Aménagement commercial : compétence des CAA en premier et dernier ressort pour connaître des recours indemnitaires liés à un PCvAEC

Catégorie

Aménagement commercial

Date

March 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 2 mars 2022 Société Distaff, req. n° 440079 : mentionné dans les tables du Recueil Lebon

1.1       Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi ACTPE, nombreuses ont été les questions relatives à la recevabilité des recours tendant à l’annulation des permis de construire tenant lieu d’autorisation d’exploitation commerciale (PCvAEC) 1)Pour une étude complète voir la récente analyse d’Elsa Sacksick associée Adden avocats Paris, spécialiste en droit public : La recevabilité du recours contre le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, Revue Droit et Ville n° 92 | 2021/2..

Certaines interrogations ont notamment porté sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître des recours dès lors que les cours administratives d’appel (CAA) ont été désignées par le législateur comme compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux PCvAEC 2)Cette compétence résulte de la combinaison des articles L. 600-10 du code de l’urbanisme et de l’article R. 311-3 du code de justice administrative. En application de cette seconde disposition, la cour administrative d’appel territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle siège la commission départementale d’aménagement commercial qui a pris la décision..

Le Conseil d’Etat a ainsi précisé que les tribunaux administratifs demeurent compétents lorsque le permis ne tient pas lieu d’autorisation d’exploitation commerciale 3)CE, 14 novembre 2018 Commune de Vire Normandie, req. n° 413246. (AEC) et que les CAA le sont pour connaître d’un refus de PCvAEC, dès lors que le projet a été soumis pour avis à la CDAC 4)CE, 18 novembre 2020 Société MG Patrimoine, Société Bellou Optique et Société Aux 3eurs d’Argentan, req. n° 420857..

Les CAA sont par ailleurs compétentes pour connaître du recours porté contre un permis de construire modificatif modifiant un PCvAEC, mais délivré sans nouvel avis de la commission d’aménagement commercial, dans l’hypothèse où un recours est déjà pendant devant la CAA compétente à l’encontre de ce PCvAEC 5)CAA Marseille, 4 juillet 2019, SAS B6, req. n° 17MA03545 : arrêt devenu définitif..

1.2       Par son arrêt du 2 mars 2022, mentionné dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat considère de manière inédite que les CAA sont compétentes pour statuer en premier et dernier ressort sur un recours indemnitaire lié à un PCvAEC.

Cette solution résulte implicitement de l’arrêt rendu comme l’indique le fichage de la décision.

Les auteurs du centre de recherches et de diffusion juridiques du Conseil d’Etat rappellent qu’elle est guidée par une « approche pragmatique et simple pour éviter une compétence juridictionnelle à éclipses » 6)Dorothée Pradines, Thomas Janicot, « De l’art de faire simple », AJDA 2022, p. 503..

1.3       Sur le fond, le litige trouvait son origine dans la délivrance par la commune occitane de Saint-Affrique d’un PCvAEC à la société HJC, alors qu’à cette date, la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) avait été saisie par deux sociétés concurrentes et par le préfet de l’Aveyron de plusieurs recours contre l’avis favorable de la commission départementale.

Après l’avis défavorable émis par la CNAC, le maire de la commune de Saint-Affrique avait retiré son arrêté délivrant le PCvAEC.

L’une des deux sociétés concurrentes, la société Distaff avait toutefois demandé à la CAA de Bordeaux de condamner la commune à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu’elle estimait avoir subis à raison des fautes commises par la commune en délivrant illégalement PCvAEC à un concurrent, en tardant à retirer ce permis de construire illégal et en ne s’opposant pas à la vente au déballage organisée par ce concurrent.

Le Conseil d’Etat confirme tout d’abord que le permis délivré était illégal dès lors qu’en cas de recours devant la CNAC, le maire doit attendre l’intervention de son avis, exprès ou tacite, celui-ci se substituant à l’avis de la commission départementale.

L’arrêt rejette ensuite la demande d’indemnisation présentée par la société requérante en jugeant notamment que la CAA n’a pas dénaturé les pièces du dossier ni inexactement qualifié les faits en considérant que la situation financière dégradée de la société Distaff n’avait pas connu d’évolution particulière pendant la période de délivrance du PCvAEC et que la perte d’exploitation et la perte de valeur vénale de son fonds de commerce ne présentaient pas de lien direct et certain avec la faute commise par la commune de Saint-Affrique résultant de la délivrance illégale du permis.

 

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1. Pour une étude complète voir la récente analyse d’Elsa Sacksick associée Adden avocats Paris, spécialiste en droit public : La recevabilité du recours contre le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, Revue Droit et Ville n° 92 | 2021/2.
2. Cette compétence résulte de la combinaison des articles L. 600-10 du code de l’urbanisme et de l’article R. 311-3 du code de justice administrative. En application de cette seconde disposition, la cour administrative d’appel territorialement compétente est celle dans le ressort de laquelle siège la commission départementale d’aménagement commercial qui a pris la décision.
3. CE, 14 novembre 2018 Commune de Vire Normandie, req. n° 413246.
4. CE, 18 novembre 2020 Société MG Patrimoine, Société Bellou Optique et Société Aux 3eurs d’Argentan, req. n° 420857.
5. CAA Marseille, 4 juillet 2019, SAS B6, req. n° 17MA03545 : arrêt devenu définitif.
6. Dorothée Pradines, Thomas Janicot, « De l’art de faire simple », AJDA 2022, p. 503.

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