La rémunération en nature d’un marché public

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2013

Temps de lecture

3 minutes

CAA Paris 19 mars 2013 MCO Sports, req. n° 11PA01978

Par un marché signé le 29 mai 2008, la ville de Paris a confié à la société MCO Sports l’organisation du libre accès du public au tournoi de beach-volley se déroulant sur le champ de Mars du 16 au 22 juin 2008, ainsi que la réalisation de prestations de communication.

Le contrat prévoyait que le paiement du prix de ce marché public se ferait pour partie en nature, par le biais de la mise à disposition de la société MCO Sports du champ de Mars du 1er au 25 juin 2008 à titre gratuit, à l’exception des linéaires de buvette pour lesquels une redevance d’occupation domaniale serait appliquée.

Par un courrier du 16 juillet 2008 , les services municipaux ont fait savoir à la société MCO Sports que le montant de la redevance d’occupation du champ de Mars qu’elle devait acquitter au titre de cette manifestation s’élevait à 22 543,92 euros en application de l’arrêté municipal du 14 février 2008 fixant les tarifs liés à l’occupation permanente ou temporaire du domaine public dans les parcs, jardins et espaces verts. Ce montant comprenait les linéaires occupés par la buvette, mais également les linéaires occupés par un restaurant et les stands de vente, contrairement à ce qui était prévu par le marché.

Pour recouvrer cette somme, la ville de Paris a émis un titre exécutoire le 26 octobre 2009, qui a été contesté par la société MCO Sports.

Dans un premier temps, le tribunal administratif de Paris a refusé d’annuler le titre ainsi contesté, en relevant qu’il était fondé sur l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP), lequel dispose qu’une autorisation d’occupation domaniale ne peut être délivrée gratuitement que dans certains cas particuliers et notamment lorsque cette occupation « ne présente pas un objet commercial pour le bénéficiaire de l’autorisation », et que les engagements contractuels en vigueur entre la ville et la société étaient sans incidence sur la légalité de ce titre.

Une telle approche revient à refuser les mécanismes contractuels de paiement d’un marché public en nature par l’abandon d’une recette d’occupation domaniale : dès lors que la personne publique pourrait poursuivre un occupant du montant de la redevance domaniale normalement applicable, alors qu’elle s’est pourtant engagée contractuellement à l’abandonner, ce mécanisme de paiement d’un marché public ne présente strictement aucune cohérence.

La société MCO Sports a fait appel, à juste titre.

Contrairement au raisonnement tenu par le tribunal, la cour administrative d’appel de Paris fait prévaloir les stipulations contractuelles convenues entre les parties sur l’article L. 2125-1 du CGPPP, et juge que la ville de Paris ne pouvait faire supporter à la société MCO Sports une redevance qu’elle s’était engagée à ne pas appliquer à titre de paiement du prix du marché :

« […] il résulte clairement de ces stipulations que la commune intention des parties était de ne faire supporter au prestataire, comme tel avait été d’ailleurs le cas les années précédentes, que la redevance correspondant à l’occupation du domaine public par la buvette et non, ainsi que le soutient la Ville de Paris, par l’ensemble de ses installations à usage commercial […] la Ville de Paris, qui ne pouvait assujettir son co-contractant à la redevance d’occupation du domaine dès lors qu’elle était la contrepartie des prestations prévues au marché, ne pouvait légalement modifier de manière unilatérale les termes du contrat ; qu’il suit de là qu’elle ne pouvait demander à la requérante le paiement d’une somme supérieure à la redevance due au titre de la buvette, évaluée à 6 350,40 euros […] ».

Cette décision nous parait beaucoup plus cohérente avec l’économie du marché conclu entre la ville de Paris et la société MCO Sports, sans méconnaître l’interdiction de principe d’accorder des occupations domaniales à titre gratuit : en effet, si la société MCO ne paie pas de redevance, c’est en contrepartie de l’exécution de prestations de service qui ne font pas l’objet d’un paiement numéraire par la ville de Paris. Il s’agit ainsi d’une valorisation indirecte de l’occupation domaniale, puisque ce que la ville ne perçoit pas au titre des redevances d’occupation, elle l’économise au titre du paiement du prix de son marché.

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