Contentieux de l’éviction irrégulière des marchés publics : rejet des conclusions tendant à l’annulation du contrat dès lors qu’elles sont nouvelles en appel

Catégorie

Contrats publics

Date

March 2015

Temps de lecture

3 minutes

CAA Nantes 17 février 2015 société Anjou Bâtiment, req. n° 13NT03082

Dans le cadre d’un marché à procédure adaptée, la commune de Chemellier avait attribué le lot « gros œuvre » relatif à l’extension de son école primaire à la société Justeau. Préalablement à la signature du marché, le maire de la commune informait, par un courrier en date du 23 mars 2010, la société Anjou Bâtiment du rejet de son offre.

Candidate évincée du marché, la société a contesté le rejet de son offre par un courrier du 15 avril 2010 et saisi le maire d’une demande indemnitaire préalable le 22 juin 2010.

La commune de Chemellier n’ayant pas répondu, la société Anjou Bâtiment a alors saisi le tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à l’annulation de la décision du 23 mars 2010, ainsi qu’à la condamnation de la commune au versement d’une indemnité de 10 600 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction.

Par jugement en date du 20 août 2013, le tribunal administratif de Nantes rejetait toutefois sa requête.

En appel, la société reprenait ses conclusions de première instance, auxquelles elle y ajoutait une demande tendant à l’annulation du marché conclu entre la commune de Chemellier et la société Justeau.

La cour se prononce d’abord sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision du 23 mars 2010 par laquelle le maire de la commune de Chemellier lui signifiait le rejet de son offre. Le marché ayant déjà été signé et la décision litigieuse du maire étant un acte détachable du présent marché, la cour rejette logiquement cette demande, conformément à la jurisprudence « Tropic Travaux » du Conseil d’Etat 1) CE 16 juillet 2007 Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545 : « Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu’à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu’il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n’est, en revanche, plus recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables »., récemment « amendée » par un arrêt « Tarn-et-Garonne » 2) CE 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : « Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat (…) ». .

Les autres conclusions de la société requérante vont subir le même sort.

La demande tendant à l’annulation du marché est rejetée dès lors que, présentée pour la première fois en appel, elle est irrecevable.

S’agissant des conclusions indemnitaires, la cour les rejette dès lors que la société Anjou Bâtiment était dépourvue de toute chance de remporter le marché, faute pour elle de n’avoir produit aucun élément suffisant de nature à établir une meilleure garantie quant à l’exécution du contrat.

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References   [ + ]

1. CE 16 juillet 2007 Société Tropic Travaux Signalisation, req. n° 291545 : « Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu’à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu’il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n’est, en revanche, plus recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ».
2. CE 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : « Considérant qu’indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat (…) ».

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