in house du cocontractant en cours d’exécution ne fait pas obstacle à la possibilité de modifier substantiellement le contrat sans mise en concurrence. Interdire cette possibilité reviendrait, selon la Cour, à restreindre sans justification le champ d’application de la directive et serait contraire à l’objectif de la disposition, qui ne contient aucune restriction liée à l’identité du cocontractant au moment de la modification.

La Cour insiste toutefois sur le respect des conditions fixées par l’article 43(1)(c), et notamment sur le fait que la modification doit être rendue nécessaire (et non simplement utile ou opportune) par la survenance de circonstances imprévisibles. Elle rappelle enfin que, dans le cadre d’un recours contre la modification de la concession, il n’est pas imposé aux juridictions nationales de contrôler la régularité de l’attribution initiale si le délai de recours prévu par le droit national pour contester cette attribution initiale est expiré.

La CJUE valide donc, sous réserve d’une vérification par le juge national des trois conditions de l’article 43(1)(c), la possibilité pour les autorités concédantes de modifier des concessions en cours, même si le cocontractant initialement in house a été privatisé.

Cet arrêt confirme l’adaptabilité des contrats de concession et conforte la capacité des autorités concédantes à modifier les contrats existants lorsque les conditions de l’article R. 3135-5 du code de la commande publique, qui transpose l’article 43(1)(c) de la directive, sont réunies.

 

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