Implantation des antennes relais dans les communes littorales : quid de l’extension de l’urbanisation en continuité ?

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

June 2021

Temps de lecture

3 minutes

Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 11/06/2021, 449840 (avis)

Si la loi Littoral et plus spécifiquement de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme relatif à l’urbanisation en continuité des espaces urbanisés posent des exigences spécifiques, beaucoup de décisions contradictoires ont été prises par le juge administratif au sujet des installations de stations relais de téléphonie mobile.

En effet, pour le TA de Rennes 1)TA Rennes, 17 septembre 2019, n°1904375, considérant 7. par exemple, les stations relais de téléphonie mobile sont assimilables à n’importe quelle autre construction. Pour d’autres tribunaux administratifs, comme celui de Lille 2)TA Lille 06 octobre 2020, n° 1806704, considérant 7. ou de Caen 3)TA Caen, 13 septembre 2020, n° 1901932, ces stations ne sont que des équipements de faible importance, ne nécessitant pas de mesures particulières.

L’enjeu ici est donc de déterminer si ces constructions doivent ou non s’implanter uniquement au sein ou en continuité des espaces urbanisés des communes littorales, lesquels sont caractérisés par un nombre et une densité significatifs des constructions.

C’est à cette question que le Conseil d’Etat a apporté une réponse dans un avis du 11 juin 2021 4)Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 11 juin 2021, req. n° 449840.

Le 4 décembre 2017, le maire de la commune de Plomeur a pris un arrêté de non-opposition à une déclaration préalable de travaux déposée par la société Free Mobile. Cette déclaration préalable avait pour objet l’installation d’une station relais de téléphonie mobile.

Après rejet implicite de leur recours gracieux, Mme D… B… et M. A… C ont demandé au tribunal administratif de Rennes l’annulation pour excès de pouvoir de l’autorisation délivrée au pétitionnaire.

Par un jugement n° 1802531 du 17 février 2021,  le tribunal administratif a saisi le Conseil d’Etat pour avis, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative.

La question était de savoir si : dans les communes littorales, les infrastructures de téléphonie mobile sont-elles constitutives d’une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité posé par les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, dans sa version applicable au litige ?

L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme dans sa version ici applicable prévoit que « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

Si ce principe est simple, les articles suivants du code de l’urbanisme font état de nombreuses exceptions.

L’article L. 121-10 dispose que « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 121-8, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage, avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ».

L’article L. 121-11 précise que « Les dispositions de l’article L. 121-8 ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d’origine animale ne soient pas accrus ».

Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-12 du même code : « Les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ne sont pas soumis aux dispositions de l’article L. 121-8, lorsqu’ils sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées ».

Des exceptions sont donc législativement prévues . En effet, les divers contentieux successifs et variés ont conduit le législateur à légiférer dans quelques domaines. Il a donc créé des dérogations à l’obligation de continuité au profit, par exemple, des ouvrages et installations nécessaires à l’exploitation agricole ou à leur mise aux normes 5)C. urb., articles L.121-10 et L.121-11 ou encore des éoliennes 6)C. urb., art. L.121-12.

Aucune dérogation de la sorte n’était donc prévue pour les antennes de téléphonie mobile. C’est d’ailleurs ce que le Conseil d’Etat relève au paragraphe 2 de son avis :

« Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu ne permettre l’extension de l’urbanisation dans les communes littorales qu’en continuité avec les agglomérations et villages existants et a limitativement énuméré les constructions, travaux, installations ou ouvrages pouvant néanmoins y être implantés sans respecter cette règle de continuité. L’implantation d’une infrastructure de téléphonie mobile comprenant une antenne-relais et ses systèmes d’accroche ainsi que, le cas échéant, les locaux ou installations techniques nécessaires à son fonctionnement n’est pas mentionnée au nombre de ces constructions ».

Le Conseil d’Etat en tire la conclusion que l’implantation d’une telle installation constitue « une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme ». Afin de donner toute la portée qu’il convient à son avis, le Conseil d’Etat ajoute qu’« il en va de même dans la rédaction qu’a donnée la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique au premier alinéa de cet article, qui dispose depuis lors que : “L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants” ».

Ainsi, cet avis du Conseil d’Etat consacre que l’infrastructure de téléphonie mobile doit être regardée comme constituant une extension de l’urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Ces antennes ne peuvent donc qu’être implantées au sein ou en continuité des espaces déjà urbanisés.

 

 

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References   [ + ]

1. TA Rennes, 17 septembre 2019, n°1904375, considérant 7.
2. TA Lille 06 octobre 2020, n° 1806704, considérant 7.
3. TA Caen, 13 septembre 2020, n° 1901932
4. Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 11 juin 2021, req. n° 449840
5. C. urb., articles L.121-10 et L.121-11
6. C. urb., art. L.121-12

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