L’article L. 600-7 du code de l’urbanisme n’a ni pour objet ni pour effet d’attribuer une compétence exclusive au juge administratif en matière d’indemnisation d’un préjudice subi du fait d’un recours abusif contre un permis de construire

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

September 2016

Temps de lecture

3 minutes

Cass. 1ère civ, 16 novembre 2016, pourvoi n° 16-14152 : Mentionné aux tables du recueil Lebon Dans cette affaire, plusieurs requérants avaient présenté un recours pour excès de pouvoir à l’encontre d’un permis de construire. La société bénéficiaire du permis de construire les a assignés devant le juge judiciaire, afin d’obtenir réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif des recours. Le 16 septembre 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Saintes a rendu une ordonnance déclarant l’incompétence de la juridiction judiciaire. Le 22 janvier 2016, la Cour d’appel de Poitiers a cependant infirmé cette ordonnance. Les requérants à l’instance contre le permis de construire ont formé un pourvoi en cassation et ont soulevé une exception d’incompétence au profit de la juridiction administrative, sur le fondement des nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme, lesquelles disposent :

    « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (…) ».

Ils faisaient ainsi valoir que l’article L. 600-7 a été introduit dans le code de l’urbanisme pour faire exception à la jurisprudence ancienne et établie 1) Voir en ce sens CE sect. 24 novembre 1967 Noble, req. n° 66271 : Rec. CE. selon laquelle les conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive ne sont pas recevables dans une instance en annulation pour excès de pouvoir. C’est en effet pour remédier à cette impossibilité que l’article L. 600-7 a été introduit dans le code de l’urbanisme par l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, sur proposition de Daniel Labetoulle, président honoraire du Conseil d’Etat, et chargé de proposer une réforme du contentieux de l’urbanisme 2) Rapport « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » du 25 avril 2013. Voir également en ce sens l’article de Daniel Labetoulle, « Bande à part ou éclaireur ? » AJDA 2013 p. 1897 : « Le juge administratif saisi d’un recours de plein contentieux peut condamner le requérant à allouer des dommages-intérêts au défendeur si celui-ci a subi un préjudice lié au caractère abusif du recours. Cependant, le bénéficiaire d’un permis faisant l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ne peut rechercher la réparation d’un tel préjudice que dans le cadre d’une action distincte devant le juge civil, sans pouvoir l’obtenir du juge administratif saisi du fond : c’est l’application d’une jurisprudence – ancienne – selon laquelle des conclusions reconventionnelles sont irrecevables devant le juge de l’excès de pouvoir. Le nouvel article L. 600-7 a remédié à cette situation pour le contentieux de l’urbanisme en donnant au juge saisi d’un recours pour excès de pouvoir formé contre un permis la possibilité de faire droit à des conclusions reconventionnelles en dommages-intérêts si « le droit de former un recours […] est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice anormal au bénéficiaire ».. Dès lors, le juge administratif devait, d’après les requérants, être le seul compétent pour connaître d’une demande en dommages-intérêts pour recours abusif. La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en jugeant que les dispositions de l’article L. 600-7 laissent la possibilité de saisir le juge administratif d’une demande reconventionnelle pour recours abusif mais n’excluent pas pour autant la compétence du juge judiciaire pour réparer le préjudice du fait d’un recours abusif sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil, devenu 1240 :

    « Mais attendu que l’arrêt retient exactement que, par dérogation au principe selon lequel des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur soit condamné au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ne sont pas recevables dans une instance en annulation pour excès de pouvoir, l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme permet au bénéficiaire d’un permis de construire de solliciter, devant le juge administratif saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre ce permis, des dommages-intérêts contre l’auteur du recours, une telle faculté n’étant cependant ouverte que dans des conditions strictement définies par ce texte ; que la cour d’appel a décidé, à bon droit, que cette disposition légale n’avait ni pour objet ni pour effet d’écarter la compétence de droit commun du juge judiciaire pour indemniser, sur le fondement de l’article 1382, devenu 1240 du code civil, le préjudice subi du fait d’un recours abusif ; que le moyen n’est pas fondé ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi et condamne les requérants aux dépens. Les pétitionnaires ont donc deux voies de droit pour demander la condamnation pour recours abusif d’un requérant contre leur permis de construire ; mais attention, les conditions sont différentes selon que l’on saisisse le juge administratif sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ou le juge judiciaire sur le fondement de l’article 1382 devenu 1240 du code civil.

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References   [ + ]

1. Voir en ce sens CE sect. 24 novembre 1967 Noble, req. n° 66271 : Rec. CE.
2. Rapport « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » du 25 avril 2013. Voir également en ce sens l’article de Daniel Labetoulle, « Bande à part ou éclaireur ? » AJDA 2013 p. 1897 : « Le juge administratif saisi d’un recours de plein contentieux peut condamner le requérant à allouer des dommages-intérêts au défendeur si celui-ci a subi un préjudice lié au caractère abusif du recours. Cependant, le bénéficiaire d’un permis faisant l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ne peut rechercher la réparation d’un tel préjudice que dans le cadre d’une action distincte devant le juge civil, sans pouvoir l’obtenir du juge administratif saisi du fond : c’est l’application d’une jurisprudence – ancienne – selon laquelle des conclusions reconventionnelles sont irrecevables devant le juge de l’excès de pouvoir. Le nouvel article L. 600-7 a remédié à cette situation pour le contentieux de l’urbanisme en donnant au juge saisi d’un recours pour excès de pouvoir formé contre un permis la possibilité de faire droit à des conclusions reconventionnelles en dommages-intérêts si « le droit de former un recours […] est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice anormal au bénéficiaire ».

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