Le concessionnaire de service public n’est pas par défaut l’autorité gestionnaire du domaine public

Catégorie

Contrats publics, Droit administratif général

Date

March 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 24 février 2020 Département des Hauts-de-Seine, req. n° 427280 : mentionné aux tables du Rec. CE.

Le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur la personne compétente pour autoriser l’occupation du domaine public par un réseau de communications électroniques.

En l’espèce, le département des Hauts-de-Seine a conclu avec la société Colt Technology Services une convention d’occupation du domaine public, permettant à cette société de déployer son réseau au travers des infrastructures du réseau d’assainissement départemental. Ce réseau d’assainissement départemental est exploité par la SEVESC, gestionnaire des ouvrages publics nécessaires au bon fonctionnement de ce service, au terme d’un contrat d’affermage conclu avec le département.

En vue du recouvrement de la redevance correspondant à l’occupation de réseau d’assainissement au titre de l’année 2015, le département des Hauts-de-Seine a émis à l’encontre de la société Colt Technology Services un titre exécutoire d’un montant de 173 920,56 euros qu’elle a contesté.

La requérante a notamment invoqué les dispositions de l’article L. 45-9 du code des postes et communications électroniques, alors applicable, au terme duquel les exploitants de réseaux de communications électroniques ouverts au public bénéficient d’un droit de passage sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public, et de l’article 47-1 du même code, qui détaille les conditions dans lesquelles la convention d’occupation pour ce droit de passage donne lieu à versement de redevances à « l’autorité concessionnaire ou gestionnaire du domaine public concerné », pour soutenir que  la SEVESC, concessionnaire du réseau d’assainissement départemental, aurait été seule compétente pour lui accorder le droit d’occuper le réseau d’assainissement et de fixer et percevoir les redevances correspondantes.

La cour administrative d’appel de Versailles a accueilli cet argumentaire pour le moins curieux, allant même jusqu’à écarter comme irréguliers les termes limpides d’un avenant conclu entre le département et la SEVESC, qui indiquait explicitement que « toute utilisation du patrimoine qui ne répondrait pas aux nécessités du service public de l’assainissement relève de la compétence du Département en sa qualité de propriétaire des ouvrages et équipements, et autorité organisatrice du service d’assainissement ». La cour a ainsi tenté d’interpréter les dispositions du CPCE comme impliquant que seul le concessionnaire des réseaux occupés serait compétent pour consentir à leur occupation et à percevoir les redevances correspondantes.

Le Conseil d’Etat censure pour erreur de droit cette approche, ce qui parait effectivement cohérent, les textes précités ne prévoyant en rien que la délégation à un tiers de la gestion du réseau public objet du droit de passage d’un réseau de communications électroniques entraînerait nécessairement le transfert au concessionnaire de la compétence pour autoriser l’occupation de ce réseau par les exploitants de réseaux de communications électroniques :

« Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucun texte, que la délégation à un tiers de la gestion du service public exploité au moyen d’un réseau public relevant du domaine public routier ou non entraîne nécessairement, dans le silence de la convention, le transfert au concessionnaire de la compétence pour autoriser l’occupation de ce réseau par les exploitants de réseaux ouverts au public visés au premier alinéa précité de l’article L. 45-9 du code des postes et communications électroniques, ainsi que pour fixer et percevoir les redevances correspondantes. »

Pour l’occupation spécifique d’un réseau public concédé par un réseau de communications électroniques, le contrat de concession dudit réseau public doit prévoir explicitement que le concessionnaire est chargé d’autoriser les droits de passage visés par le CPCE pour que sa compétence en la matière soit reconnue.

A l’inverse, lorsque le concessionnaire d’un service public est autorisé par l’autorité concédante à délivrer des permissions d’occupation sur le domaine public qu’il occupe, le Conseil d’Etat estime qu’il est l’autorité chargée de fixer les conditions d’octroi de ces permissions et les tarifs d’occupation 1)CE 10 juin 2010 Société ESCOTA, req. n°305136. Toutefois, la concession doit tout de même l’autoriser à sous-concéder le domaine public, ce qui revient finalement au même.

C’est donc à tort que les juges d’appel ont fait droit au recours de la société Colt Technology Services au motif que le titre aurait été émis par une autorité incompétente : il appartenait bien au département de percevoir ces redevances d’occupation.

 

 

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