La précision par le Conseil d’Etat des cas d’ouverture du recours Tropic

Catégorie

Contrats publics

Date

April 2012

Temps de lecture

2 minutes

Par un avis société Gouelle du 11 avril 2012, le Conseil d’Etat vient d’apporter d’utiles précisions sur l’articulation du recours Tropic[1] avec les « référés contrats » (précontractuels et contractuels). Saisi d’une demande d’avis par le tribunal administratif de Rennes en application de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat a saisi l’occasion de préciser la notion de « candidat évincé » et d’expliciter les moyens que ce requérant est susceptible d’invoquer.

Ainsi, le « concurrent évincé » au sens du recours Tropic vise « […] tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable […] ». Plus encore, ce dernier peut invoquer « tout moyen » dans la mesure où « […] il ne résulte […] d’aucun texte ni principe que le caractère opérant des moyens ainsi soulevés soit subordonné à la circonstance que les vices auxquels ces moyens se rapportent aient été susceptibles de léser le requérant […]».

La Haute Juridiction conserve ainsi toute sa spécificité (et son intérêt) au recours en contestation de la validité du contrat créé par ses soins, en refusant de calquer son régime sur celui des référés contrat issus du droit de l’union européenne.

Désormais, quand le requérant qui n’a pas présenté sa candidature ou n’a pas remis d’offre, ou dont les dossiers qu’il a pu déposer devaient être écartés comme irréguliers trouve fermée la voie du référé précontractuel[2], lui reste ouverte la voie d’un recours Tropic, assortie éventuellement d’un référé suspension. Plus encore, le recours Tropic lui permet d’invoquer n’importe quelle irrégularité, sans qu’il ait à démontrer avoir pu être lésé de ce fait, au contraire de l’appréciation retenue en matière de référé[3].

La richesse de la palette des recours offerte aux candidats évincés reste ainsi intacte, au détriment peut-être de la sécurité juridique des contrats, alors que les délais d’instruction des recours au fond sont particulièrement inadaptés aux délais d’exécution d’un contrat. A cet égard, les pouvoirs adjudicateurs pourront utilement assurer un respect scrupuleux des obligations de publicité de l’attribution des contrats, indispensables pour faire courir le délai du recours Tropic.  

Pour autant, il convient de relativiser le risque juridique de cette large ouverture du recours Tropic. En effet, le juge dispose dans ce cadre de pouvoirs étendus et variés pour sanctionner les irrégularités du contrat à la mesure de leur gravité. Parmi ces pouvoirs, le prononcé de la nullité du contrat ne constitue que la sanction ultime, qui ne devrait ainsi jouer que dans les cas des irrégularités les plus significatives.


[1]           CE Ass. 16 juillet 2007 société Tropic travaux signalisation, req. n° 291545 : publié au Rec. CE.

[2]           Sauf si le défaut de dépôt de candidature ou d’offre résulte d’une irrégularité commise par le pouvoir adjudicateur lui-même, ou encore si l’éviction du candidat pour irrégularité de sa candidature ou de son offre était en réalité infondée.

[3]           CE 3 octobre 2008 SMIRGEOMES, req. n° 305420 ; voir en ce sens CE 10 novembre 2010 Ministre de la défense, req. n° 341132 ; voir également CE 27 octobre 2011 Département des Bouches-du-Rhône, req. n° 350935 ou encore TA Nice 8 mars 2012 société Natixis Intertitres, req. n° 1200535 – CE 12 mars 2012 commune de Villiers-sur-Marne, req. n° 353826.

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