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CE 25 février 2025 Société ERGC, req n° 490616
La commune de La Croix-Valmer a confié l’exécution d’un marché public de travaux portant sur la conception-réalisation d’un parc de stationnement aérien à un groupement d’entreprises solidaires dont la société Entreprise Rénovation et Génie Civil (ERGC) était le mandataire. Après avoir réalisé plusieurs études, la société n’a pas transmis le calendrier prévisionnel imposé par les dispositions du cahier des clauses administratives particulières. La commune a prononcé la résiliation du marché à ses torts exclusifs. La société ERGC a saisi le tribunal administratif de Toulon d’un recours de plein contentieux tendant au versement du solde du décompte de résiliation. Par un jugement du 17 février 2022, le tribunal administratif de Toulon a fait droit à cette demande et a rejeté les demandes présentées par la commune à titre reconventionnel. La cour administrative d’appel de Marseille, statuant sur l’appel relevé par la commune, a annulé ce jugement. Faisant droit aux demandes de l’appelante, les juges d’appel ont condamné la société défaillante au remboursé le montant des acomptes versés et devait l’indemniser de différentes dépenses supportées par la commune dans le cadre de l’exécution du marché.
Par une décision d’admission partielle du pourvoi du 5 juin 2024, le Conseil d’Etat n’a retenu qu’un seul des moyens du pourvoi, tiré de ce que l’arrêt attaqué privait le demandeur de son droit au paiement des prestations réalisées en raison de la décision de résiliation à ses torts exclusifs.
Une première question sous-jacente portait sur le bien-fondé de la décision de résiliation. Le contrat ne prévoyait pas, en effet, que le maître d’ouvrage puisse y recourir en cas de défaillance s’agissant de la transmission d’un calendrier prévisionnel. Le Conseil d’Etat a jugé sur ce point qu’en l’absence de clauses contractuelles la prévoyant, la résiliation d’un marché aux torts exclusifs de son titulaire pouvait cependant être prononcée par le maître d’ouvrage en cas de manquement grave 1)CE 26 février 2014 société Environnement services, req. n° 365151. Par cette décision d’admission partielle, le Conseil d’Etat a donc écarté ce moyen.
Une deuxième question portait sur le droit contractuel du titulaire au paiement des prestations déjà réalisées malgré la résiliation du marché à ses torts exclusifs. La cour avait considéré qu’en raison de la résiliation du fait de sa défaillance, ces prestations avaient perdu toute utilité, de sorte que leur montant n’était plus exigible. Les acomptes versés devaient donc être restitués.
Or, le Conseil d’Etat a estimé que la résiliation aux torts exclusifs du titulaire ne faisait pas perdre son droit contractuel au paiement des prestations effectuées. Si le maître d’ouvrage estime que les prestations réalisées se sont révélées par sa faute, il lui appartient alors d’engager sa responsabilité contractuelle en établissant un lien de causalité entre sa faute et l’inutilité des prestations réalisées.
Dans ses conclusions, le rapporteur public Nicolas Labrune estime qu’« il semble en effet impossible de juger, comme la cour l’a fait, que le droit au paiement des prestations exécutées avant la résiliation du marché, qui découle de l’application du contrat, est subordonné à l’utilité desdites prestations ». La notion de prestations utiles doit être, d’après lui, réservée aux restitutions résultant d’un contrat annulé 2)CE sect. 10 février 2008 société JC Decaux, req. n° 244950 afin d’éviter tout enrichissement sans cause de la personne publique.
En l’occurrence, le maître d’ouvrage peut solliciter la réparation du préjudice directement causé par la défaillance du cocontractant, consistant par exemple à la prise en charge des dépenses rendues nécessaires par la défaillance. En l’espèce, il s’agit par exemple des dépenses versées par la commune à un assistant à maîtrise d’ouvrage pour l’accompagner dans la direction du marché de conception réalisation.
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