Attention au destinataire du mémoire en contestation du décompte général

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2017

Temps de lecture

4 minutes

CAA Bordeaux 3 janvier 2017 Société Razel-Bec, req. n° 14BX00708

Dans le cadre de la réhabilitation d’un centre d’enfouissement technique, la communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) a confié par un marché la réalisation de travaux à un groupement d’entreprises.

L’une des sociétés (la société Bec Frères devenue la société Razel-Bec) de ce groupement a contesté le décompte général du marché, estimant qu’il ne prenait pas en compte l’intégralité des prestations qu’elle avait réalisées. Par un jugement du 13 février 2014, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande indemnitaire de la société Razel-Bec comme irrecevable. La société a interjeté appel de ce jugement.

1 – Le marché en cause est régi par le cahier des clauses administratives générales (CCAG) de 1976 auquel il se réfère, puisque l’avis d’appel d’offres de ce marché a été envoyé à la publication avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2010, de l’arrêté ministériel du 8 septembre 2009 portant approbation du nouveau CCAG-Travaux 1) L’article 2 de l’arrêté du 8 septembre 2009 prévoit en effet que « Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur trois mois après sa publication au Journal officiel de la République française.
Les marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication avant cette date demeurent régis, pour leur exécution, par les dispositions du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux auquel ils se réfèrent, dans sa rédaction antérieure aux dispositions annexées au présent arrêté
. »
.

La cour rappelle donc l’interprétation consacrée des stipulations de cet ancien CCAG-Travaux de 1976 relatives aux modalités de contestation du décompte général par un mémoire de réclamation exposant les motifs du refus et les montants réclamés. Pour mémoire, l’article 13.44 du CCAG est spécifiquement relatif au mémoire en réclamation contestant le décompte général, qui doit être adressé au maître d’œuvre, tandis que l’article 50 de ce même CCAG prévoit que le titulaire du marché doit adresser un mémoire en réclamation au pouvoir adjudicateur pour tout type de différend qui les oppose directement.

La jurisprudence a depuis longtemps déjà déterminé que lorsque le titulaire du marché de travaux conteste le décompte général, il doit s’inscrire dans le cadre de l’article 13.44 du CCAG Travaux en adressant son mémoire en réclamation au maître d’œuvre. Pour autant, ce mémoire en réclamation n’a alors pas à être également adressé au pouvoir adjudicateur : le mémoire en réclamation de l’article 13.44 tient alors lieu de mémoire en réclamation de l’article 50, tandis qu’il appartient au maître d’œuvre de le transmettre au pouvoir adjudicateur 2) CE 28 avril 2000 Société parisienne d’entreprise, req. n° 191198 : mentionné aux tables du Rec. CE. .

Et comme l’a également déjà considéré depuis longtemps le juge administratif, pour que le mémoire en réclamation dirigé contre le décompte soit recevable, il doit impérativement être adressé au maître d’œuvre, et non pas seulement au maître d’ouvrage 3) CE 8 avril 2009 Société DV Construction, req. n° 297756 : mentionné aux tables du Rec. CE. .

En l’espèce, la société Razel-Bec établit avoir adressé au maître d’ouvrage, soit au pouvoir adjudicateur, son mémoire en réclamation dans les délais impartis, mais elle n’apporte pas la preuve qu’elle l’aurait adressé au maître d’œuvre. Ce mémoire en réclamation n’a donc pas été adressé dans les conditions permettant de contester utilement le décompte général, qui est par conséquence devenu définitif et intangible.

Cette solution, si elle parait sévère, s’inscrit dans la continuité de l’approche du juge en la matière : la procédure de contestation du décompte général prévue par le CCAG doit être respectée à la lettre, sous peine d’irrecevabilité d’éventuelles actions judiciaires.

2 – Encore faut-il déterminer le CCAG dont on relève pour s’assurer de la personne à qui le mémoire en réclamation doit être adressé.

En effet, désormais, le CCAG-Travaux de 2009 organise une procédure unifiée pour la transmission des mémoires en réclamation du titulaire, que ceux-ci intéressent ou non le décompte général. Ainsi, l’article 13.4.4 impose que le mémoire de contestation du décompte général soit adressé au pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’œuvre. L’article 50 relatif à tout autre mémoire en réclamation prévoit de la même façon qu’il est transmis au pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d’œuvre.

Si l’omission de l’envoi d’une copie du mémoire en réclamation au maître d’œuvre ne devrait guère porter à conséquence 4) TA Lille 8 février 2016 Société Goudalle Maçonnerie, req. n° 1306031 : la transmission d’une copie du mémoire en réclamation au maître d’œuvre ne constitue pas une garantie donc pourrait se voir priver le maître d’ouvrage (cette copie ne constitue pas une formalité substantielle qui priverait d’effet le mémoire en réclamation adressé au pouvoir adjudicateur). , tout mémoire doit désormais nécessairement être adressé au pouvoir adjudicateur pour pouvoir porter un effet utile.

3 – Au passage, le juge d’appel relève que la charge de la preuve de la réception du décompte général pèse sur le maître d’ouvrage, détenteur du récépissé ou de l’avis de réception postal.

Si le maître d’ouvrage se trouve dans l’impossibilité de verser ces éléments probants, et en l’absence de tout commencement de preuve contraire, la date figurant sur le timbre « reçu le » apposée par le mandataire du groupement sur le décompte général du marché litigieux doit être regardée comme la date effective de réception de ce décompte.

On ne peut que conseiller ici la plus grande vigilance dans la conservation des preuves de dépôt comme de réception des envois adressés en recommandé.

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References   [ + ]

1. L’article 2 de l’arrêté du 8 septembre 2009 prévoit en effet que « Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur trois mois après sa publication au Journal officiel de la République française.
Les marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel public à la concurrence envoyé à la publication avant cette date demeurent régis, pour leur exécution, par les dispositions du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux auquel ils se réfèrent, dans sa rédaction antérieure aux dispositions annexées au présent arrêté
. »
2. CE 28 avril 2000 Société parisienne d’entreprise, req. n° 191198 : mentionné aux tables du Rec. CE.
3. CE 8 avril 2009 Société DV Construction, req. n° 297756 : mentionné aux tables du Rec. CE.
4. TA Lille 8 février 2016 Société Goudalle Maçonnerie, req. n° 1306031 : la transmission d’une copie du mémoire en réclamation au maître d’œuvre ne constitue pas une garantie donc pourrait se voir priver le maître d’ouvrage (cette copie ne constitue pas une formalité substantielle qui priverait d’effet le mémoire en réclamation adressé au pouvoir adjudicateur).

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