Le concédant peut valablement régler les droits de stationnement et les frais d’entretien régulier des emplacements de stationnement de véhicules électriques sans nécessairement supprimer le risque d’exploitation du service

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2022

Temps de lecture

4 minutes

CJUE 10 novembre 2022 SHARENGO najem in zakup vozil d.o.o. ; req. n° C‑486/21

Dans le contexte du développement des mobilités durables porté par les collectivités territoriales, la CJUE précise les modalités contractuelles régissant les services de location et de partage de véhicules électriques.

Par sa décision C‑486/21 du 10 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne a eu à se prononcer sur les modalités contractuelles encadrant les services de location et de partage de véhicules électriques concédés par la commune de Ljubljana (Slovénie).

La commune avait lancé une procédure de passation d’une concession pour la création et la gestion, sur son territoire, d’un service de location et de partage de véhicules électriques. Le montage contractuel prévoyait notamment un apport du concessionnaire à hauteur d’un certain montant comprenant une flotte existante de véhicules, l’acquisition de nouveaux véhicules au cours de l’exécution, l’aménagement des places de stationnement, la création de bornes de recharge, la technologie existante, le personnel te le développement. Le concessionnaire devait supporter tous les risques techniques, technologiques et financiers (y compris la rentabilité) résultant de la mise en œuvre des mesures d’investissement et de la fourniture du service de location et de partage des véhicules.

Les documents du marché prévoyaient également que les candidats devaient être enregistrés dans une classification standard nationale d’activité pour exercer, requise pour chaque partenaire à titre individuel en cas d’offre présentée en groupement.

Au cours de la procédure de passation, la société Sharengo a posé des questions sur l’appel d’offres et a introduit une demande de révision du cahier des charges auprès de la commune, rejetée en raison de son caractère prématuré (le délai dont la commune disposait pour répondre aux questions n’était pas expiré). Cette demande de révision a cependant été transmise par la commune à la Commission nationale de contrôle des procédures d’attribution des marchés publics, en application de la réglementation nationale.

Cette dernière a décidé de soumettre plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne, sur le fondement de l’article 267 du TFUE 1)Article 267 TFUE, afin d’obtenir son éclairage sur des questions relatives aux incidences éventuelles d’un chevauchement des activités de fourniture et de gestion de services sur la qualification du contrat (i), aux modalités de détermination de la valeur estimée du contrat (ii) et à la validité de la condition d’enregistrement dans la classification standard nationale au regard des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination (iii).

(i)

La CJUE répond d’abord en substance que le seul transfert au concessionnaire du risque lié à l’exploitation de services suffit pour caractériser une concession de services, ce risque pouvant être caractérisé en présence d’un apport financier du pouvoir adjudicateur.

En l’espèce, la commune de Ljubljana renonçait à percevoir les droits de stationnement et prenait en charge les frais d’entretien régulier des emplacements de stationnement mis à la disposition de l’opérateur économique. Néanmoins, la Cour relève que le concessionnaire n’était pas pour autant prémuni contre tout risque de pertes dès lors qu’il :

« ne pourra amortir les investissements effectués et les coûts supportés lors de l’exploitation du service en cause au principal que s’il tire d’importantes recettes du paiement de redevances par les usagers du service » (point 63)

Le concédant d’un service de création et de location de véhicules électriques peut ainsi valablement régler les droits de stationnement et les frais d’entretien régulier des emplacements de stationnement de véhicules sans nécessairement supprimer le risque d’exploitation du service. Ce risque dépend en effet d’autres paramètres, dont, pour l’essentiel, des redevances versées par les usagers.

En outre, l’affectation majoritaire de l’apport financier de l’opérateur économique à l’acquisition d’une nouvelle flotte de véhicules électriques n’a pas pour effet d’entrainer une requalification de la concession en contrat mixte dès lors que, malgré l’existence d’un achat de fournitures, le pouvoir adjudicateur n’entend pas tirer profit lui-même des véhicules achetés (ce qui vaudrait également s’ils avaient fait l’objet d’une location ou d’un crédit-bail). Ce n’est toutefois pas le choix du code CPV qui détermine la nature du contrat, mais bien l’inverse.

(ii)

La Cour précise que l’apport du concessionnaire, à savoir l’investissement consenti et les coûts supportés pendant toute la durée de la concession, seul ou avec le pouvoir adjudicateur, peuvent être pris en considération pour calculer la valeur estimée de la concession. Ainsi en matière de concession de véhicules électriques, l’estimation de la valeur de la concession doit se baser sur le chiffre d’affaires total du concessionnaire généré pendant la durée du contrat hors TVA, en tenant compte des redevances versées par les usagers et des apports et des coûts supportés par le pouvoir adjudicateur.

Toutefois, le pouvoir adjudicateur peut également prendre en compte les investissements et les coûts à supporter par le concessionnaire, seul ou avec le pouvoir adjudicateur, pendant toute la durée de la concession.

Cette estimation est cruciale pour déterminer l’applicabilité des différentes procédures de passation.

(iii)

Enfin, la Cour indique qu’un pouvoir adjudicateur peut valablement exiger, au titre des critères de sélection et d’évaluation qualitative des candidats, que les opérateurs économiques soient inscrits au registre du commerce ou de la profession, pour autant qu’un opérateur économique puisse se prévaloir de son inscription au registre similaire dans l’État membre dans lequel il est établi.

En revanche, elle juge que l’exigence tenant à ce que chacun des membres du groupement candidat en dispose est disproportionnée dans la mesure où :

« un opérateur économique recourant aux capacités d’autres entités cherche soit à accroître des capacités dont il dispose déjà mais, éventuellement, en quantité ou en qualité insuffisante, soit à se doter de capacités ou de compétences qui lui font défaut » (point 100)

Finalement, la Cour se contente d’appliquer les règles européennes en vigueur de la commande publique. Elle fournit néanmoins un éclairage concret sur des exemples nouveaux et amenés à se multiplier, particulièrement bienvenu tant pour les collectivités organisatrices de la mobilité que pour les opérateurs économiques sur le secteur.

 

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References   [ + ]

1. Article 267 TFUE

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