Pluralité de motifs de refus de la CNAC et office du juge : une mise au point du Conseil d’État

Catégorie

Aménagement commercial

Date

December 2025

Temps de lecture

2 minutes

CE 9 décembre 2025 CNAC, req. n° 470864 : mentionné aux Tables du Rec. CE

Par cette décision mentionnée aux Tables, le Conseil d’État précise l’office respectif du juge du fond et du juge de cassation dans l’hypothèse où un avis défavorable de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) est fondé sur une pluralité de motifs, et où le juge du fond a censuré l’ensemble de ces motifs.

La question posée était double :

  • d’une part, celle de savoir si la cour administrative d’appel avait correctement apprécié la légalité des motifs retenus par la CNAC au regard des critères de l’article L. 752-6 du code de commerce ;
  • d’autre part, celle de déterminer les conséquences à tirer, en cassation, de l’erreur commise par le juge du fond dans l’analyse d’un seul des motifs ayant fondé l’avis défavorable.

 Concrètement au cas d’espèce, après avoir jugé que la cour administrative d’appel s’était livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de dénaturation, en censurant le motif de refus opposé par la CNAC au regard de l’objectif de développement durable, le Conseil d’État a en revanche considéré que la cour avait dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la CNAC s’était méprise en retenant que le projet litigieux était de nature à compromettre la réalisation de l’objectif d’aménagement du territoire.

Le Conseil d’État en tire une conséquence procédurale importante : dès lors que la cour administrative d’appel a commis une erreur en censurant l’un des motifs de refus retenus par la CNAC, son arrêt doit être annulé dans son ensemble, alors même que l’analyse qu’elle a menée sur l’autre motif était juridiquement fondée.

Il renvoie donc l’affaire devant la cour administrative d’appel, en précisant qu’il lui appartiendra, si elle estime qu’un seul des motifs est erroné, de rechercher si la CNAC aurait rendu le même avis défavorable en se fondant uniquement sur le motif demeuré légal.

Cette décision est une application des jurisprudences « Dame Perrot » et « Commune du Barcarès » en matière d’aménagement commercial.

D’une part, le Conseil d’Etat confirme la méthode de contrôle du juge de l’excès de pouvoir sur une décision administrative fondée sur une pluralité de motifs. L’illégalité d’un motif n’entraîne pas nécessairement l’annulation de la décision : le juge doit procéder à la neutralisation de ce motif s’il apparaît que le ou les autres motifs légaux aurait suffi à ce que l’administration prenne la même décision, conformément à la jurisprudence Dame Perrot 1)CE, Assemblée, 12 janvier 1968 Ministre de l’économie et des finances c/ Dame Perrot : Rec. CE p. 39..

D’autre part, il rappelle que ce pouvoir de neutralisation ne relève pas de l’office du juge de cassation mais uniquement du juge du fond. Ainsi, lorsque le juge du fond a annulé une décision en estimant que l’ensemble de ses motifs était illégal, l’erreur commise sur un seul de ces motifs suffit à justifier la cassation et le renvoi de l’affaire. Il n’appartient pas au juge de cassation de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs, conformément à la jurisprudence Commune du Barcarès 2)CE, Section, 22 avril 2005 Commune du Barcarès, req. n° 257877 : Rec. CE p. 170..

Si cette solution peut apparaître peu satisfaisante au regard de l’économie de la procédure, elle s’inscrit dans le respect strict de la répartition des compétences entre juge du fond et juge de cassation, et confirme la rigueur méthodologique exigée dans le contentieux administratif, notamment des autorisations d’exploitation commerciale.

 

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References   [ + ]

1. CE, Assemblée, 12 janvier 1968 Ministre de l’économie et des finances c/ Dame Perrot : Rec. CE p. 39.
2. CE, Section, 22 avril 2005 Commune du Barcarès, req. n° 257877 : Rec. CE p. 170.

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